Un baiser de cinéma

9 minutes de lecture

- J’en reviens pas d’enfin venir chez toi.

- Il était temps, pourtant, dis-je avec un sourire tout en sortant les clés de mon sac.

- C’est vrai. La rencontre avec tes potes, l’invitation ici. On va bientôt pouvoir se marier, plaisante-t-il.

- La semaine prochaine ? je propose en ouvrant la porte.

- Ca me va, je me charge des invitations.

J’acquiesce avec un sourire et entre, l’attrapant par la main pour qu’il me suive. C’est une image étrange : Ange dans ma maison. Mais cette image ne me déplaît pas, je veux même la renouveler le plus souvent possible. Un sourire sur les lèvres, je dépose un baiser sur les siennes avant de lui demander :

- Tu veux un truc à boire ? à manger ?

- Non, merci.

Il observe tout ce qui l’entoure avec un petit sourire, et je me rappelle la sensation que ça faisait, de découvrir sa maison. Découvrir cette part de lui que je ne connaissais pas (en même temps, nous étions quasiment des inconnus), l’endroit où il a grandi. Je me demande s’il se fait les mêmes réflexions que moi.

Un bruit derrière nous nous fait nous retourner, et je vois mon chat s’étirer longuement pour venir se frotter aux jambes d’Ange.

- Tu as un chat ?

- Non, tu vois bien que c’est un alligator.

- Je n’aime pas le ton que tu emploies, jeune homme.

Je lui tire la langue et m’accroupis pour prendre mon chat à bras, à la hauteur de mon copain.

- Ange, voici Jacques.

- Tu as appelé ton chat Jacques ?

- Je rêve où tu es en train de juger le degré de bizarrerie du nom de mon chat alors que tu t’appelles Ange ?

- T’as raison, c’est déplacé, désolé Jacques. On pourrait former un club anonyme des prénoms bizarres, toi et moi.

Jacques se débat pour que je le remette sur ses pattes, et je lui obéis.

- Je crois qu’il n’aime pas l’idée.

- C’est dommage.

Un instant plus tard, il me regarde d’un air étrangement neutre :

- Tu n’as pas peur que tes parents rentrent à l’improviste ?

Il garde le visage impassible, mais je sais ce qu’il essaie de savoir. C’est vrai que l’idée me pince l’estomac pour une raison que je ne saurais plus trop déterminer, mais elle me paraît bien moins effrayante qu’il y a quelques jours.

- Non. Et au pire, ça ne serait pas la fin du monde.

Son masque de neutralité se fend pour laisser place à un grand sourire qui me retourne l’estomac. Je suis tellement heureux de l’avoir retrouvé. Je me rends compte à quel point je suis attaché à tous ces détails : ses yeux d’un bleu polaire, son sourire immense, sa taille, le son de sa voix, de son rire. Depuis que j’ai failli les perdre, je ne peux plus faire sans. Il s’approche de moi, les iris comme deux flammes bleu clair, et il se penche (atrocement lentement) vers moi pour effleurer mes lèvres. Juste un effleurement, mais qui éveille tous mes sens. Avant qu’il ne se redresse, je passe mes bras autour de son cou pour le garder près de moi, et j’approche mon visage tout près du sien. Comme lui, je ne l’embrasse pas, je le frôle, nos nez se touchant, nos lèvres se cherchant, nous attendons chacun que l’autre cède. Tout mon corps est en alerte, je sens aussi bien le contact de ses doigts fins dans le creux de ma taille que son odeur enivrante ou la sensation de ses cheveux sur mes doigts. Au moment où je vais craquer, il m’embrasse. Comme si nos deux vies, et probablement celle de l’humanité toute entière en dépendait. Et j’adore ça.

Je suis presque essoufflé (et très excité) quand il s’arrête. Ses lèvres et ses joues sont rouges (ce qui est absolument adorable) et ses cheveux sont en bataille. Je ne dois pas être mieux, et je m’en fiche. Nous somme en plein milieu de mon salon, amoureux, et je n’échangerais ma place pour rien au monde. Même pas une nuit avec Robert Pattinson (c’est dire).

- Et si tu me montrais ta chambre ?

Je hausse les sourcils tant la phrase semble suggestive, mais il rigole en se justifiant :

- Pour… la voir, pas pour y faire quoi que ce soit…enfin à part si tu…

Il marque une pause, le sourire aux lèvres :

- Et merde, on dirait toi.

Je lui administre une petite tape sur le torse en rigolant, me rappelant de cette fois, dans sa chambre, où je m’étais empêtré dans une tirade sur le confort de son matelas.

- Allons-y.

Il me suit dans les escaliers, où il m’arrête rapidement. Pour regarder les photos, évidemment. Là, tout de suite, j’échangerais peut-être ma place pour une nuit avec Robert. Les photos accrochées dans la montée d’escaliers sont toutes plus embarrassantes les unes que les autres. Il les observe sans en oublier aucune :

- Tu portais les robes de ta sœur, et tes parents n’ont jamais douté de ta sexualité ? me demande-t-il en pointant du doigt un Jules enfant maquillé et apprêté comme une Emma enfant.

- C’était pour rire.

- Mais oui, j’en doute pas.

Je lui fais la grimace alors qu’il regarde les autres photos :

- C’est ta mère ?

- Non, une inconnue portant un t-shirt « meilleure maman du monde » avec qui j’ai pris une photo, comme ça.

C’est à lui de me faire la grimace.

- Elle te ressemble. Ton père, par contre, non.

- Je sais. Je pense qu’Emma et moi sommes les enfants du facteur.

- Mince, ça doit pas être facile à vivre.

- T’imagines pas.

Il rigole et se remet en marche, enfin décidé à me suivre jusque ma chambre.

Dès qu’il entre, une sensation nouvelle s’empare de tout mon corps. Je l’ai imaginé ici de nombreuses fois. Debout dans ma chambre, prenant tout l’espace de sa grande taille et de sa joie de vivre. Assis sur mon lit, devant mon bureau, n’importe où. Mais le voir ici pour de vrai change tout : ce n’est ni un rêve, ni un souhait. C’est vrai. C’est parfait. Cet endroit est mon endroit le plus personnel, et il y entre enfin.

Je sais que lui aussi est heureux d’être là, et je n’ai pas besoin qu’il le dise pour le deviner : son sourire et ses yeux curieux se posant partout parlent pour lui. Je l’observe me découvrir un peu plus, son regard se promenant de mon bureau à ma housse de couette grise.
Et je me rends alors compte que je ne suis ni intimidé, ni gêné. Je n’ai pas honte que ma chambre soit si mal rangée, qu’Ange découvre que j’ai gardé toutes mes figurines Harry Potter que j’ai eues au collège. Je ne suis pas gêné qu’il voie les photos de mauvaises qualités accrochées ici et là, plus ou moins vieilles, certaines me montrant même avant que mon strabisme ne soit soigné. Je ne suis pas non plus gêné quand il se saisit d’un cours de littérature pour se moquer de moi :

- Heureusement que tu ne m’écris pas de lettres d’amour, je serais incapable de les déchiffrer.

- Je sais déjà dessiner, tu ne peux pas tout me demander.

- C’est vrai… Mais bon.

J’attrape un de mes oreillers pour lui lancer, mais il l’attrape au vol.

- De toute façon, tu n’es pas venu ici pour juger mon écriture, j’argumente.

- Ah bon ? Pourquoi je suis venu alors ?

Il pose l’oreiller sur ma chaise de bureau pour s’approcher de moi, l’air malicieux.

- Pour me faire réviser le théâtre, enfin.

Je lève les yeux au ciel, comme si c’était évident.

- Oh, alors dans ce cas.

Il fait un tour sur lui-même, et un instant plus tard, son expression a changé : il a un air guindé sur le visage, les sourcils un peu relevés, le menton haut. Il entrelace ses doigts et lance d’un ton théâtral, ressemblant parfaitement à celui de Mme Tonirelli :

- Bien, Jules. Ton retard dans nos rangs ne te pénalisera pas dans de hautes mesures si tu te plies soigneusement à mon programme de révision.

- D’accord, madame.

Un air amusé passe en éclair sur son visage, mais il se remet bien vite dans son rôle.

- Certaines leçons sont essentielles, pour devenir un bon comédien, et je vais t’inculquer la plus importante.

Il marque une pause, me faisant attendre comme notre professeure de théâtre aime tant le faire.

- Evidemment, ce cours doit être administré par un bon enseignant, et j’estime être à la hauteur de ce rôle. Tu devras donc m’être totalement dévoué.

- C’est compris, dis-je.

- Bien, cette première leçon est…

Je lève les sourcils alors qu’un petit sourire s’empare de ses belles lèvres.

- Le baiser de cinéma.

J’éclate de rire.

- J’ai l’impression que je vais rapidement rattraper mon retard.

- Tu vas devenir le meilleur comédien que la troupe n’ait jamais porté.

- Mais il faut que je pratique, alors.

Ange hoche la tête avec un grand sourire, et se saisit de mes mains. Il en place une sur sa nuque et murmure :

- La position des mains et très importante. Une là, et une…

Il glisse ma deuxième main dans ses cheveux, les yeux brûlants.

- Ici.

Comme il est plus grand que moi, ma position me colle inévitablement à lui, et il en profite pour poser ses mains sur mes reins et ma hanche.

- Là, c’est parfait. Evidemment, sens-toi libre de bouger si cela peut apporter… plus d’alchimie à la scène.

Ses paroles ne sont prononcées que dans un chuchotement, mais je lui obéis. Je resserre ma prise dans ses cheveux et caresse la peau de son cou de mon pouce. Il se mord la lèvre.

- Je crois que j’apprends vite, je murmure.

- Alors on peut sauter des étapes.

Sa bouche s’écrase sur la mienne, et ses bras m’enserrent plus fort. Chaque partielle de mon corps est en feu, particulièrement à tous les endroits où nos corps se touchent, et j’ai peur de me consumer dans ses bras. Ses lèvres s’entrouvrent sur les miennes, m’invitant à approfondir le baiser, et je me saisis de l’occasion. Mais ce n’est pas assez. J’en veux plus. Ma main posée dans son cou redescend lentement pour attraper le bord de son sweat, et je me détache une seconde de ses lèvres pour chercher l’approbation dans ses yeux. Il hoche vivement la tête, et je lui arrache presque son vêtement. Alors qu’il ouvre la fermeture éclair de ma veste, j’observe son torse en face de moi. Il est encore plus parfait que dans mon imagination. Le torse dessiné mais très fin, quelques grains de beauté ça et là. Il me donne envie de le dessiner, et je range cette idée pour plus tard dans un coin de ma tête en plongeant dans son cou pour l’embrasser à nouveau. Il parvient enfin à me dévêtir le torse, et le regard brûlant qu’il pose sur moi dissipe toutes mes craintes. Celles de ne pas lui plaire, d’être trop petit, trop fin, pas à la hauteur de ce qu’il imaginait. Tout mon corps frissonne quand il parcourt d’un doigt mes clavicules, puis ma poitrine, puis la peau de mon ventre. Je soupire, il sourit, et mes mains osent enfin toucher sa peau à leur tour. Je me serre à nouveau contre lui, mes doigts explorant son dos, ma bouche la base de son cou. Je ne veux pas me détacher de lui. Tout est parfait, idéal, tout semble tomber sous le sens. Je n’ai pas peur, j’ai confiance en lui, il me donne confiance en moi, et je n’ai honte de rien.

Sans trop savoir comment, nous nous retrouvons sur le lit, naturellement, avec une extrême douceur. C’est la première fois que je fais ça, et l’idée m’a toujours parue effrayante, mais c’est avec lui, et plus rien ne me fait peur. Ses mains finissent par effleurer la bordure de mon caleçon, et l’intensité dans ses yeux me posent une question tacite :

C’est OK ? C’est OK.

Un doux sourire s’empare de sa bouche, et tout le reste s’en suit comme si c’avait été écrit. Ses mains, sa bouche, tout son corps, et le mien. Nos peaux qui se touchent, nous ne savons plus où l’un commence et l’autre finit. C’est le moment le plus intense, le plus intime, le plus fort que j’ai jamais vécu, et je suis tellement heureux de le vivre avec lui.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Em ' ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0