Mon cœur pour toi, ta vie pour moi

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 Dan chercha sur Facebook, Instagram, Google, des jours durant, une trace de Jo. Sans résultats. Ses souvenirs pourtant le taraudaient, lui revenaient sans cesse, de jour comme de nuit. Il fouilla, encore et encore, avec l'énergie du désespoir, chaque page susceptible de contenir quelque élément sur Jo et sur le Pérou. Mais il ne trouvait jamais que l’un ou l’autre de ces termes, des informations éparses, des noms, des lieux, des dates qui, inéxorablement, l'entrainaient toujours plus loin du Pérou mais jamais auprès de Jo. Alors que faire sinon attendre, impuissant, des nouvelles hypothétiques de cet homme qu'il avait rencontré quelques mois auparavant. En quelques jours, Jo avait remis en question tout ce que Dan avait construit sans que ce dernier ne sache vraiment ni pourquoi ni comment son monde s'était chamboulé. Cet homme l’obsédait et l’expérience vécue là-bas s’était définitivement ancrée dans son corps et son esprit.
 Cet homme avait partagé huit jours de sa vie avec lui et l'avait transformé à jamais. Il le connaissait si peu... Et pourtant, il avait le sentiment d’avoir grandi auprès de lui. Cet homme avait quelque chose en lui, un magnétisme , une aura extraordinaire qui attirait quiconque gravitait autour de lui. Dan appartenait dorénavant à cette cour. Il désirait plus que tout avoir suffisamment attiré l’attention de Jo pour que celui-ci se souvienne de lui et le rappelle un jour auprès de lui. Lui, le petit garçon de la Ddass, que seule Mathilde avait pris le temps d’aimer, était émerveillé par ce personnage si charismatique. Pourtant, il n’avait aujourd’hui d’autres choix que de faire taire son impatience et éspérer une nouvelle lettre.

 Épuisé par ses recherches, obsédé par son désir de retrouver son mentor, tous les jours il s’arrêtait devant sa boîte aux lettres. Tremblant, il l'ouvrait d'un coup et en raclait le fond d'un geste rapide et désespéré. Ces sorties, si on pouvait encore appeler ainsi cette timide escapade jusqu’au hall de son immeuble, étaient les seuls de sa journée. Telle une ombre, il se glissait aussi furtivement que rapidement jusqu’à cette boîte qui était devenu son unique lien avec l’extérieur. Car, depuis maintenant un mois, il ne répondait même plus au téléphone. Les seuls appels qui l’intéressaient étaient ceux qui apparaissaient comme Inconnu sur son écran de portable. Terré dans sa chambre, les volets clos, il ne voyait même plus Thomas. Celui-ci, impuissant face à la décrépitude de son ami essaya bien de lui parler à travers la porte mais la seule réponse qui lui revenait en retour à toutes ses inquiétudes était toujours la même : « Je vais bien. Laisse-moi. Je cherche. Je dois le retrouver.» Thomas finit par abandonner l’idée de parvenir à communiquer avec lui et se résolut à laisser entrer les quelques livreurs qui sonnaient à la porte d’entrée de temps en temps pour livrer ses maigres repas à Dan.

 Le jeune homme n’avait plus qu’une seule solution qui s’offrait à lui : essayer de passer par Mathilde pour obtenir quelques nouvelles de son ami. Ils étaient forcément, d'une façon ou d'une autre, encore en contact tous les deux ! Il la joignit le soir même par téléphone et lui fit part de ses inquiétudes. Une heure plus tard, elle débarquait dans le petit appartement des deux garçons.

« Je suis encore désolé Mathilde, de t’avoir dérangé si tard. Tu sais, ça pouvait attendre demain quand-même. Il ne va pas bien du tout mais ça fait un moment que ça dure. Mais, là, c’est de pire en pire et je me dis que j’ai peut-être été un peu trop alarmiste pour que tu déboules aussi vite.

— Ne t’inquiète pas Thomas, je suis contente que tu m’aies prévenue. Vu ce que tu me racontes, il faut vraiment faire quelque chose pour lui. Tu sais, moi je suis seule, j’ai pas d’enfants, pas de famille et beaucoup trop de temps pour moi. Tu le sais, je n’ai que Dan. Il est ma vie, ma priorité. Je sais qu’il est jeune, qu’il vit sa vie de jeune adulte. Je sais qu’il m’aime, il me l’a souvent dit. Il me l’a prouvé aussi. Mais regarde, il est encore tellement immature. Mais ce n’est pas grave, je l’attendrai… Parce que je n’ai que lui et je l’aime. Et je sais qu’un jour, quand son âme sera apaisée, quand il aura réparé les blessures de son passé, nous nous retrouverons. Pour l’instant, je suis là pour lui et je vais t’aider à le sortir de là. On va y arriver.»

Sur ce, elle entra dans la chambre de Dan sans prendre le temps de frapper . Elle referma la porte. Thomas se retrouva planté devant cette dernière, penaud, mais soulagé, néanmoins, que Mathilde prenne les choses en main. Puis, il retourna sur son canapé et se replongea dans sa série.

Le lendemain, en fin de matinée, alors qu’il venait de se réveiller après avoir dormi sur le canapé, il vit passer Mathilde qui le gratifia d’un bonjour railleur, celui que les lève-tôt ne manquent jamais d'adresser au malheureux qui connaîssent des réveils plus difficiles. Elle ouvrit les placards de la cuisine à la recherche d’une tasse de café et de filtres. Puis, elle lança la machine et, en attendant que le café soit prêt, elle passa par la salle de bain. Elle en ressortit quelques minutes plus tard, rafraîchit et coiffée. Elle leva son mug en direction de Thomas, qui opina lentement. Mathilde retourna ouvrir les placard, parvint à en trouver un autre et leur servit du précieux breuvage qui avait la difficile mission de réussir à réveiller Thomas. Quand celui-ci finit par se lever et la rejoindre devant le bar qui faisait office de séparateur entre le salon et la kitchenette, elle lui expliqua espérer que l'état de santé de Dan s'améliore, qu’elle l’avait remotivé. Elle devait maintenant partir travailler. Elle lui expliqua qu’en ce moment, il manquait du monde à l’institut et qu’ils avaient de plus en plus d’enfants – La crise sans doute – donc elle n’arrêtait pas de bosser. Elle était crevée mais ça lui allait bien comme ça, finalement. Elle lui demanda de ne pas hésiter à la prévenir si Dan n’allait pas bien de nouveau. Puis, elle s’éclipsa. Est-ce qu’ils allaient se revoir, elle et Dan ? Elle ne s’était pas livrée sur ce point. Mais certainement avaient-ils prévu de se retrouver un jour ou l’autre. Quoi qu’il en soit, une heure plus tard, Dan sortait enfin de sa chambre et daigna même s’entretenir quelques minutes avec son ami. Ce dernier lui confia avoir été très inquiet pour lui. Dan esquissa un sourire et le remercia d’avoir fait appel à Mathilde. Celui-ci recommença peu à peu à ressortir de temps à autre pour aller chercher à manger et fit quelques apparitions rassurantes dans le salon commun.

Trois mois passèrent ainsi, cahin-caha, lorsqu'un jour son téléphone sonna. L’appel était masqué. Mais Dan répondait toujours aux inconnus, au cas où…

 « Salut Dan...

— ...

— tu te rappelles de moi ?

— ...Oui, lança Dan dans un souffle...

— C'est moi, Jo. Je venais prendre de tes nouvelles.

— Merci Jo, chuchota Dan… Je pensais pas que tu m'appellerais...

— Tu croyais que je t'avais oublié ?

— Oui. Je t’ai écris...

— ... Mais je suis parti environ quinze jours après ton départ, je crois.. On a établi notre campement un peu plus loin dans la forêt...

— Oui, oui, je sais, ma lettre est revenue. Je ne pouvais pas te joindre, je savais pas ce que tu devenais. Tu m’avais dit que je pouvais t’écrire, que tu m’enverrais des nouvelles du campement et que tu me dirais quand je pourrais revenir…Alors, je me demandais...

— Oui, je sais, j’ai pas eu le temps de prévenir Luis, c'est lui qui nous amenait le courrier. Je suis impardonnable, continua-t-il, un sourire dans la voix. Bon,tu vas bien alors ? Tu sais, j'ai pas mal de boulot en ce moment...

— Je comprends...»

 Mais Dan ne comprenait pas du tout. Jo le savait. Il devait avoir le sentiment d'avoir été une fois de plus abandonné. Même s’il ne s’était pas formellement engagé auprès de ce gosse complètement perdu, il savait que Dan s’était attaché à lui. Ce jeune garçon si fragile, au comportement encore tellement enfantin, se serait attaché à n'importe quel père spirituel. Alors autant que ce soit lui. Mais parviendrait-il à lui donner tout l'amour dont il avait besoin ? Il avait peur de le décevoir, encore une fois, il était si sensible... Que se passerait-il s'il était amené à repartir, plus loin encore, s'il ne pouvait pas amener Dan ? Est-ce qu'il s'en remettrait ? Pourtant, maintenant qu’il l'avait appelé. il se devait d'essayer, aller au bout. Il ne pouvait plus reculer. Bon gré, mal gré, leur destin était lié : Il l'avait su à l’instant où il l'avait rencontré. Tout était prêt. Maintenant, il fallait agir. Jo reprit son souffle et le fil de la conversation. Un ange était passé et il fallait rétablir le lien.

 « Alors, dis-moi, qu’est-ce que tu as fait depuis que tu es rentré ?

— Je poursuis mes études, lui mentit-il, avec froideur.

— Qu’est-ce que tu fais comme études ?

— Du droit. Je suis en première année. Je prépare une licence d’éco.

— Et qu’est-ce que tu veux faire après ?

— Je ne sais pas... Retrouver ma famille, eut-il envie de dire. Mais il ne se sentait pas encore assez en confiance avec cet homme qu’il avait un peu perdu de vue. Jo, qui l'avait entendu hésite, continua la conversation :

— Et, financièrement, tu t'en sors ? Il me semble que tu m'avais dit que tu avais été élevé à la DDASS ?

— Oui. Et pour les études, j'ai une bourse. Je me débrouille. Et Mathilde m'aide quand elle peut...

— Dis-moi, si ça t'a plu ton stage, tu peux revenir, si tu veux, tenta Jo qui sentait que l'atmosphère se détendait. Par contre, le prochain, je suis désolé mais c’est encore un niveau avancé.

— Au Pérou ?

— Oui. Là où on est maintenant, pas très loin du campement que tu as connu.

— Je sais pas... Oui, j'aimerais bien… Mais j’veux pas déranger, surtout si j'ai pas le niveau.

— C'est pas grave, on a l'habitude dis Jo en souriant.

— Oui, je vais essayer, je vais voir. Si j'arrive à trouver l'argent.

— Ok, tu fais comme tu peux...

— Oui, merci... Mais je peux te poser une question ?

— Oui.

— Pourquoi tu veux que je revienne ?

— Parce-que je t'aime bien. Parce que tu es un gentil garçon que j'ai eu plaisir à rencontrer, un garçon dont j'aurais bien aimé être le père... On a bien discuté tous les deux, c’était sympa, même si t'es un sacré numéro !

 Jo rit et intérieurement Dan se dit qu' il ne devait pas se bercer d'illusions, ne pas se laisser berner par de trop belles paroles. Après tout, ce mec l'avait déjà laissé tomber. Mais Dan l'aimait bien. Et entre l'envie de se prêter à des confidences et le désir de lui montrer qu'il lui en voulait en refusant purement et simplement son invitation, il ne pouvait pas se permettre d'hésiter. Une proposition comme celle-là ne se refusait pas.

— Merci Jo, c'est sympa. Je vais me débrouiller pour trouver les tunes. Je viendrais. T’es sûr que ça te dérange pas ?

— Viens, je te dis, Je compte sur toi. Et si tu as un problème pour payer le billet d'avion, tu m'appelles.

— Ok, merci encore. À bientôt alors. Tchao.

 Bien sûr Dan ne téléphona pas à Jo pour lui dire qu'il avait un problème pour acheter le billet d'avion. 1290 euros ! Il n’avait pas trouvé moins cher. Où allait-il trouver cette somme ? Mathilde, c'était la seule qui pouvait l'aider. Le lendemain, à la première heure, il appela son ange gardien :

— Allo Mathilde ?

— Mon Danito ? C'est toi ? Comment tu vas ? Ça fait longtemps. Qu'est-ce que tu deviens ?

— Ça va Mathilde, je me débrouille. Et toi ?

 Mathilde savait qu'il appelait pour une raison précise et ne s'attarda donc pas sur ses problèmes personnels. Qu'est-ce que tu veux Dan ? Pourquoi t’appelles ?

— Mathilde, il n’y à qu’à toi que je peux le demander . Mathilde, j'ai besoin d'argent.

— Pourquoi Danito?

— Pour aller voir mon pote Jo.

— Qui ça ?

— Un pote. Je l'ai rencontré y' a pas longtemps. Je te raconterai.

— T'as besoin de combien ?

— 1290 euros. Le prix d'un billet pour le Pérou.

— Le Pérou ! J'espère que c'est un bon pote pour ce prix-là ! Tu me raconteras tout alors, promis ?

— Promis! !

— Tu viendras me voir aussi, pour tout m’expliquer ?

— Oui, juré ! Alors ?

— Oui, bien sûr que je te les prête, tu sais bien... Tu reviens quand ?

— Je sais pas. Dans huit jours certainement. Et on s'appelle.

— Ok, alors à bientôt, petit Dan. »

 Dan savait que d'ici deux jours il recevrait par la poste un chèque de Mathilde. Il pouvait toujours compter sur Mathilde, sa providence, la gentillesse et la bonté incarnée. Si Mathilde avait quand même demandé à quoi servirait cet argent, en réalité, Dan le savait, elle ne se souciait pas le moins du monde de l'utilisation de cet argent. Elle l'aimait, c'était tout. Cet amour était inconditionnel parce qu’elle lui faisait confiance. Parce que c'était lui et personne d'autre.

 Il s'envola donc vers le Pérou deux jours après avoir reçu le chèque. Mathilde, c'était sa bienfaitrice et un jour, il se le promettait, il lui rendrait au centuple. Mathilde, elle était belle et intelligente. Mathilde, il l’aimait...

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