— Alors vous êtes un renégat ?

            Andreìs ne put retenir une contraction de ses muscles maxillaires à ce mot. Renégat… Depuis le temps, il ne savait plus trop qui étaient les traîtres et qui étaient les loyalistes. Tout ce qu’il savait, c’était que seuls les vainqueurs écrivaient la vérité. Inspirant longuement pour se détendre, il répondit.

— Je serais plutôt un déserteur. Et je veux juste vivre en paix…

            La jeune femme s’approcha de son père et murmura en Malgauareg à une voix si basse qu’aucune oreille normale n’aurait pu entendre ce qu’elle disait.

— Qu’est-ce qu’un « déserteur », père ? *

— Quelqu’un qui abandonne son poste dans les forces militaires, jeune fille.*

            Andreìs avait répondu avec une parfaite maîtrise de la langue, et la jeune femme le regarda pleine de surprise.

— Je suis désolé, mais mes améliorations ont aussi modifié mon ouïe… Je ne voulais pas sembler irrévérencieux ou indiscret…*

            Assya se ressaisit avant de parler.

— Il n’y a pas de mal…

            Elle sembla hésiter avant d’ajouter.

— Pourquoi avez-vous déserteur ? *

— On dit déserter, Héritière. C’est un verbe.*

            La jeune femme était sidérée par les connaissances que cet étranger avait de son peuple, de sa culture et de sa langue. Chaque nouvelle phrase qu’il prononçait semblait vouloir dévoiler pas à pas son savoir sans écraser la jeune femme sous celui-ci. Se reprenant, Assya demanda.

— Bien… Et pourquoi avez désert… Déserté ? Je suppose que ça se conjugue.*

— Vous supposez bien. J’ai fait ce choix à cause de la Grande Trahison.*

— La Grande Trahison ? *

            Le géant opina lentement du chef avant d’expliquer.

— Une partie des troupes Géno-modifiée a retourné ses armes contre la Famille Royale, le gouvernement, le peuple, l’Armée et ses frères d’armes… Certains se sont battus jusqu’à la mort, d’autres ont survécu pour ensuite subir la Traque et la Purge. Ceux qui n’ont pas été capturés errent depuis en se cachant, comme moi…*

— Alors vous êtes un traître ? *

            Tous les muscles du corps du colosse se tendirent sous le coup de l’accusation, tandis que, maîtrisant son ton à la perfection, il lui donnait sa version des faits.

— Non. Pour ma part, je les ai combattus, ces fils de coureuses de remparts. C’est quand tout a été fini que j’ai choisi de partir. Même si, chez nous, c’est aussi de la trahison… Une des pires… La lâcheté…*

            Le vieil homme regarda quelques instants l’armure posée derrière lui avant de reporter son regard vers son invité.

— Désirez-vous intégrer notre caravane ? Au moins un temps, pour vous reposer et restaurer vos forces ? D’autant plus que votre équipement a besoin d’entretien.*

            Andreìs fixa son hôte et sa fille avant de répondre, son regard sombre scrutant jusqu’aux plus profonds plis des âmes de ceux-ci.

— Si ma présence s’ébruite, vous serez tous en danger…*

            Morad acquiesça avant de répondre.

— Ça tombe bien, personne ne dira rien.*

— Alors, si je peux me rendre utile pour compenser ma présence.*

            Le vieil homme se mit à sourire à pleines dents, heureux de l’allié qu’il venait de se faire.

— Oh, je n’en doute pas. Bienvenu parmi nous. Nous nous rendions à mon palais pour une assemblée des chefs de clan avant une réunion de Seigneurs d’États. Et un garde rapproché comme vous sera le bienvenu le temps de finir le trajet. Les créatures de la Désolation sont énervées ces temps-ci, et les pillards ne sont pas en reste.*

— Bien.*

            À ces mots, les deux hommes se serrèrent la main pour sceller leur accord sous le regard incrédule de la princesse héritière.

*Traduit du Malgauareg