Chapitre 9 - Promotions (3)

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Samedi 15 août 1964, école de Hinterhoden, Grindelwald

Franz demanda aux personnes qui étaient restées de débarrasser les tables et de porter la vaisselle à la cuisine, puis il les mena au sous-sol de l’école, il ouvrit une porte fermée à clef. Une cave oblongue avait été aménagée, d’un côté il y avait des vitrines qui contenaient tous les trophées que Franz avait gagnés au cours de sa carrière de lutteur : des coupes, des médailles, des rubans ; de l’autre côté des photos des différentes compétitions et de la remise des prix ; au milieu une longue table avec des chaises de chaque côté ; enfin, au fond, une petite scène avec un piano droit.

— Génial, dit Laertes, mieux qu’une boîte de nuit, on pourra aussi faire du strip-tease.

— On compte sur toi pour montrer l’exemple, fit Frédéric.

— Vous avez gagné des taureaux ? demanda Philippe à Franz. Qu’en avez-vous fait ?

— Tu peux me tutoyer ce soir, nous sommes entre nous, répondit-il. Ils sont en pension chez différents paysans de la région et ils servent à la reproduction. Ils ne gaspillent pas leur semence dans des mouchoirs comme vous.

— Tu étais toujours entouré de demoiselles d’honneur pour la remise des prix, fit Koen. Tu n’aurais pas préféré des damoiseaux ?

— Désolé, Koen, ce n’est pas ce soir que je te dirai si je suis homosexuel ou pas. Ma vie privée ne regarde pas les élèves. On en reparlera quand tu auras eu ton bac.

— C’était juste pour mes statistiques. Je désire établir une corrélation entre l’échelle de Kinsey et la longueur des queues.

— Tu auras bientôt besoin de cartes perforées pour les gérer. Nous n’avons pas les moyens de nous payer un ordinateur IBM.

— Le père de Frédéric pourrait vous en offrir un. Je me chargerais de le programmer.

— Ne rêve pas. Mais tu pourrais louer du temps de calcul sur l’ordinateur de l’école polytechnique de Zurich.

— Je vais y réfléchir.

Franz avait prévu que certains élèves resteraient, il avait dit au cuisinier de descendre les restes de l’apéritif et du souper pour grignoter : du pain, de la viande froide et des fromages qu’avait apporté Peter. Il n’y avait plus de tarte aux pommes. Le père de Frédéric avait offert des vins vaudois, il restait un carton avec la cuvée spéciale « Le Faune en Rut » du Château de Vincelard. Franz déboucha deux bouteilles et remplit les verres.

Il montra ensuite le piano à Alexandre, s’excusant car il était désaccordé. La pianiste rectifia quelques cordes, puis dit que cela irait pour le duo comique de Peter et Stefan. Ceux-ci firent leur entrée dans la cave, l’un habillé en pâtre grec et l’autre en belle Hélène. Ils terminèrent leur chant en se déshabillant, comme ils l’avaient fait chez les architectes, et surtout en bandant, ce qui provoqua un immense éclat de rire et des applaudissements. Alexandre se retrouva également nu.

— Ça va t’inspirer pour tes récits érotiques, dit Frédéric à Philippe qui était assis à côté de lui.

— Peut-être, je préfère les belles histoires d’amour.

— Stefan et Peter sont amoureux.

— Je ne le savais pas.

— Et toi, si je peux me permettre de te poser cette question, tu as un amoureux ou une amoureuse ?

— Non, mais je ne désespère pas.

Koen intervint :

— Tu écris des récits érotiques ? Est-ce que je pourrais les lire ?

— Ils sont en français, tu ne comprendrais pas.

— Je vais l’apprendre, cela pourrait m’aider, je connais déjà quelques mots : la verge, la queue, la pine, le vit, les couilles, les roubignoles, le cul, le fion, bander, piner, baiser, enculer. (NDT En français dans le texte)

— Où as-tu appris tous ces mots ? s’étonna Frédéric.

— Un bouquin chez ton père.

— Fais gaffe, Philippe, si tu montres tes récits à Koen, dans deux mois il te dira lorsque tu oublies l’imparfait du subjonctif.

Peter et Stefan s’étaient rhabillés et tous trinquèrent. Franz demanda si quelqu’un voulait se produire. Laertes surprit tout le monde, il jouait aussi du piano, dans un tout autre style. Il interpréta quelques morceaux de jazz. Alex le félicita. Ensuite, ce fut Koen qui proposa quelque chose :

— Je pourrais terminer mon exposé avec Yanis.

— Attention, expliqua Franz au fleuriste, tu vas aussi finir à poil si tu acceptes.

— Il me semble que c’est la condition à remplir pour être admis dans ce cercle lorsque l’on n’est pas élève.

— Lorsqu’on est élève aussi, dit Frédéric, à poil dès le premier jour.

— Ce n’est pas obligatoire, je ne vais pas demander à Madame de se déshabiller, dit Franz en s’adressant à Dominique, je vous prie de les excuser, ils ne savent pas se tenir devant les dames.

— Cela ne me dérange pas du tout, fit-elle, je viens de terminer des vacances avec des hippies. Je m’attendais à tout en venant ici, après ce que nous a dit le cousin de mon ami.

Elle raconta en quelques mots leur séjour au Tessin, elle parla de Flavio, mais pas des lesbiennes. Koen eut l’air intéressé et proposa à Franz :

— On pourrait faire un voyage d’études à la rentrée dans ce camp au Tessin ?

— Tu devras aussi travailler, il me semble que tu as déjà assez pris de week-ends prolongés pour aller baisouiller à droite et à gauche.

— Tu as raison, je me concentrerai sur les élèves de l’école pour mes études. Mais j’aimerais bien étudier Yanis ce soir.

— Koen est incorrigible, dit Franz au fleuriste, à toi de voir s’il peut te tripoter le zizi.

— J’accepte, je doute fort que quelqu’un ne finisse pas la soirée à poil la queue au garde-à-vous, à part Madame, bien sûr.

— Tu pourrais être surpris, fit Frédéric, énigmatique.

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