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            Sur une crête longeant la cité, une masse sombre se dessina dans la tempête de sable avant de s’enfoncer en courant dans celle-ci tandis que le véhicule de transport pénitentiaire sortait péniblement dans la cité aux rues peu adaptées à la circulation d’un engin motorisé de cette taille. Aux commandes, les deux pilotes se détendirent enfin un peu, la navigation aux appareils de mesures devenant enfin moins laborieuse malgré la visibilité inexistante à laquelle ils faisaient face, alors que dans la soute le Maître-Judiciaire dévisagea son vis-à-vis et prisonnier.

             — Tu sembles bien calme dis-moi, pour quelqu’un qui encourt la peine capitale…

            Andreìs hocha les épaules autant que son harnais le lui permettait et interrompit ses sifflements pour répondre.

— J’ai suffisamment vécu, combattu et fui pour me dire que je peux tirer ma révérence…

            Clarius se pencha légèrement en avant, intrigué.

— La vie de paria t’aurait fatigué ? Tu aurais dû y réfléchir avant, non ?

            Mettant encore sa chanson en pause, Andreìs répliqua avec calme.

— Mon seul crime a été de défendre la Famille Royale et d’avoir refusé qu’un coup d’État et un mensonge deviennent la vérité.

            Le Maître-Judiciaire opina lentement.

— Tu m’en diras tant… Tu serais le pauvre héros qui a échoué à protéger nos bien-aimés Seigneurs, et le Grand Maître des Guerriers de Jade serait un traître doublé d’un usurpateur ?

            Tête baissée, Andreìs murmura.

— Oui… Et le terme traître est vraiment adapté…

— Et pourquoi ça ?

            Le guerrier releva la tête, et Clarius hoqueta de surprise devant les larmes de douleurs qui dégoulinaient sur le visage de son captif.

— Parce qu’il est mon ami d’enfance, mon frère ! Et que ce qu’il a fait est à l’encontre des valeurs que nous avons toujours partagé ! C’est d’ailleurs pour ça que même si je suis serein, je ne peux pas vous laisser m’emmener plus loin.

— Et pourquoi ?

— Parce qu’avant de mourir, je dois libérer la famille royale, la remettre sur le Trône Mondial et tuer mon ami. Là, j’aurais fini ma mission et réparé mes erreurs…

            Clarius cracha aux pieds du géant.

— Mensonges ! Nous savons tous que la famille royale est morte ! De ta main !

            Affichant un sourire satisfait, celui-ci répondit.

— Un champ stasé n’est pas un cercueil. Le Roi est grièvement blessé, mais aucun d’entre eux n’est mort.

            Interloqué, le Maître-Judiciaire murmura sa question.

— Qu’est-ce qu’un champ stasé ?

— Un champ d’énergies dans lequel le temps ne s’écoule pas. Comme de la cryogénisation, mais sans glace, simplement avec de l’énergie.

— Une telle technologie n’existe pas !

            Andreìs rigola avant de répondre.

— N’existe plus. Elle rentre dans la catégorie des technologies perdues. Mais ce champ-là est encore actif, et bien caché.

— Où ça ?

— Si je vous le dis, il ne le sera plus.

— Mais si tu dis vrai, le Roi pourrait t’innocenter.

            Andreìs échappa un petit rire.

— Vous croyez vraiment que les Guerriers de Jade libéreraient la famille royale alors qu’ils tiennent le monde sous leur coupe ? Enfin, je vous croyais plus malin, Monseigneur…

            Clarius explosa.

— Je ne peux pas croire à tout cela ! Sinon, les Prétoriens ne leur seraient pas fidèles !

            Rigolant une seconde fois, Andreìs reprit.

— Renseignez-vous un peu. Quel est le cri de guerre des Prétoriens Royaux ?

            Le petit homme sembla réfléchir avant de répondre.

— « Craignons les Maîtres du Monde » ?

— Oui. Mais pourquoi les craignent-ils s’ils les servent ?

            Il put voir le doute s’installer dans le regard de l’homme de loi et reprit.

— Leur cri de guerre originel était « Pour le Monde, le Peuple et le Roi ». Avec l’arrivée des Géno-modifiés, il est devenu « Frères d’armes, même combat ». Et maintenant, « Craignons les Maîtres du Monde », ceux-là mêmes qui étaient leurs frères d’armes ? D’ailleurs, Maîtres du Monde, ça ne sonne pas un peu trop pompeux ? Quand on est légitime à un poste, on ne prend pas de nom qui en impose…

            Subitement, le guerrier redressa la tête avant de sourire à pleines dents.

— Je vous laisse y réfléchir, moi, je m’en vais…

            Clarius bégaya avant de réussir à demander.

— Comment ?

            Un choc puissant se fit entendre sur le côté gauche de la carlingue, enfonçant le métal sous la puissance de l’impact, et le véhicule bascula sur le flanc droit en dérapant sur le sable pendant plusieurs mètres avant de s’arrêter tandis que son équipage hurlait de panique. Quelques secondes plus tard, de puissantes griffes s’enfoncèrent le métal de la trappe arrière et le découpèrent comme du papier avant que la trappe soit arrachée en dévoilant un immense Fenrys bleu gris aux yeux jaunes. Alors que le sable commençait à pénétrer la carlingue, Andreìs cria de joie et le Maître-Judiciaire hurla de terreur.

— Fury ! Tu as entendu ma chanson ?

            Le loup fit oui de la tête.

— Bien, j’arrive !

            Forçant sur ses bras, Andreìs arracha le harnais et ses menottes avant de se relever. Derrière lui, depuis le cockpit, un pilote sortit son arme de poings.

— Halte !

            Andreìs le dévisagea, le visage dur, et répondit tout en prenant le temps de libérer le Maître-Judiciaire.

— Tes balles ne traverseraient pas ma peau. Envoie plutôt un SOS au Haut Commandement Militaire. Dis-lui bien que Rark le Rouge s’est laissé capturer pour qu’ils sachent que je vis toujours. Et précise ceci dans ton message : Une lame va bientôt se briser.

            Il dévisagea ensuite le petit homme et lui murmura à l’oreille.

— Si un jour vous souhaitez en savoir plus, si un jour vous doutez de leur vérité, allumez une bougie rouge à votre fenêtre.

            Se redressant, il se tourna vers la sortie et parti en courant avec Fury.

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