Chapitre 30 – Ce que demain réclame
Il n’y avait pas eu de révolution.
Pas de foule en liesse, pas de discours magiques pour effacer les blessures collectives. Le pays restait là, tel qu’il était : fatigué, certes, mais toujours debout, avec sa fierté rugueuse et son espoir tenace. Un pays marqué par ses cicatrices, mais qui, malgré tout, continuait d’avancer. On parlait encore trop vite, parfois, mais c’était dans l’espoir que les mots puissent, un jour, panser les plaies.
Et pourtant, quelque chose avait changé. En moi.
Je n’attendais plus qu’on me fasse une place. Je l’avais prise, humblement. Pas par arrogance, mais parce qu’attendre était devenu trop lourd. Il fallait avancer. Agir. Aider. Témoigner. Écouter. Même si parfois, cela semblait futile. Mais chaque sourire échangé, chaque main tendue, chaque petit geste comptait.
Adrien avait choisi de rester.
Il aurait pu partir, vivre ailleurs, aimer ailleurs. Mais un matin, alors que je peinais à trouver la force de sortir, il m’a regardé, et d’un ton calme, presque tranquille, il m’a dit :
— Si on part tous, qui reste pour ceux qui ne peuvent pas ?
C’est ainsi que nous sommes restés.
Nous avions quitté la maison des « oncles du ciel », mais nous n’étions pas partis pour fuir. Nous nous étions relogés, plus loin, plus à l’écart. Nous ne parlions plus du futur. Nous vivions l’instant, comme une promesse fragile, mais tellement réelle. Car malgré les épreuves, nous trouvions le bonheur dans la simplicité de notre quotidien. Ensemble. Parce que c’était ensemble que nous étions forts. Ensemble que nous pouvions respirer, même quand tout autour semblait s’effondrer.
Parfois, un jeune frappait à la porte, tremblant. En pleurs. Il posait ses questions, lourdes et pleines de doutes. Et moi, je répondais comme on panse une plaie : doucement, sincèrement. Sans jamais dire que tout serait facile, mais en offrant ce que j’avais de plus précieux : ma présence, mon écoute.
Je ne disais pas : « Ça va aller. »
Je disais : « Tu n’es pas seul. »
Et parfois, cela suffisait.
Un soir, nous sommes sortis.
Nous avons marché, sans destination précise. Pas pour fuir, mais pour être. Pour savourer ces instants de simplicité, ensemble. Il y avait, dans cette marche silencieuse, une paix que l’on ne trouvait pas dans les grandes promesses, mais dans la confiance d’être là, ensemble. Le monde pouvait être ce qu’il était, mais nous marchions, fiers de partager ces moments, unis, sachant que demain pourrait être un peu plus doux, peut-être. Et c’est là, dans ce bonheur d’être ensemble, que résidait l’espoir : un espoir qui n’attendait pas que le pays change, mais qui se nourrissait de ce que nous pouvions offrir l’un à l’autre.
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Note de l’auteur :
Ce chapitre parle d’un bonheur qui ne dépend pas des grands changements extérieurs, mais des petits moments partagés. Jonathan et Adrien choisissent de vivre pleinement, malgré les difficultés, trouvant dans leur présence mutuelle une forme de résistance à la douleur du monde. Ils incarnent l’espoir, non pas en attendant que tout change, mais en créant ensemble un espace de paix et de bonheur, malgré tout.
La Voix Qui Écrit
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