Chapitre 2 :

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Clara s’éclipsa pendant de longues minutes pour se calmer. Laurène était tentée de la rejoindre pour la réconforter sauf qu’elle songea que Clara préférerait sûrement être seule. Elle connaissait la gravité de la situation que Laurène ne savait pas donc elle lui mentirait si elle disait que tout irait bien. Pourtant l’adolescente aurait voulu épauler son amie mais cette dernière aurait décliné gentiment en pleurant. Parfois, Clara pouvait être une experte en autoflagellation. Les trois autres attendirent donc son retour en se questionnant.

– Jamais je n’aurai imaginé que les dragons puissent exister, c’est fantastique, souffla Anna émerveillée en regardant le bébé dragon.

Anna avait toujours adoré les animaux, elle en avait toujours eu dans sa vie et cela lui semblait être les meilleurs compagnons qui puissent exister. Cependant, un animal imaginaire en faites belle et bien réelle la surprenait plus mais la fascinait surtout.

– Je m’inquiète surtout pour Leau, rappela Valentine en se tournant vers son amie. Clara s’est surtout excusée auprès de toi. As-tu vu des dragons avant aujourd’hui ? En as-tu déjà entendu parlé ?

– Non, répondit Laurène crispée. Mais contrairement à Anna et toi je l’ai vu. J’ignore pourquoi mais je suis différente.

Quelque chose clochait chez elle et elle le savait dès l’instant où elle avait vu l’animal mais elle ne comprenait pas ce que cela signifiait ainsi qu’où cela la mènerait. Cela la stressait plus qu’autre chose car elle était la seule dans ce cas-là. Laurène n’appréciait pas d’être unique, elle ne se trouvait pas unique, juste une fille quelconque. Le bébé dragon vola et se posa sur les cuisses de la jeune fille. Son corps chaud réchauffa l’adolescente et elle lui sourit en le caressant doucement. D’une manière ou d’une autre elle sentit qu’elle possédait un lien unique avec ce monde, avec ces animaux. Un lien légitime, presque inné. Visiblement, les dragons lui remontaient aussi le moral car elle se calma peu à peu.

– On dirait bien que tu es faites pour vivre avec les dragons toi, rigola Valentine pour tenter de détendre l’atmosphère comme à son habitude.

– Même moi qui adore les animaux, je ne serai sûrement pas aussi à l’aise que toi avec un dragon, renchérit Anna dévorant le dragonceau du regard.

Pour une personne qui travaillait à Paris, une ville pas si proche que cela de leur village, le père de Clara débarqua bien vite à son domicile. Laurène ne préférait pas imaginer comment au final. À quarante-six ans, M. Gomez en paraissait dix de moins, sûrement grâce à sa stature sportive. Sa fille avait hérité de ses cheveux blonds. Ses yeux similaires à ceux des jumeaux étaient plus foncés. Laurène s’attardait toujours sur sa vieille cicatrice sur la joue gauche. L’avait-il eu à cause d’un dragon mécontent ? Les trois amies le saluèrent au moment où Clara arriva. L’homme prit sa fille dans ses bras pour la rassurer. Laurène enviait son amie, certes elle entretenait une bonne relation avec son père, mais dans le même cas celui de Laurène l’aurait mis face à son erreur. Le père de famille semblait surchargé mais apparemment sa priorité était de régler ce problème. Laurène ressentait l’urgence même si elle ne voyait pas en quoi. Elle sentait son ventre se retourner, comme si une mauvaise nouvelle s’annonçait.

– On commence par quoi ? croassa Clara.

– Leur expliquer pour les dragons et notre communauté. On détaillera le cas d’Anna et Valentine puis on terminera par celui de Laurène, planifia M. Gomez qui gardait son sang-froid pour rassurer sa fille. Je vais chercher des boissons, cela vous apportera peut-être du réconfort.

– C’est si grave que cela mon cas ? demanda Laurène d’une voix cassée et fragile en bondissant du canapé.

– C’est juste qu’avec ta famille cela va être compliqué. Tu comprendras plus tard mais si tu es protégée cela ira.

Ce qu’elle appréciait le plus était son honnêteté. Il ne cachait pas que cela serait difficile. Néanmoins Laurène remarquait bien qu’il minimisait les choses : son regard semblait terrifié pour elle. Cela perturba encore plus l’adolescente. Pourquoi était-elle différente de ses trois amies ? Courait-elle un danger ? Quel était le rapport avec sa famille ? Clara coupa sa réflexion en lui tendant un verre d’eau et elle s’installa à ses côtés. M. Gomez prit la parole directement : le temps devait compter ou alors cela ne lui semblait que justice que d’offrir des explications le plus rapidement possible.

– Les dragons existent depuis des siècles, plus exactement des millénaires. Il y a beaucoup de races mais les plus nombreux sont : les dragons d’eau, de vent, de terre et de feu. Je vous épargne le blabla sur les hybrides je pense que vous voyez toutes ce que j’entends par là.

– Donc grosso-modo, il y a une race par élément, nota Anna.

– Tout à fait. Certaines personnes voyaient les dragons et pouvaient posséder un lien avec. Ceux sont les Dresseurs. On suppose que cette capacité provient d’un gène transmis car des familles entières sans exception sont Dresseurs. Notre communauté est divisée en deux grands factions actuellement. On doit s’attendre à des attaques n’importe où et n’importe quand. C’est pourquoi chaque Dresseur doit être formé. Clara part bientôt pour sa formation.

– Quoi ? Pourquoi ne nous as-tu pas prévenu ? s’offusqua Valentine.

– Je n’avais pas le choix… je n’avais pas le droit de vous parler des dragons. Je me préparai à ne plus jamais vous voir, confia Clara en baissant les yeux.

– Non mais je rêve ! Tu sais qu’il y a une incroyable invention qui existe pour rester en contact avec des personnes même éloignées : le téléphone portable ! Ainsi que internet, SMS, les réseaux sociaux…

– Val on a compris, déclara doucement Anna. Pas la peine de l’accabler et je pense qu’on a d’autres problèmes à régler que la disputer pour ça.

– Mais… vas-tu recevoir une sanction pour nous avoir parlé de tout cela ? s’inquiéta Laurène.

– Normalement non, je suis encore trop jeune.

Les trois autres restèrent bouche-bée. Laurène vit M. Gomez navré, sûrement espérait-il que cela se passe plus facilement pour sa fille et qu’elle ne soit pas trop blessée. Cela ne serait plus le cas avec ce qui s’était passé cette après-midi. Mais elles devaient toutes faire face à la situation. Il reprit la parole :

– Les Dresseurs sont formés à se battre et à communiquer ainsi que comprendre leur dragon sans lien télépathique. Certains apprennent la survie et certaines bases de médecines.

– Ils n’ont besoin de personnes, marmonna Valentine.

– Détrompe-toi. Former un Dresseur prenait énormément de temps avant. Pour qu’un Dresseur acquiert toutes les compétences nécessaires, il faudrait commencer très tôt, heureusement il existe les Soigneurs.

– Des Dresseurs spécialisés ?

– Bien essayé ! Mais non justement. Certains Dresseurs commettaient des gaffes en parlant des dragons à des individus qui ne les voyaient pas. Ils se sont donc mis à les voir comme Valentine et Anna. Sauf qu’ils étaient incapables de se lier à un dragon comme les Dresseurs. Pour les soulager, ils ont donc été formés à soigner les dragons ainsi que tout types de blessures humaines des plus légères aux plus graves. On les nomme les Soigneurs. Beaucoup plus tard, avec persévérance et après avoir fait leurs preuves, certains dragons ont accordé leurs confiances à des Soigneurs et se sont liés avec certains d’entre eux. On les appelle les Persévérants.

– Donc Anna et moi on fait potentiellement partie de ces catégories, assimila Valentine puis M. Gomez acquiesça. Cela doit être grave badass d’être Persévérant.

– Mais pourquoi nous dites-vous cela ? se renseigna Anna dubitative. Cela ne change rien à nos vies.

– Au contraire Anna, que vous le souhaitez ou non, vous faites parties de ce monde désormais. Un choix s’impose. Soit vous refusez d’être formées et d’appartenir à notre communauté. Dans ce cas vous devrez promettre de ne rien dire sous peine d’être jugées puis vous serez surveillées. Soit vous partez avec Clara vous former en tant que Soigneuses ou Persévérantes.

L’information fut assimilée lentement par les concernées, tout ça restait dense pour le moment. Clara anxieuse guettait leurs réactions alors que Laurène s’imaginait déjà toute seule au lycée sans personne. Seule. Elle adorait ses amies et les supportait toujours dans leur choix mais cela l’arrangerait bien de ne pas se retrouver seule. Valentine et Anna ne saisissaient pas le pour et le contre dans chacun des choix. Elles étaient donc paumées.

– Malheureusement il n’y a plus beaucoup de temps, Clara part ce week-end. C’est court j’en suis conscient mais prenez le temps de bien réfléchir malgré tout. Je m’occuperai de vos parents.

– Parce qu’en plus tu devais partir bientôt ! s’exclama Valentine en lançant un regard noir à Clara.

– Nos parents, c’est-à-dire ? s’inquiéta Anna.

– Seulement des discussions entre adultes.

La rousse vivait seule avec son père depuis le décès de sa mère dans un accident de voiture qui avait laissé une longue cicatrice sur le corps d’Anna. Partir et laisser son père seul alors qu’il sombrait dans la dépression l’effrayait. Il ne restait que lui dans sa famille. Valentine n’avait pas ce problème mais ses parents comptaient fréquemment sur elle pour les aider à s’occuper de son petit frère et de sa petite sœur. Elles ne savaient donc que répondre sans consulter leurs familles et la limite de temps n’arrangeait rien.

– Et moi ? dit Laurène d’une voix brisée, sur le point de pleurer. Suis-je une Dresseuse ? Je l’ai vu le dragon. Pourquoi mes parents ne m’en ont-ils jamais parlé ?

– Je suis désolée Laurène, sincèrement, chuchota M. Gomez réellement triste pour elle. C’est plus compliqué que ça car tes parents ne t’ont rien dit mais des gens seront là pour vous protéger, ton frère et toi.

– Nous protéger de qui ? Que se passe-t-il avec mon frère et moi ?

– Je… suite à un événement mystérieux il y a des siècles, une personne censée être Dresseur mais qui n’a pas été prévenu avant de voir un dragon n’est plus un Dresseur.

– Comment cela ? Est-ce mon cas ? Est-ce grave ? paniqua Laurène la bouche tremblante, incapable de réfléchir ou de se calmer.

– J’aimerai te dire que cela ira mais je ne peux pas te le confirmer. Cela sera dur et tu seras souvent en danger mais aussi entourée.

– Papa ! Cela ne va pas d’annoncer cela comme cela ! s’énerva Clara prenant la main de son amie pour la soutenir. Imagine l’ascenseur émotionnel qu’elle ressent.

– Je sais Clara, assura doucement son père. Mais je dois prévenir ton amie comme il se doit du risque qu’elle encourt. Laurène, tu es une Liée. Une personne plus particulière que n’importe qui dans notre communauté.

– Et mon frère ?

– Cela dépend, c’est pour cela que la situation est délicate. Ton frère est supposé Dresseur pour le moment. Si tes parents lui expliquent, il le sera. S’il voit un dragon avant, il sera comme toi. Je pense qu’il serait préférable de ne pas vous séparer dans cette épreuve mais ce n’est pas ma responsabilité mais celle de vos parents.

– Non, cela va impacter la vie de mon frère. C’est à Lucas de choisir, répliqua sèchement Laurène.

La jeune fille ne savait pas trop comment réagirait son frère et s’il voudrait rester avec elle ou s’éloigner encore plus. Laurène n’espérait rien de lui mais elle voulait juste que son frère ait l’occasion d’être libre de ses choix, car Laurène ne l’avait pas été. Au fond, elle avait envie que son frère reste avec elle, espérait qu’elle représente quelque chose à ses yeux malgré les conflits mais elle souhaitait surtout qu’il ne regrette rien.

– Ton père ne vous en a donc pas parlé ? demanda le père de Clara.

– Non, le mot « dragon » n’est jamais sorti de sa bouche une seule fois. Petit, il n’y avait jamais de dragons dans les histoires qu’on nous lisait. Je ne pensais pas que cela dissimulait quelque chose…

– Vous avez dit que la situation de Laurène est dangereuse, rappela Valentine fixant son amie. Pourquoi ?

– Les vôtres aussi car nos ennemis veulent tuer les Soigneurs et les Persévérants. C’est pour cela que Clara était aussi bouleversée. Nos ennemis considèrent que seuls les Dresseurs doivent faire partie de la communauté. Les Liés… ils les envient plus exactement. Les Liés ont un lien télépathique avec leur dragon c’est pourquoi j’en parlais tout à l’heure. Mais ils sont avides de leur pouvoir car les Liées s’approprient leur capacité, expliqua M. Gomez. Par exemple, si on a un dragon de feu, la personne pourra faire des flammes à condition de développer cette capacité même si cela vient tout seul. Nos ennemis veulent avoir des Liés pour nous battre mais ils ne connaissent pas l’essence même des Liés. S’ils savaient, ils essayeraient de capturer tout les Liés et de leur faire un bourrage de crâne pour les retourner contre nous.

– Mon père a donc voulu créer des sortes d’armes humaines ? En quoi suis-je en danger ? voulut savoir Laurène.

– Ils essayent réellement de capturer des Liés, certains l’ont été et la plupart du temps on ne les récupère pas et ils ne survivent pas non plus. Tu es une cible. Ton père ne voulait sûrement pas cela, je te le garantie. Il a été trop affecté par la mort de son dragon et cherche à vous préserver de cela je suppose.

– Ce n’est pas une raison, s’agaça Clara.

Le silence retomba. Plus personne n’osait dire un mot. Valentine et Anna réfléchissaient mais s’inquiétaient pour Laurène. Clara craignait pour la vie de sa meilleure amie désormais. Cette dernière ne savait que penser. Elle était déçue que ses parents les mettent en danger son frère et elle. Son père souffrait, certes, mais si Laurène comprenait bien, sa tête et celle de Lucas étaient mises à prix. Elle pensa à son frère, celui qui ne lui parlait jamais, qui l’agaçait mais auquel elle ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter. De l’aimer. Certes, il s’agissait de sa vie à elle, mais la sienne restait étroitement liée à celle de Lucas. Ils allaient de pairs. Si elle n’avait pas contredis Clara, ils n’en seraient pas là. Mais qu’avait-elle fait ?!

Le père de Clara s’occupa de tout. L’adulte était responsable et gérait souvent les situations délicates des jeunes de la communauté. Il faisait toujours en sorte que cela se passe au mieux, mais M. Gomez se demandait bien comment allait réagir ses amis. Il laissa Valentine et Anna rentrer chez elles pour discuter avec leurs parents après les avoir briefé sur quoi révéler. Laurène resta chez eux, trop sonnée de toutes manières pour oser bouger de cette maison. M. Gomez la rassura longuement avant de passer un coup de fil à son ami puis annonça :

– Dîner ce soir, ton frère sera présent. Ton père ne se doute de rien.

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