18 - Elférad : Si c'est irréel, alors qui a ouvert la fenêtre ?
Un bruit le réveilla, mais sa vision resta floue malgré ses efforts. De toute façon, c'était peut-être encore une hallucination. Son cœur s'arrêta une seconde quand il crut discerner une silhouette à la fenêtre. Il fixa son regard dessus, en espérant que sa vue revienne à la normale. C'est peut-être un arbre. Elférad était incapable de se rappeler s'il y avait déjà eu effectivement un arbre à cet endroit, mais il était certain que la forme qu'il distinguait là n'avait pas à y être. Enfin, sa vision commença à retrouver sa netteté. Ce n'était pas un arbre.
-Neghttris ?
La silhouette se figea avant de disparaître par la fenêtre. C'était pas Neghttris. Elférad se redressa pour appeler :
-Neghttris ! Il y a quelqu'un. Neghttris !
La voix ensommeillée de son ami lui parvint :
-Quoi ?
-A la fenêtre ! Il y a quelqu'un à la fenêtre !
Il entendit l'héritier d'argent bondir de son lit. Elférad arrivait à peine à bouger. Tout son corps semblait peser des tonnes. Neghttris fut bientôt près de lui :
-Il n'y a personne.
L'adolescent gardait le regard sur les rectangles de nuit qui se découpaient dans l'obscurité :
-Non, non. Il y avait quelqu'un.
Son ami énonça patiemment :
-L'alarme se serait déclenchée si quelqu'un avait voulu entrer. En plus, on ne peut s'accrocher à rien pour monter jusqu'ici. Tu ne crois pas plutôt que le poison t'a fait voir des choses ?
Elférad maudit son corps paralysé. S'il avait pu bouger, il l'aurait attrapé :
-Tu as été trop lent, c'est tout.
Neghttris retourna dans son lit :
-Si tu le dis. Dors, maintenant.
L'héritier d'or continuait de fixer la fenêtre. Il sentait au fond de lui que Neghttris avait probablement raison et pourtant...
Le lendemain, il dormit peu. Les douleurs s'étaient réveillées, sans lui laisser la moindre minute de répit. L'adolescent lui sembla sentir successivement, l'odeur de la nourriture, Neghttris se tenant là à un moment, Matior et Lyert lui parlant, mais tout se mêlait dans un flou de souffrance.
L'héritier d'or avait les yeux fermés quand il réalisa que tout s'était arrêté. J'ai dû m'endormir ou m'évanouir à un moment. Il resta les yeux clos pour goûter à la paix qu'il ressentait enfin. Le son d'une respiration lui parvint. Neghttris a dû paniquer encore. Elférad n'avait pas la force de prononcer des mots de réconfort à son ami. Il voulait rester encore ainsi, se rendormir, si c'était possible. On bougea doucement. L'héritier d'or s'amusa à imaginer les déplacements de Neghttris. Il le visualisait sans peine, marchant sur la pointe des pieds pour ne pas le réveiller. Sans doute allait-il à son bureau. Mais... son bureau est de l'autre côté. Le frôlement d'un tissu près de son armoire. L'adolescent songea à la boîte contenant les lettres empoisonnées qui se trouvaient au fond. Il veut jeter un œil aux notes ? Peut-être qu'il veut les détruire. Ce ne serait pas plus mal. Je ne pense pas qu'elles puissent nous être plus utiles maintenant. Mais Elférad n'entendit pas les portes s'ouvrir, l'héritier d'argent continuait donc. Il veut sans doute voir comment je vais. Le jeune homme s'évertua à prendre l'apparence du sommeil. Il était reconnaissant à son ami de prendre soin de lui, mais à cet instant, il voulait vraiment rester seul. Elférad se tourna l'air de rien du côté du mur. Il sentait la présence dans son dos, tout près de son lit, à présent. Puis, une pensée lui vint à l'esprit. Pourquoi a-t-il marché si lentement ? Franchement, la distance n'est pas si grande de... Elférad sentit son cœur lui remonter dans la gorge. Tout son corps se contracta sous l'effet d'une terreur soudaine. A la respiration qu'il avait entendu, la présence venait de faire une ligne droite entre son lit et la fenêtre. Ce n'est sans doute pas réel, pas de quoi paniquer. Sa respiration s'accéléra. Des doigts glacés passèrent sur son front. Elférad ouvrit les yeux brusquement, lançant son poing à l'endroit où se trouvait l'intrus. Il n'y avait personne. L'adolescent se figea. Tu vois ? Neghttris a raison. Tu imagines des trucs. Cependant, une autre voix lui demanda alors : Si c'est irréel, alors qui a ouvert la fenêtre ?
Quand Neghttris rentra des cours, il trouva Elférad assis sur le bord du lit, les yeux perdus dans la contemplation de la fenêtre ouverte. L'héritier d'argent s'empressa d'aller la fermer :
-Il commence à faire froid. Tu ne devrais pas la laisser ouverte, commença-t-il.
-Je ne l'ai pas ouverte.
Neghttris fit face à son ami :
-Pardon ?
Elférad se doutait que l'héritier d'argent émettrait des doutes, mais il répéta tout de même :
-Je ne l'ai pas ouverte.
-Qui alors ?
L'héritier d'or prit une profonde inspiration :
-Quelqu'un est venu.
Son ami émit aussitôt des réserves :
-Par la fenêtre ?
-Oui.
Neghttris expliqua calmement :
-Personne ne peut entrer par les fenêtres. Il y a des alarmes à toutes les fenêtres.
Elférad avait le regard éteint. Sa journée l'avait épuisé :
-Je n'ai pas d'explication. La fenêtre était ouverte, pas par moi. Il y avait quelqu'un dans la chambre, ce n'était pas toi.
Neghttris l'observa un temps :
-Tu devrais te recoucher. Je pense que tu as besoin de sommeil.
-Comment la fenêtre a-t-elle était ouverte...
L'héritier d'argent éleva soudain la voix :
-J'en sais rien, d'accord !
De toute évidence, la journée n'a pas été reposante pour lui non plus. Elférad lui lança un regard désolé avant de se glisser sous les couvertures. Neghttris reprit plus calmement :
-Peut-être que c'est toi qui l'a ouverte sans t'en rendre compte. Tu sais, t'étais plutôt agité aujourd'hui.
Pour le tranquilliser, Elférad lui dit :
-Tu as sans doute raison.
Le garçon avait hâte que tout cela se termine. Il voulait redevenir normal. Mais il y avait quelqu'un dans la chambre. Cependant, le temps qu'il avait passé à réfléchir sur son lit, une objection de taille s'était présentée. Il ne s'était écoulé que quelques secondes entre le moment où on lui avait touché le front et le moment où il s'était retourné pour frapper. Personne n'aurait pu retourner à la fenêtre et sortir sans qu'il ne le voit. Cela voulait-il dire que ses sens le trompaient encore ? Que rien de tout cela n'avait été réel ? L'adolescent passa ses mains dans ses cheveux châtains et se frictionna la tête de frustration.

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