Agatha Petipois appréhende un suspect

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 Tout le monde était rentré en classe depuis déjà une bonne dizaine de minutes. Conformément aux instructions reçues lundi, les élèves de Mr Mate avaient déposé une caisse remplie de friandises derrière les racines du bouleau. La rançon attendait tranquillement qu’on vienne la ramasser, à l’abri des regards.

 Il n’y avait personne dans les couloirs. Tout était calme et silencieux. Soudain, une porte s’ouvrit. Un élève sortit de sa classe. Il avait prétexté devoir se rendre aux toilettes. Cela avait exaspéré son enseignant et il avait dû insister pour pouvoir sortir, feignant un besoin très urgent. En réalité, bien sûr, c’était autre part qu’il se rendait.

 En marchant, il sortit un papier de sa poche. C’était le message qu’il destinait aux élèves après avoir récupéré son dû. Il y réclamait toujours plus de sucreries pour leur rendre l’animal de la classe. Il comptait bien profiter de la situation encore un bon moment ! Pendant la récréation, il les avait discrètement observés tout préparer et faire le guet autour pour ne pas que d’autres élèves découvrent la caisse avant lui. Il se léchait déjà les babines en imaginant tout ce qu’ils avaient récolté.

 Mais au moment où il posa la main sur la porte qui menait dehors, une voix retentit. Il se figea. On venait de l’appeler par son nom de famille et il avait reconnu la directrice. Il déglutit. Il allait devoir la jouer fine.

 — Que faites-vous là ? demanda la harpie en s’avançant droit vers lui.

 — Je vais aux toilettes, madame. Celles du haut sont bouchées alors je vais à celles de dehors.

 — Mais bien sûr. Donnez-moi donc cette feuille que vous tenez en main, je vous prie.

 Elle tendit la main, ou plutôt la serre. Pourquoi donc lui réclamer ce bout de papier ? À moins qu’elle ne soit au courant ? Il fulmina intérieurement, il avait pourtant menacé la classe s’ils prévenaient les adultes ! Il fit mine de refuser, mais le regard furieux qu’elle lui jeta finit par le dérider. Elle lut le message puis poussa un soupir.

 — Hé bien, je crois que cette fois, votre mère n’aura plus beaucoup d’arguments pour vous sortir de ce mauvais pas, Mr Venoir. Suivez-moi. Nous allons aussi aller chercher votre sœur tandis que les élèves de Mr Mate vont récupérer ce que vous leur aviez réclamé.

 Le cyclope fit une grimace furieuse. Derrière la directrice, Agatha et Romulus venaient d’apparaitre depuis un pan de mur. La petite sorcière semblait particulièrement satisfaite. Le loup-garou, par contre, affichait une mine perplexe. Madame Tatin leur fit un signe de tête pour les autoriser à aller chercher la boite. Elle fit ensuite claquer ses doigts pour obliger Poly à la suivre, direction son bureau. Elle ne tarderait pas à appeler sa mère pour un second round qu’elle comptait bien remporter.

 — Tout est encore là ! s’exclama Agatha en regardant le contenu de la caisse à bananes. On va pouvoir tout rendre !

 — Faut quand même que tu m’expliques, là, Agatha, dit Romulus. Comment tu as deviné que c’était Poly ?

—  Le carnet, répondit Agatha. J’ai trouvé un texte écrit par Poly, et tu sais quoi ? Il a écrit le mot kilomètre avec un y et la barre du t du mauvais côté !

 — D’accord, ça fait sens, mais comment tu peux savoir que Moly est dans le coup ?

 — Romulus, elle n’a apporté aucun bonbon, juste une balance pour tout peser ! Puis Poly a pas pu mettre les mots sous nos plumiers, alors que sa sœur a pu juste attendre qu’on sorte tous ! Et elle ne s’en était pas mis, puis s’est rendue compte de son erreur et a sûrement vidé la poubelle pour ne pas qu’on vérifie !

 — C’est bien beau tout ça mais… tu n’as pas peur qu’ils se vengent ? Peut-être pas Moly, mais son frère peut s’en prendre à Oscar, maintenant ! Ils l’ont toujours en otage !

 — Non, Romulus, ils ne l’ont pas en otage. Ils ne l’ont jamais eu.

 — Mais, tu viens de m’expliquer…

 — Oui, ils ont demandé une rançon. Mais ils ont juste profité de la situation ! La récréation où Oscar a disparu, on a vu Moly dans la cour avant que Cléo ne descende, même chose pour Poly, ils n’ont donc pas eu l’occasion de le kidnapper. Moly a dû raconter qu’Oscar avait encore disparu et son frère a sûrement eu l’idée pendant le week-end. C’est lui qui a écrit les mots puis il a demandé à sa sœur de nous les remettre discrètement s’il n’était pas réapparu lundi matin !

 — Du coup… On ne sait toujours pas où est Oscar ?

 — Non. Pour ce mystère, mes petites cellules grises ne m’ont pas encore soufflé la réponse… Ah, si seulement j’avais mangé autre chose que ces horribles endives !

 Ils passèrent d’abord de nouveau chez la directrice qui était en train de réprimander sévèrement les deux cyclopes. Comme à leur habitude, ils exprimaient cette même grimace boudeuse. Mais ils avaient la tête baissée, s’avouant vaincus. Madame Tatin leur ordonna de rester là tandis qu’elle se rendait avec Agatha et Romulus dans la classe de Mr Mate. Là-bas, elle expliqua brièvement ce qu’il s’était passé. Leur instituteur tombait des nues. Il n’avait eu aucun soupçon. Les deux adultes insistèrent sur le fait de communiquer avec eux si pareil cas devait se reproduire.

 Hélas, comme Agatha l’avait déjà deviné, Oscar restait introuvable. La petite sorcière intervint d’ailleurs pour expliquer son raisonnement, ce qui sembla contenter tout le monde. Puis on fit passer la caisse de la rançon et chacun récupéra ce qu’il avait mis dedans. Le tout se conclut l’heure suivante lorsque Moly revint enfin de chez la directrice. Elle s’excusa, avec tout de même un brin de mauvaise foi dans la voix, puis retourna à sa place. Elle avait écopé d’une punition salée mais refusait d’en parler. Elle allait encore bouder quelques jours.

 À la sortie des classes, ils furent plusieurs à venir la féliciter pour avoir deviné le fin mot de cette histoire. Cependant, pour Agatha, rien n’était encore terminé. L’épisode de la demande de rançon n’avait été qu’un contretemps, une fausse piste qui l’avait éloignée de la vérité. Son exposé sur Agatha Christie était peut-être quasi prêt, elle n’avait pas renoncé pour autant à retrouver Oscar d’ici vendredi. Il ne lui restait que l’après-midi et le lendemain pour retrouver la gerbille-squelette.

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