Chapitre 2 — Adrien, le mentor

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Le dimanche, Adrien n’allait plus à la messe.

Il le disait parfois aux collègues, sans détour :

il préférait méditer seul.

Loin des foules.

Loin des sermons où l’on jugeait plus qu’on n’aimait.

Assis sur le balcon de son appartement, une tasse de café entre les mains, il regardait Kinshasa s’éveiller.

Les bruits, les couleurs, les contradictions.

Il laissait son regard flotter sur la ville, sans vraiment la voir.

Il pensait souvent à son ex-femme.

À ce mariage sans passion mais plein d’attentes.

À ce divorce calme, sans cri ni scandale.

Elle n’avait jamais su.

Ou peut-être qu’elle avait compris — comme les femmes savent parfois, sans qu’on leur dise.

Adrien avait trente-huit ans. Une carrière solide. Une réputation de médecin brillant.

Mais aussi cette solitude.

Une fatigue sourde.

Un silence intérieur que même les diagnostics les plus complexes n’arrivaient plus à combler.

Et parfois, dans ce silence…

Il pensait à Jonathan.

Ce jeune interne discret, appliqué.

Trop discret, parfois.

Adrien reconnaissait dans ses silences quelque chose de familier.

Cette peur de trop dire. De trop ressentir.

Il l’observait sans insister.

Mais il voyait.

Ce n’était pas une attirance immédiate.

Plutôt un trouble diffus.

Quelque chose qui restait dans l’air, même après que Jonathan avait quitté la pièce.

Des regards furtifs qu’il faisait semblant de ne pas remarquer.

Une présence qui collait à la peau, à l’âme.

Il secouait parfois la tête, tentant de chasser ses pensées.

Il n’avait pas le droit.

Il était son maître de stage.

Et dans ce pays, ce genre de sentiments ne menait qu’à la ruine.

Mais parfois, quand leurs mains se frôlaient en passant un dossier…

Quand il croisait ce regard sombre, intense, inquiet…

Il se demandait si Jonathan savait.

Ou s’il ressentait, lui aussi, quelque chose.

Là, enfoui sous la foi.

Sous les blouses blanches.

Et les convenances.

Le lundi matin, je suis arrivé plus tôt que d’habitude.

Comme chaque jour, je suis passé par le bureau des internes avant la réunion.

J’étais seul. Penché sur mon carnet, concentré.

Puis j’ai senti une présence.

Je n’ai pas levé les yeux.

Je savais que c’était lui.

Il est entré. Calmement.

Il m’a vu, s’est arrêté une seconde, puis a souri.

— Toujours le premier, toi, hein ?

Je me suis redressé légèrement, surpris par la proximité de sa voix.

— J’aime prendre de l’avance, ai-je répondu.

— C’est une bonne habitude.

Mais fais attention à ne pas t’oublier dans le travail.

Ce n’était pas une critique.

Plutôt une attention. Une inquiétude à demi dite.

J’ai haussé les épaules, tentant un sourire.

— C’est plus facile que de penser à tout le reste.

Je n’aurais pas dû dire ça.

C’était sorti tout seul. Trop brut. Trop vrai.

J’ai baissé les yeux aussitôt, gêné.

Il m’a observé un moment en silence.

Puis il a simplement dit :

— Parfois, penser… c’est nécessaire.

Je n’ai pas répondu.

Le silence entre nous avait changé.

Il n’était pas pesant.

Mais chargé.

Presque… intime.

Il a fini par détourner les yeux et a saisi un dossier sur la table.

— Je vais te faire suivre le cas de Mme Kalala.

Son évolution est un bon exemple de prise en charge globale.

Tu seras sous ma supervision directe.

Un frisson m’a traversé.

Une belle opportunité.

Mais aussi une proximité nouvelle.

Trop nouvelle.

Je me suis redressé, un peu nerveux.

— D’accord, docteur.

Il a marqué une pause.

Puis, d’une voix calme, sans me regarder :

— Appelle-moi Adrien.

Je suis resté figé. Une seconde.

Ce n’était qu’un prénom.

Mais dans ce moment-là… c’était bien plus que ça.

Mon cœur battait trop fort.

— D’accord… Adrien.

Il est sorti.

Je suis resté là.

Seul.

Un dossier dans les mains.

Et cette étrange sensation dans la poitrine.

Quelque chose avait bougé.

Silencieusement.

Inévitablement.

Note de l’auteur – La Voix Qui Écrit

Ce chapitre, c’est le regard de l’autre côté du silence.

Celui d’Adrien. Un homme posé, admiré, respecté… mais habité par un vide que peu soupçonnent.

J’ai voulu qu’on sente le trouble sans le nommer, la tension contenue, l’émotion qui palpite sans jamais éclater.

Il n’y a pas encore d’aveux, mais déjà un lien, une faille, une chaleur qu’on n’ose appeler désir.

Dans ce récit, chaque mot compte.

Chaque silence, chaque geste, chaque “Appelle-moi Adrien” est un monde en soi.

Merci de marcher à mes côtés dans cette histoire.

Merci de lire avec le cœur.

— La Voix Qui Écrit

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