Prologue 1/2

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« La curiosité naturelle à l'homme lui inspire l'envie d'apprendre. » De Jean-Jacques Rousseau

 En cette nuit sombre et froide d’hiver, une silhouette toute noire vêtue, sortit de sa chambre sans faire le moindre bruit. Éclairée par une petite flamme vacillante suspendue dans les airs, elle se déplaçait sur la pointe des pieds. Ce silence avait pour but de ne réveiller aucun des habitants endormis du palais. L'ombre se glissa dans les couloirs, descendit les escaliers, passa de pièce en pièce, le tout, en évitant les rondes des gardes et des quelques servants encore debout, travaillant malgré cette heure tardive. Elle le fit dans un unique but, assouvir son insatiable curiosité.

 Objectif qui se trouve maintenant devant elle. Une porte en bois massif, et imposante de par ses ornements splendides et raffinés, occupe son champ de vision. La porte, une fois franchie, marquerait le début d’un voyage inoubliable dans le passé dans le but de mieux comprendre le futur qui l’attendait. Afin d’arriver devant cette porte, l’ombre tendit, une dernière fois, l’oreille pour guetter les sons qui seraient susceptibles de lui parvenir.

 Roween inspira profondément, et avec un brin de magie, qu’elle insuffla dans la porte, elle parvint à éviter qu'elle ne grince. Étant trop proche du but, elle ne voulait pas que certaines personnes la découvrent. Surtout ceux qui lui ont, à plusieurs reprises, interdit de quitter sa chambre, sous prétexte qu’elle était punie à cause d’une énième incartade. Elle entrouvrit donc juste assez l’accès pour la laisser entrer dans la grande bibliothèque royale.

 Dans ce lieu aux rayonnages remplis de livres en tous genres, allant du sol jusqu’au plafond du troisième étage. Aux murs dotés de grandes fenêtres qui laissent filtrer la lumière du soleil et de la lune. Aux passerelles amovibles au centre de l’espace pour rejoindre tous les endroits souhaités des trois étages. Et à l’odeur si caractéristique du papier, vieux ou non, remplie d’encre noire et d’illustrations en tous genres.

 Cette source du savoir traitait les sujets des plus sérieux, se trouvant dans les six premières sections. Elle abordait les points tels que la politique, la géographie, l’Histoire, la magie, la religion, les sciences, la médecine, les stratégies militaires, et plein d’autres choses, qui pour le moment ne l’intéressaient en rien.

 Pour les cinq parties suivantes, les éléments étaient moins sérieux mais tout aussi intéressant, comme la botanique, l’art de la conversation, les bonnes manières, et toutes autres choses qui ont besoin d’être enseignées par un professeur.

 Et bien sûr, que serait une bibliothèque sans des romans d’amour, de cape et d’épée, d’histoire d’horreur, et policiers. Bien que cette dernière division fût particulièrement appréciée de la jeune fille, elle passa devant sans s’arrêter et se dirigea directement vers la dernière partie tout au fond de la pièce. La section interdite.

 Protégée derrière un mur magique, seules quelques rares personnes avaient l’autorisation d’y accéder. Grâce à un décret royal signé par le roi, la reine ainsi que tous les conseillers. Mais à quoi serviraient toutes ces heures à étudier la magie de haut niveau ainsi qu’à la pratiquer, si ce n'est pour contourner un sort de sécurité et de pouvoir enfin assouvir cette curiosité qui la pousse toujours à faire ce qui lui était défendu.

 Le moment fut donc à la concentration la plus extrême dans l’intention de rassembler son pouvoir et de décocher son incantation. Il fallait absolument y arriver du premier coup, et ne surtout pas déclencher, par son échec, l’alarme qui rameuterait les chevaliers Audentia ainsi que le couple royal.

— Tu peux le faire ma grande, ce n’est pas comme si c’était le sort le plus compliqué et le plus puissant que tu n’aies jamais lancé, se chuchota-t-elle.

 Son pincement de lèvres et ses yeux fermés attestaient de son sérieux et de sa profonde tension.

 Après plusieurs minutes, et au moment où elle s'apprêtait à démarrer le sortilège du Leurre, un léger bruit retentit derrière elle. Lui faisant perdre tous les efforts mis jusque-là pour son sort en plus de l’avoir fait sursauter.

— Il y a quelqu’un ? demanda-t-elle. Misty, est-ce que c’est toi ? Se retournant elle ne vit pas son chat, ni même quelqu’un. J’ai dû rêver, voilà tout, il n’y a que moi dans la bibliothèque.

 Tout en restant sur ses gardes, elle recommença depuis le début afin de retrouver son calme et sa concentration. Mais un son se fit de nouveau entendre dans son dos, et cette fois-ci ce fut un gloussement venant de quelque part dans l’obscurité, que sa flamme n'éclairait pas.

— Qui est là, montrez-vous !

 Elle créa de nouvelles flammes pour éclairer les alentours, mais ne vit toujours personne.

— Sortez de votre cachette, je sais que vous êtes là ! Montrez-vous maintenant, c’est un ordre avant que je perde patience ! reprit-elle d'une voix plus forte.

 Au même instant, Griffe, sa dague, apparut dans sa main droite.

— Houla ! Du calme princesse, rangez vos griffes, ce n’est que moi, lord Calvyn.

 Tout en disant cela, il sortit de l’obscurité les mains levées.

— Lord Calvyn ! Mais que faites-vous là, j’ai bien failli vous blesser.

 Rassurée sur l’identité de la mystérieuse personne, Roween fit disparaître sa dague.

— Je vous retourne la question Votre Altesse. Il ne releva même pas la possibilité qu’elle puisse le blesser. Pour ma part, je m’apprêtais à sortir de la bibliothèque, quand j’ai vu une petite silhouette se faufiler ici. En tant que chevalier Audentia, il est de mon devoir d’intervenir quand j’estime qu’il y a une potentielle menace. Je l'ai donc suivie jusqu’ici. Quelle ne fut pas ma surprise quand je suis tombé sur vous.

 Adossé contre une des étagères, les bras croisés sur son torse, il attendit sa réponse, dont elle seule avait le secret.

— Pour commencer, je ne suis pas petite, c’est vous qui êtes grand. Ensuite, pourquoi vous ne vous êtes pas montré la première fois que j’ai posé la question. Et pour finir …

— Et pour finir ?

 Vu son sourire en coin, cette situation devait beaucoup l’amuser.

— Et pour finir, ce ne sont pas vos affaires, donc vous pouvez disposer et rentrer dans vos appartements.

 Elle lui tourna le dos et reprit sa place devant le mur enchanté, certaine qu’il allait partir.

— Vous me décevez Princesse. D'habitude vous arrivez toujours à inventer des excuses, qui arrivent à embobiner tout le monde, et là rien. Je suppose que vous êtes à court d’imagination.

 Son faux air peiné commençait à jouer avec le peu de patience donc elle disposait encore.

— Je ne sais pas de quoi vous voulez parler.

 Gagner du temps, il lui fallait gagner le plus de temps possible. Pivotant vers la droite pour le contourner, Roween alla dans les différents rayonnages se trouvant à proximité. Suivant les mouvements de Roween, Calvyn se tenait prêt à la suivre à la moindre tentative de fuite.

 Feuilletant en toute innocence les tranches des livres disposés à hauteur des mains. Tout en évitant soigneusement de regarder Calvyn, les yeux de Roween cherchaient désespérément un moyen d’échapper à ce qui promettait d'être une leçon de morale mémorable. Et à n'en pas douter un aller simple pour le cachot, comme le lui avait promis son père, si elle lui désobéissait une nouvelle fois.

 Roween connaissait sur le bout des doigts le code d'honneur des chevaliers Audentia, à force d'entendre Calvyn le lui réciter tout au long de ses premières années de formation. Toute infraction méritait une punition à la hauteur du préjudice. L’avoir pris en pleine tentative d’infiltration, dans la section interdite, ne lui laissait pas beaucoup d'espoir pour plaider sa cause en toute innocence. Il lui fallait donc trouver un moyen de se soustraire de cette situation délicate.

 Très peu d’options s'offraient à elle. Le combattre est inutile. Bénéficiaire de la magie de l’entourloupe, son don n’était en rien une magie de combat. Donc niveau magie, elle était trop faible par rapport à lui pour espérer gagner de front. Pour ce qui était d’un combat rapproché, dans un endroit exigu comme celui-ci, avec les années d'entraînement que Calvyn a reçu , elle n’avait aucune chance.

 Il ne lui restait plus qu' une seule solution, le sort d’échange de place. Il n’y avait plus qu’à prier pour que Misty soit restée dormir sur son lit. Se focalisant sur le sortilège, elle ne remarqua pas tout de suite que le chevalier avait changé de place et s'était rapproché d’elle.

— À moi la liberté ! Clama-t-elle en lâchant sa magie pour s’enfuir de cette situation périlleuse. … Attends, pourquoi ça n’a pas marché ? J’ai pourtant bien noué la magie pour le sortilège. Alors c’est quoi le problème ?

— C’est bon, Princesse, vous avez fini. Parfois, je me demande vraiment si c’est bien vous l’avenir de ce pays. La réponse est tellement simple, il suffit d’ouvrir les yeux.

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