5 - Citseko : Pourquoi Neghttris m'aurait attaqué ?

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Meb lui fit face, lui posant les mains sur les épaules :

-Écoute. Je ne te demande pas de lui courir après en lui demandant s'il veut un truc à boire. Je veux juste que tu sois à disposition s'il a de nouveau besoin d'un service ou... je sais pas, de se confier.

Citseko acquiesça :

-Oui. Bien sûr. Je reste dans le coin.

-Cool.

Satisfait, Meb regagna la classe. Cependant, alors que Citseko s'apprêtait à s'asseoir à sa place, l'héritier d'or lui glissa :

-Au fait, on va travailler dehors ce soir, avec Gondémàr et les autres. Histoire de profiter du beau temps.

-OK.

Ce n'était ni une question, ni une proposition. Meb l'informait juste que, qu'il le veuille ou non, il travaillerait dehors avec eux. Ils allèrent directement s'installer sur la vaste pelouse entre les bâtiments en sortant de classe. Les amis de Meb ne tardèrent pas à les rejoindre. Une fois son sac vidé, Dsouphan se mit à râler :

-Merde, il me manque mes cours d'économie.

Meb lui répliqua :

-T'inquiètes, Citseko va aller te le chercher.

Sans attendre, l'héritier d'argent se leva.

-C'est le rouge qui doit être sur mon bureau. Tiens.

Citseko prit la clé tendue, hocha la tête et s'éloigna. Ce n'était pas la première fois que Meb l'envoyait faire une course dans la chambre d'un des trois. Il monta sans hésiter au troisième étage du dortoir et frappa à la porte au cas où le colocataire de Dsouphan serait présent. Personne ne répondit. Il utilisa la clé et entra. Le garçon trouva le cahier à l'emplacement désigné, puis repartit. Lorsqu'il rejoignit le groupe, Dsouphan tendit la main en marmonnant :

-Faut pas être pressé.

Citseko lui rendit son cahier avant de rejoindre sa place et de reprendre ses devoirs. Au bout d'une demi-heure, Gondémàr rejeta son livre :

-Fini.

Les autres s'étonnèrent :

-Déjà ?

-Ouais. Je ferais le reste demain. On va jouer ?

Ce fut suffisant pour qu'ils commencent tous à ranger leurs affaires. Citseko ne se fit pas d'illusion et resta sur place, continuant à travailler. Meb lui laissa son sac :

-Tu pourras finir les maths pour moi ?

L'héritier d'argent hocha la tête sans arrêter d'écrire. Il accueillit la solitude avec un certain soulagement. Chalien avait passé la demi-heure à parler de son dernier rendez-vous avec sa copine et cela l'avait fatigué.

Il finit ses devoirs et ceux de Meb alors que le jour s'obscurcissait, l'empêchant de distinguer sa propre écriture. Juste à temps. Il rangea les affaires passa les bandoulières par-dessus son épaule et se prépara à rentrer quand il aperçut un garçon près du bâtiment. Citseko était seul dehors, tout le monde était déjà rentré à l'approche de la nuit et parce qu'un vent froid avait commencé à souffler. Aussi, les seules choses que Citseko se demanda en apercevant l'adolescent à plusieurs mètres de lui furent qu'est-ce qu'il pouvait bien porter sur la tête et pourquoi il le fixait, lui ? Ils restèrent un instant à se dévisager avant que l'héritier d'argent ne reprenne son chemin. Écoute, s'il ne sait pas quoi faire de sa vie... Il s'arrêta peu de temps après. Interpellé par un son qui éveilla un sentiment de panique. Il y avait quelqu'un derrière lui. Quelqu'un qui courait. Il me fonce dessus. L'adolescent fit volte-face à temps pour apercevoir un second garçon à la tête entièrement dissimulée par un masque courir droit sur lui. Citseko sentit sa respiration se bloquer sous la surprise et la crainte. Il se tourna de nouveau, seulement pour voir que maintenant, l'autre courait également. Citseko se détourna des deux pour courir vers l'hôpital.

Ses assaillants dévièrent leur course pour le poursuivre. Ralenti par les deux sacs qu'il portait, Citseko ne tarda pas à être rattrapé. L'un des inconnus se jeta au sol, pieds en avant, lui fauchant les jambes. L'héritier d'argent se sentit voler vers l'avant. Il atterrit douloureusement sur l'épaule et se dégagea des deux bandoulières. Enroulant l'une d'elle autour de sa main, il se leva, faisant tournoyer le sac comme une arme. Celui qui l'avait fait tomber était déjà sur lui et évita de justesse la besace qui lui tombait sur le visage. Le second lui saisit le bras pour lui envoyer un coup de genou dans l'estomac. Citseko eut tout juste le temps de parer avec son bras libre quand le premier apparut derrière lui, le saisissant à la gorge. A moitié étouffé, l'héritier d'argent se sentit tomber en arrière alors que l'autre garçon gardait son bras en main. Il y eut un craquement. Citseko hurla. Celui qui l'avait mis à terre lâcha sa prise sur sa gorge pour donner un coup violent à son genou lui arrachant un nouveau cri. Avant même qu'il ne puisse tenter de se relever, l'adolescent vit le pied du second assaillant lui arriver en plein visage et tout devint noir.

Il ouvrit les yeux sur les étoiles, déglutit avec difficulté. L'héritier d'argent resta immobile le temps d'être sûr que ses agresseurs étaient partis. En se redressant, une douleur lui traversa l'épaule et il grimaça. Il aperçut les sacs à ses pieds, les saisit, puis les ouvrit l'un après l'autre pour vérifier le contenu. Une fois rassuré sur le fait que rien ne manquait, Citseko se leva avec précaution. La douleur qui pulsait dans son genou le prévint de ménager sa jambe. Il compta la distance qui le séparait de l'hôpital et décida d'abandonner les sacs, le temps de trouver de l'aide.

Le jeune homme parcourut l'espace qui lui manquait en sautillant, faisant ce qu'il pouvait pour ignorer la douleur. Quand il passa les portes, Citseko n'eut pas besoin de dire quoique ce soit. Un infirmier qui passait lorsqu'il entrait s'arrêta pour ouvrir des yeux ronds :

-Par le Roi, qu'est-ce qu'il vous est arrivé ?

Il vint aussitôt ausculter le visage du garçon alors que la femme à l'accueil se levait. Citseko réussit à articuler :

-Je suis désolé, mais mes affaires sont juste devant. J'ai pas pu les porter.

Avant que l'infirmier ne se retourne, la femme se dirigea vers la sortie à grands pas :

-J'y vais.

L'homme le conduisit dans une pièce pour un examen et après lui avoir replacé l'épaule, avoir arrangé son nez cassé et posé une atèle à son genou, il lui donna des médicaments et le plaça en chambre privée. Citseko avait à peine posé la tête sur l'oreiller qu'il s'endormit.

Il se réveilla au milieu de la nuit, à moitié suffoqué par une main invisible. Perdu, il fixa les murs, le plafond en essayant de comprendre comment il était passé du parc à une pièce aussi soudainement. Respire, respire, il y a une explication. Petit à petit, il se souvint que ses assaillants étaient partis et qu'il avait atteint l'hôpital. Tout va bien. Je suis en sécurité. Sa respiration saccadée revint à la normale, puis le garçon se mit sur le côté pour pleurer et se rendormir.

La cloche le réveilla. Tout son corps lui faisait mal et il mourrait d'envie de rester au lit. La seule chose qui le força à se redresser, fut l'entrée d'un médecin qui vint voir comment il allait. Après un nouvel examen, on lui permit de sortir avec un flacon de médicament pour la douleur.

-Dans quelle classe êtes-vous ?

-Panthère.

Le médecin l'aida à passer ses sacs sur son épaule valide :

-Je vais faire avertir votre enseignant. Je pense qu'il vaut mieux que vous restiez dans votre chambre aujourd'hui.

Oh, génial. Merci, mon Roi. Citseko se retint de lâcher un soupir de soulagement et se contenta de hocher la tête. Quand il put enfin sortir, l'héritier d'argent alla directement vers sa chambre, ignorant les regards qu'on lui jetait. Une fois dans la pièce, il fut heureux de voir que Meb était encore là.

Il finissait d'enfiler son uniforme quand il entendit la porte s'ouvrir :

-Ah bah quand même. T'étais...

Il s'arrêta en voyant l'état de l'adolescent.

-Putain de merde. Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?

Citseko alla d'abord s'asseoir sur son lit avant de répondre :

-Deux gars me sont tombés dessus.

Meb n'en revenait toujours pas et le dévisageait avec insistance :

-Quoi ? Qui ? Pourquoi ?

L'héritier d'argent ne put que hausser les épaules pour répondre :

-J'en sais rien. Ils avaient des masques.

Son héritier d'or resta bouche bée et, pendant un instant, il continua de le fixer en silence. Citseko finit par ne plus savoir où se mettre et baissa les yeux sur les sacs :

-Ils n'ont rien volé, je pense.

Meb cria presque :

-Mais on s'en branle de ça ! De quoi tu parles ?!

Honteux, Citseko garda la tête baissée. Il savait ce qui viendrait.

-Comment tu as pu te faire avoir par deux gars ?

J'ai pas réfléchi. Il ne dit rien. L'héritier d'argent aurait dû être capable de défaire ses deux adversaires et dans des circonstances normales, il savait qu'il l'aurait emporté. Seulement, avoir deux gars qui lui fonçaient dessus sans raison avait paralysé ses capacités de réflexion. Meb fit les cents pas :

-Bon, laisse tomber. Tu dis qu'ils portaient des masques ?

Citseko acquiesça.

-Tu n'as pas pu repérer un indice qui te permettrait de les identifier ?

L'héritier d'argent énuméra :

-Ils portaient l'uniforme, sans les vestes. Je ne sais pas s'ils étaient or ou argent et ils n'avaient pas leur blason.

-T'as pas pu voir leurs yeux ? Leurs cheveux ?

-Les masques entouraient toute leur tête. Je ne sais pas pour les yeux.

Meb continua sa marche en récapitulant :

-Tu es en train de me dire que tu t'es fait battre par deux gars et que tu n'as même pas été capable de noter quoique ce soit d'utile ?

Citseko devinait que si cela se savait, cela ternirait l'image de leur clan. Un héritier d'argent qui ne sait pas se battre était catastrophique, la porte ouverte à une tonne de duel. Cependant, l'adolescent ne pouvait s'empêcher d'être blessé de la réaction de Meb. Il avait mal, sommeil, faim et la peur qu'il avait ressenti la veille était encore trop fraîche dans sa mémoire pour supporter des remontrances. C'est avec une touche d'humour glacée qu'il répondit :

-Il y a une chaussure que j'ai vachement bien vu.

Meb laissa tomber ses bras, faisant claquer ses mains sur ses cuisses :

-Eh bah, c'est déjà ça ! Elle a quelque chose de spécial cette chaussure ?

Le garçon dut réfléchir un instant, le regard sur ses propres pieds :

-Je crois que les lacets avaient deux couleurs.

L'héritier d'or soupira :

-Bon, c'est déjà ça. Tu as les couleurs ?

-Il commençait à faire nuit. Je ne suis pas sûr.

Meb fit un geste du bras :

-Laisse tomber. Tu viens manger ?

Citseko secoua la tête :

-Non, je crois que je vais dormir. Le médecin a dit qu'il préviendrait Irdrour. Je ne vais pas en cours aujourd'hui.

Meb était déjà à la porte :

-OK, à plus.

L'héritier d'argent ne put s'empêcher de penser qu'il était peut-être un peu trop énervé par cette histoire. Il lui est arrivé quelque chose hier soir ? Malheureusement, il n'avait pas la force de se soucier de quelqu'un d'autre que lui pour l'instant. Citseko se mit en pyjama avec des gestes lents pour ménager ses différentes blessures et se coucha avec contentement.

Il passa la journée au lit, ne se réveillant que pour prendre ses médicaments. Le soir venu, affamé, le garçon se décida à descendre au réfectoire. Dans la grande salle, Meb l'aperçut et lui fit signe de s'asseoir avec lui et ses amis. Citseko y alla à contre cœur en sachant ce qui l'attendait. A peine assis, Gondémàr ironisa :

-L'arrivée du grand héros.

Citseko se concentra sur son assiette pendant que les autres ricanaient. Meb ne fit rien pour les empêcher, ne le jugeant sans doute pas assez puni pour sa défaite. L'héritier d'argent ne lui en tenait pas rigueur. Il aurait dû mieux se contrôler. Comme la discussion déviait, le regard du garçon se perdit dans le lointain. Tandis qu'il baissait les yeux vers le sol, l'adolescent aperçut une chaussure au lacet de deux couleurs. Il sentit sa gorge se serrer, incapable de détacher ses yeux de l'objet. Regarde qui c'est. Regarde qui c'est. Citseko leva la tête avec l'inquiétude d'être vu. Quand il aperçut le propriétaire, il eut du mal à y croire. Pourquoi Neghttris m'aurait attaqué ? Il chercha un petit moment avant de se demander si le fait qu'Elférad ait fait appel à lui soit suffisant pour rendre l'héritier d'argent furieux. Citseko ne pouvait imaginer Neghttris agresser quelqu'un à visage couvert. S'il avait un problème, il serait venu m'en parler. Pourtant, n'avait-il pas participé à la bagarre qui avait eu lieu dans leur salle commune ? Et cela sans l'approbation d'Elférad. Pouvait-il vraiment se fier à ce qu'il savait de ses camarades depuis quelques temps ? Neghttris croisa son regard, Citseko retourna à son assiette. L'héritier d'argent choisit de ne rien dire à Meb tant qu'il n'était pas sûr de lui. Il n'est peut-être pas le seul à avoir des lacets comme ça.

Quand il eut fini, Citseko attendit patiemment que Meb veuille aller se coucher. Ses réflexes reprenaient le dessus et grâce à ses médicaments, il ne sentait pas de douleur. Cependant, quand l'héritier d'or prit congé de ses amis, ce fut avec un certain soulagement que Citseko le suivit jusqu'à leur chambre.

Il pensa à prendre sa boîte de médicament en faisant son sac le lendemain. L'héritier d'argent n'avait plus pensé à Neghttris et ses lacets depuis qu'il l'avait aperçu dans le réfectoire, mais quand il apparut avec ses amis, pendant que Citseko et Meb attendaient devant la salle, le garçon ne put s'empêcher de rejeter un coup d'œil rapide aux lacets. Peu importe comment, il ne pouvait s'epêcher de penser que c'était les mêmes. Le mieux, c'est que tu lui parles directement. Dans un endroit éclairé avec des gens. Un coup de coude le fit se tourner vers Meb :

-Oui ?

L'héritier d'or lui pointa la chaussure de Neghttris :

-C'est pas de ça que tu parlais ?

Merde.

-Je ne suis pas sûr, en fait...

Meb le fixa, agacé :

-Comment ça pas sûr ? T'as pas dit qu'il avait un lacet de deux couleurs ?

-Si, mais rien ne dit que c'est Neghttris. Il peut y en avoir d'autres ?

L'héritier d'or se retint de le secouer :

-Bien sûr, et il y en a combien qui ont une raison de t'en mettre une ?

Citseko essaya encore :

-Peut-être qu'on lui a piqué ses chaussures.

Meb eut un petit rire glacé :

-Vraiment ? Il y a un moyen simple de le savoir.

Il s'avança droit vers le groupe de garçons, malgré Citseko qui tentait de le retenir.

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