Adieux

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 Suite aux révélations d’Agatha, Mr Mate avait demandé à ses élèves de sortir dans la cour de récréation. Il ne garda en classe que la gorgone et le diablotin. Personne d’autre n’assista à leur conversation. Mais lorsqu’ils sortirent en compagnie de l’instituteur, Juliette et Romain, s’ils avaient encore les yeux rougis, semblaient un peu apaisés.

 Agatha n’avait pas confirmé que c’était Juliette qui avait coupé le câble du projecteur pour faire croire qu’Oscar était toujours là. Elle avait dû profiter que Romain s’éloigne à un moment pour le faire discrètement. Mais Mr Mate, cette fois-ci, n’avait pas été dupe. Il avait bien écouté la petite sorcière et c’était la seule conclusion possible. Aussi Juliette avait-elle reçu une punition à rendre lundi et elle devrait aller présenter ses excuses elle-même à Mr Choucroute. Comme Moly et Poly, elle devrait aussi faire quelques travaux en compagnie du concierge zombie.

 Cependant, les sanctions s’arrêtaient là. Leur instituteur ne désirait pas la punir pour avoir kidnappé Oscar. Il trouvait justement que confier le petit squelette enchanté à celui qui s’en occupait tant était une très bonne idée. Il regrettait, bien sûr, qu’elle ne lui en ait pas parlé avant de prendre l’initiative. Mais il lui pardonnait et lui donnait l’autorisation de procéder comme elle l’avait prévu.

 Si certains boudaient la gorgone pour son crime, l’attention était surtout centrée sur Romain. Son départ en chamboulait plus d’un. Il n’avait mis que Juliette au courant jusqu’à présent et avait demandé à Mr Mate de ne rien dire avant qu’il ne soit effectivement parti. Le départ, qui plus est, était prévu pour le lendemain soir. Ils perdaient un camarade de classe que tout le monde appréciait.

 Bien que ce soit contraire à son souhait, le jour du départ, ils se réunirent tous devant chez lui. Romain et ses parents étaient en train de charger le camion de toutes les caisses à motifs de bananes. Comme prévu, Juliette lui tendit Oscar, dans sa nouvelle cage que Mr Mate avait récemment achetée pour ne plus qu’il en sorte. L’animal ne semblait pas plus perturbé que ça d’avoir été avalé par un des serpents de la gorgone, en apparence du moins. Puis chacun offrit à son tour des dessins ou des lettres qu’ils avaient préparées depuis la veille.

 Agatha comprit ce jour-là pourquoi Romain avait gardé le secret sur son départ. Les adieux étaient déchirants. Ils furent plusieurs à pleurer à chaudes larmes ce jour-là. Elle-même eut du mal à se retenir. Et Romain n’était pas en reste. Il serra fort contre lui chacun de ses camarades venus lui dire au revoir. Suite à cela, comme ses parents étaient toujours occupés, il les remercia une dernière fois avant de reprendre le chargement du camion de déménagement.

 Ce soir-là, Agatha demanda à sa mère la permission pour s’absenter le temps d’une balade nocturne. Un peu réticente au début, Clarisa se laissa convaincre par sa fille. Une fois dehors, Agatha se servit de sa baguette fraichement récupérée comme d’une lampe de poche. À cette heure, il faisait déjà nuit noire, mais les rues étaient encore pleines d’activités. Quelques commerces n’ouvraient que de nuit, et certains citoyens, notamment des vampires, profitaient de la douceur de la lune.

 Agatha fila en direction de la maison de Romain. La famille de diablotins était déjà partie, quelques heures plus tôt, mais ce n’était pas eux qu’elle voulait voir. Lorsqu’elle arriva, elle trouva sans surprise Juliette, assise sur le muret de l’habitation désormais vide. Elle ne réagit pas à sa présence, comme si elle ne l’avait même pas vue. Elle ne sursauta pas plus quand la sorcière s’assit à côté d’elle. Même ses serpents n’eurent aucune réaction. La jeune gorgone avait pris une vraie lampe de poche avec laquelle elle éclairait une photo qu’Agatha reconnut pour l’avoir vue quelques jours plus tôt, ainsi qu’un bonnet.

 — Je savais que je te trouverais là, lança doucement la sorcière. Est-ce que tout va bien ?

 — Tu te souviens des premiers jours d’école ? éluda Juliette. Moi oui. À l’époque, je ne contrôlais pas bien mes serpents. Ils étaient agressifs et ils ont failli vous mordre, toi, Béa, Jacky… Alors je restais seule, dans mon coin.

 — Je dois reconnaitre que je ne m’en souviens pas très bien…

 — Un jour, quelqu’un m’a collé cet énorme bonnet sur la tête. C’était Romain. Tu sais ce qu’il m’a dit ce jour-là ? « Comme ça, tu vas pouvoir jouer avec nous ! »

Elle renifla bruyamment et attrapa le fameux bonnet qu’elle enfila. Ses reptiles ne protestèrent pas.

 — Grâce à lui, je me suis ouverte aux autres. C’était mon meilleur ami, et maintenant il est parti…

 La gorgone pleurait, désormais. Agatha lui donna quelques tapes dans le dos pour la réconforter, silencieuse. Son amie avait besoin de parler et elle était prête à l’écouter.

 — Tout le monde doit m’en vouloir, maintenant… Pour ce que j’ai fait avec Oscar. Je suis désolée… Je voulais tellement… qu’il se souvienne de moi.

 — Moi je ne t’en veux pas, Juliette, la rassura Agatha. Mr Mate t’a pardonnée, non ? Alors pourquoi je t’en voudrais, il était pas à moi, Oscar. Et puis, même si Romain est parti, tu pourras toujours compter sur nous.

 Juliette renifla encore et releva la tête, un léger sourire triste sur le visage encore parsemé de larmes. Puis elle détourna la tête pour regarder le ciel, pour regarder la lune, pour regarder l’horizon.

 — Il va tellement me manquer.

 — C’est ça aussi, la vie, soupira Agatha. Mais tu rencontreras plein d’autres copains et copines, plus tard. Et qui sait, un jour peut-être, tu iras en Grèce, ou il passera quelque temps dans le coin. On ne sait pas. La vie, c’est plein de surprises.

 Elles restèrent silencieuses encore quelques instants, toutes les deux, à admirer le ciel, s’imaginant leur ami diablotin qui était en route vers un autre pays. Enfin, elles se levèrent d’un même geste pour repartir chacune de leur côté.

 — Merci Agatha…

 — Y a pas de quoi ! Merci aussi à toi, Juliette. L’air de rien, je me suis bien amusée avec ce mystère ! Tu veux faire tes devoirs avec Lisa, Romulus et moi, demain ?

 — Avec plaisir !

 Et elles se séparèrent là pour ce soir. Rentrée chez elle, la petite sorcière sortit de son cartable la boite contenant les différentes preuves qu’elle avait montrées à la classe vendredi. Elle vida le contenu dans sa poubelle mais garda l’os de rongeur que Miss Marple avait régurgité. Elle le déposa à côté d’une poupée ensorcelée qui tourna la tête pour observer son nouveau voisin, perplexe. Voilà qui ferait office de trophée pour récompenser sa seconde enquête menée à bien !

FIN

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