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            Le monde fêta le retour de la Famille Royale pendant une semaine, l’apogée de la liesse collective étant atteinte le troisième jour quand le Roi, en fauteuil roulant et sous assistance médicale, vint se présenter sur le balcon pour se faire remettre son épée par le Prince Valeur sous le contrôle du Seigneur-Judiciaire Clarius Graivus. Celui-ci rapporta au monde entier tout ce dont il avait été témoin, ajoutant par sa fonction et sa déclaration du poids et du crédit aux évènements récents.

            Dans l’infirmerie du palais, Assya et Edwin ne quittaient pas la zone des soins intensifs. Gregor et Armist étaient stabilisés et hors de danger mais tous deux se trouvaient en état de Grand Sommeil, et le corps médical ne pouvait plus faire grand-chose pour eux, leur survie dépendant de leur seule volonté à s’éveiller.

            Edwin se tenait devant le bassin de soins de Gregor, un immense tube cylindrique de quatre mètres sur quatre dans lequel l’homme-tronc flottait, relié à tout un système de câbles lui apportant air, sang, nutriments et produits dopants tandis que des bras mécaniques s’affairaient tout autour de son corps pour préparer la greffe de membres protéiques. La jeune héritière quant à elle était assise aux côtés du lit de son amant, lui tenant la main en regardant son torse se lever et s’abaisser lentement au rythme de la respiration mécanique qui lui était prodiguée. Son combat avait été si intense et ses blessures si sévères qu’il avait dû se faire transfuser presque quinze litres de sang, un corps géno-modifié en contenant en moyenne une dizaine, et les médecins refusaient de se prononcer sur d’éventuelles séquelles. Ils avaient néanmoins été clairs sur trois points. Gregor était celui qui avait le plus de chances de revenir un jour, ils ignoraient totalement combien de temps durerait leur Grand Sommeil, et les chances qu’Andreìs puisse combattre de nouveau étaient proches de zéro.

            Maître Da Yo, accompagné du Prince Valeur poussant le fauteuil du Roi Brave et de Morad étrennant sa jambe cybernétique, vinrent leur rendre visite à l’issue de la cérémonie de restitution de l’Éépée Royale, tandis que les appareils médicaux bipaient toujours à intervalle régulier, puis le vieux Maître demanda.

            — Toujours aucune évolution ?

            Edwin et Assya saluèrent les arrivants et Edwin répondit.

— Aucune…

            Da plissa les paupières avant de demander au Roi du Génie.

— Les sens-tu ?

            Celui-ci reporta son regard sur Gregor avant d’acquiescer.

— Oui, je sens leurs esprits… Ils sont toujours présents. Loin, mais présents…

            Assya fit un mouvement négatif de la tête avant de le corriger.

— Pas loin. Effacés, faibles… Comme si ils étaient plongés dans un état de torpeur…

            Les deux guerriers regardèrent la jeune femme, surpris, avant d’échanger un regard entendu, puis le Maître Da s’adressa à la jeune femme.

— Vous pouvez les sentir ?

            Écrasant une larme, Assya répondit en reniflant.

— Oui. Andreìs m’a touché en esprit avant d’être récupéré par le Seigneur-Judiciaire. Il disait qu’ainsi, nous ne serions jamais vraiment séparés…

            Le Maître Géno hocha lentement la tête avant de demander.

— Lui avez-vous demandé de se réveiller ?

            Troublée, la jeune femme prit le temps de réfléchir avant de répondre.

— Je l’ai supplié de ne pas mourir… De ne pas m’abandonner…

— Mais lui avez-vous demandé de revenir ou de se réveiller ?

            Perdue et confuse, Assya balbutia.

— Je… Non… Pas dans ces termes-là, en tout cas…

            Le Maître sembla réfléchir, et Morad en profita pour ajouter son grain de sel.

— Et lui as-tu dit que tu l’aimes ?

            Sous les regards surpris et les sourires complices, la jeune femme rougit.

— Ça, il le sait déjà…

— Mais lui as-tu dit ?

— Non…

— Alors qu’attends-tu ?

— Qu’il se réveille.

— Et s’il ne se réveillait jamais ? Allez, dis-lui…

— Père…

— Dis-lui.

            Le ton de Morad fut sans appel et Assya abdiqua. Retournant auprès d’Andreìs, elle se pencha au-dessus de lui avant de passer sa main dans les cheveux du guerrier.

— Je t’en supplie mon amour, reviens-moi… Réveille-toi…

            Se penchant un peu plus, elle déposa un baiser délicat sur ses lèvres avant d’ajouter en se relevant.

— Je t’aime.

            Pleine d’espoirs, elle fixa le guerrier de longues secondes, en vain. Effondrée, elle se retourna pour partir quand quelque chose la retint. Tournant la tête, elle observa son poignet bloqué, avant de hurler de joie en réalisant que la main d’Andreìs s’était refermée sur son avant-bras, et les yeux de celui-ci s’ouvrirent lentement tandis que son visage affichait un sourire radieux.

— Il t’en aura fallu, du temps, pour m’appeler…

            Pleurant toutes les larmes de son corps, la jeune femme se jeta à son cou, et le guerrier l’étreignit délicatement.

— Tout va bien ?

— Tu es revenu. Ça ne pourrait pas aller mieux.

— Oh, mais si… Attends, tu vas voir.

            Repoussant doucement la jeune femme, Andreìs se releva et quitta son lit, laissant les draps tomber au sol en révélant un corps encore plus couturé de cicatrices, certaines encore roses et fraîches. Il prit le temps de saluer tous ceux qui étaient présents sans se soucier de sa nudité avant de se diriger vers Gregor et resta là à l’observer, une larme coulant sur sa joue, avant de soupirer et de frapper contre le tube en souriant.

— Allez, bel endormi, il faut revenir !

            Gregor ouvrit les yeux d’un coup sec, faisant sursauter le Roi, avant de sourire à travers son masque respiratoire tandis qu’Andreìs continuait.

— Je ne sais pas si tu m’entends dans ta piscine, mais on a gagné. Regarde !

            Andreìs s’écarta pour montrer d’un ample mouvement du bras le Roi et le Prince qui le saluèrent d’un mouvement de tête. Se remettant face à la vitre, il reprit.

— Tu as morflé… Mais de ce que je vois, tu vas être réparé. Et je pense que tu pourras vite remettre ton armure, mon ami. Ou plutôt une nouvelle, vu l’état dans lequel tu as mis l’ancienne… Alors en attendant… Repose-toi. Tu l’as bien mérité…

            Andreìs posa sa main sur la vitre et Gregor cligna des yeux plusieurs fois, répondant oui en morse. Après quoi, il ferma complètement les yeux et se rendormi. Assya s’approcha alors de son amant pour se coller à son dos.

— Tu faisais semblant ?

            Le Maître Yo répondit le premier.

— Non. Quand il a connecté vos esprits, il a fait de vous son point d’ancrage. Vous étiez devenue celle qui pouvait le ramener à coup sûr du Grand Sommeil. Comme Gregor l’a fait avec lui. Nous avons pour habitude de faire ça avec les personnes qui nous sont les plus chères ou les plus proches.

            Andreìs se retourna et Assya le dévora du regard en souriant, sourire qu’il lui rendit. Le Roi en profita pour prendre la parole.

— Les médecins étaient très alarmistes sur ton état, mais tu sembles capable de pouvoir enfiler ton armure de nouveau. Néanmoins, mon fils a promis qu’un vœu de la Seigneurie Malgauaregue serait exaucé, et l’héritière a demandé, si tu le souhaites, que tu sois démobilisé afin de pouvoir l’épouser.

            Andreìs ouvrit de grands yeux surpris avant de répondre.

— Non… Enfin, si, mais… Je ne veux pas être démobilisé. Être un guerrier est… Dans mon ADN… Littéralement… Il doit exister une solution pour faire correspondre ce vœu auquel je me plierais volontiers avec mon souhait de continuer à servir.

            Le visage d’Assya passa par tout un panel d’émotions pendant la réponse du guerrier, avant qu’elle pousse un soupir de soulagement et se blottisse contre lui. De son côté, Edwin s’avança vers le Roi.

— Votre Majesté. Nous n’avons plus de Guerriers de Jade et tant mieux. Mais nous avons depuis le jour de la grande Trahison un Saint parmi les Géno-modifié, et il se tient nu face à vous.

            Il désigna du pouce Andreìs derrière lui en ajoutant.

— Nos effectifs sont au plus bas, et il reste quelques traîtres à traquer… Peut-être, si le Seigneur Malgauareg est d’accord, pourrions-nous installer notre futur centre de recrutement et de formation dans son État-Pays ? Notre Saint, de par son statut, serait obligé d’en prendre le commandement, ce qui permettrait de joindre l’utile à l’agréable.

            Le Roi et Morad échangèrent un regard complice avant d’opiner du chef, et Valeur ajouta.

— L’affaire est donc réglée. Et je compte sur le Roi du Génie pour nous faire une vraie forteresse.

            Edwin se courba en souriant.

— Selon votre Volonté, Votre Altesse.

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