Je m'avance sur scène, salue le public comme on me l'a appris et m'assied sur le tabouret, face au piano. Je retiens mon souffle, ouvre la partition, l'installe devant moi et expire doucement.

 La salle est comble ce soir. Mes parents ne sont pas là, eux, et c'est tout ce qui tourne dans ma tête. Mon premier récital depuis que je suis entrée à Julliard et ils ont préféré assister à une séance de cinéma avec mon frère qui ne voulait pas venir.

 J'ai du mal à me concentrer mais m'oblige à ne penser qu'à la musique que je dois interpréter. J'ai choisi celle qui m'apaise toujours le corps et l'esprit, le Canon en D de Johann Pachelbel. Je pose mes doigts glacés sur l'ivoire des touches, regarde une dernière fois vers le public sans oser, toutefois, jeter un oeil là où ils devraient être...

 J'inspire doucement et commence doucement à jouer. J'enchaîne les accords, souris, respire et m'imagine dans un monde où mes parents m'aiment autant que mon frère et sont là pour me soutenir. Je joue comme si ma vie en dépendait. Et, finalement, c'est un peu le cas...

 Je plaque le dernier accord, laisse planer la musique quelques secondes puis me lève. Je salue une dernière fois avant de quitter la scène. Seule.