Bonus II Joyce

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Avril 2009 :

Joyce Lévesque, à peine 7 ans ne comprenait pas toute l'agitation dans sa maison située en Floride. Après avoir vu une bête croisée entre lézard et oiseau, ses parents paniquaient totalement. Ils disaient qu'ils auraient dû la préparer plus tôt pour éviter ce genre de drame alors qu'ils comptaient faire d'elle une Dresseuse. Mais ils craignaient aussi quelques choses de plus graves : on les traquait toujours, et ils avaient retrouvé leurs traces. Ce qui ne les rassurait absolument pas. À son âge, Joyce ne comprenait absolument pas et se contentait de suivre ses parents comme tout enfant de 7 ans. Évidemment, elle posait beaucoup de questions, mais elle n'obtenait aucune réponse même avec l'insistance bornée d'une petite fille. Elle écoutait les discussions de ses parents sans jamais comprendre, mais à chaque fois, ils regrettaient de ne pas avoir été plus prudents jusqu'à lui en parler. Ils avaient tout ruiné en voulant attendre qu'elle soit plus mature pour lui en parler.

– Comment on va faire ? Ils nous on retrouvés, cela va être beaucoup trop compliqué pour s'enfuir à nouveau. Laurent... on reste des Liés, même en s'étant retirés, les ennemis seront toujours là pour nous retrouver apparemment. Imagine ce qu'il pourrait faire de Joyce ? Elle est encore si petite, elle ne peut pas vivre ça.

– Chérie, cela va être compliqué, mais il va falloir rester fort pour elle, Sophie. On n'a pas le choix. Il va falloir se déplacer très souvent, changer de pays très souvent. Il va falloir être un pilier pour elle, car elle n'aurait jamais un vrai repère, jamais des amis de longues dates. Elle sera toujours étrangère. On devra être là pour elle.

– Et si jamais on ne tient pas ? Si jamais c'est trop dur pour nous ? Qu'est-ce qu'elle deviendra plus tard ?

– Je ne sais pas... j'ai peur moi aussi. Mais on n'a pas le choix. Même en s'éloignant, on a toujours su qu'en tant que Liés, nous n'aurions jamais la paix. On a pris le risque en ayant Joyce. On savait que cela pouvait être risqué pour elle comme pour nous.

– On doit assumer les responsabilités de nos choix, termina fermement la maman de Joyce.

Au milieu, la petite fille ne comprenait pas un seul mot, mais elle percevait la peur dans la voix de ses parents. Elle comprit qu'ils devaient se trouver dans une situation dangereuse, autant pour eux que pour elle. Néanmoins, elle n'avait pas vraiment peur. Tant qu'elle restait avec ses parents, tout irait bien pour elle.

Sans chercher à comprendre, Joyce dut faire ses adieux à toutes ses amies. Elle commença à apprendre le japonais même si elle irait dans une école française à Tokyo. Et ses parents furent heureuses qu'elle soit bilingue dès la naissance : cela serait plus facile pour elle d'apprendre les langues. Le jour du départ, il y eut beaucoup de larmes, beaucoup de cris. C'était tout de même dur pour une petite fille de 7 ans de ne plus jamais revoir ses amis, mais elle n'avait pas le choix.

Le jour de leur départ, la tension était à son comble pour la petite famille. Ils prenaient le vol de nuit. Joyce avait toujours eu peur du noir. Même les allées éclairées angoissaient la petite fille. Puis la tension émanant de ses parents n'arrangeaient pas son angoisse. La famille était suivie. Les parents le savaient pertinemment, leurs armes à proximité au cas où. Juste avant d'entrée dans l'aéroport, sur le parking, Sophie Lévesque prit sa fille dans ses bras pendant que son mari stoppa la trajectoire du couteau.

– Prenez l'avion, déclara-t-il. Je vous rejoindrai en dragon.

Néanmoins sa femme ne s'en allait pas.

– Pars Sophie ! Tout de suite !

Malgré tout, sa femme l'écouta. Le laissant seul, encerclé par les ennemis. Le voyage de la mère et la fille avait été silencieux, remplit d'angoisse. Après une semaine, Laurent n'était toujours pas arrivé, ce qui ne présageait rien de bon. Il arriva un mois plus tard, toujours en convalescence. Il avait été grièvement blessé et allait mettre pas mal de temps à se remettre. Malgré tout, il était en vie, son dragon aussi. Ils pouvaient reprendre calmement le court des choses.


Juin 2011 :

À 9 ans, Joyce marchait jusqu'à l'école primaire français de Tokyo, ses écouteurs dans les oreilles. Elle n'avait jamais compris pourquoi ses parents refusaient de la rapatrier dans les campus de France, ou alors simplement de la laisser dans les campus japonais. Elle n'avait jamais demandé plus à ses parents en voyant à quel point cela les mettait mal, mais elle savait que tout cela avait un rapport avec la nuit du déménagement. Cette nuit-là tout avait basculé et tout avait un rapport avec les personnes qui avaient attaqué son père.

En rentrant du collège, Joyce avait la désagréable impression d'être suivie. Comme autrefois, comme au déménagement. Cependant, elle se disait qu'elle devait juste psychoter un peu trop. Néanmoins au bout de la troisième voiture qui proposait de la raccompagner, elle paniqua. Elle se mit à courir pour rentrer chez elle. Lorsqu'elle arriva chez elle, elle cria horrifiée, ce qui interpella directement sa mère qui revenait tout juste du travail. Elle aussi paraissait très inquiète. Elle s'agenouilla pour rassurer sa fille.

– Chérie, commença-t-elle doucement, que s'est-il passé ? Qu'est-ce qui te mets dans cet état Joyce ?

– Maman, sanglota la jeune fille. Y avait des... des gens... ils... ils voulaient absolument me prendre en voiture. J'avais l'impression... l'impression d'être suivie !

La jeune adolescente explosa en larme alors que sa mère la serra dans ses bras, se mordillant la lèvre. Elle laissa Joyce se calmer et passa plusieurs coups de téléphones. Son père revint directement et ils commençaient déjà à boucler leurs valises : il n'y avait plus beaucoup de temps à perdre. Laurent s'était déjà procuré plusieurs billets d'avions.

– On va faire une escale au Danemark, là-bas, l'association pour Lié pourra gommer nos traces et on pourra prendre l'avion pour la France plus facilement. Il y aura moins de danger.

Joyce avait envie de leur poser des questions, mais même du haut de ses 9 ans, elle voyait bien que la situation ne s'y prêtait absolument pas. Une heure après avoir rempli le taxie des bagages dans une rue opposée, ils revinrent pour mettre les clés dans la boîte au lettre, cependant, la maison avait déjà pris feu. Laurent et Sophie ne s'y trompèrent pas : tout était intentionnel. À force de passer entre les mailles du filet des ennemis, ces derniers s'agaçaient. Ils s'agaçaient de ne pas les trouver et passaient donc à une méthode plus radicale : les supprimer, au risque de retarder encore plus la grande prophétie en tuant l'élue. Beaucoup de croyances différaient, et les deux Liés étaient de ceux qui pensaient que la mort de l'élu entraînait un autre élu, que l'on pouvait repousser indéfiniment. Mais il était hors-de-question que leur petite fille meure.

Ils pressèrent le chauffeur pour arriver le plus tôt possible à l'aéroport où ils seraient le plus en sécurité. Ils attendirent de bonnes heures, Joyce en avait marre, voulait dormir, voulait voir ses amies. Mais elle se rappelait. Elle savait pertinemment qu'elle ne le reverrait plus jamais. Comme la dernière fois. Comme avec ses amies américaines. Cela resterait toujours le même déroulé, mais combien de voir cela allait-il se répéter ?

Après plusieurs heures, ils prirent l'avion. Ils débarquèrent à Copenhague et ne perdirent pas de temps. Ils trouvèrent l'association qui les aida en quelques jours. Alors qu'ils allèrent partir, dans un parking sous-terrain, la petite famille se fit attaquer. Ils furent traînés jusqu'à dehors, Joyce fut terrorisée, se rappelant des longs mois d'inaptitude de son père à cause de la dernière fois. Le visage de Laurent était déjà tuméfié, sa femme avait un bras cassé, mais seule la détermination se lisait dans leurs regards. Ils n'abandonneraient pas. Une fois dehors, Joyce vit une bête dehors. On ne lui avait jamais expliqué ce que c'était, mais son père passait beaucoup de temps avec. Ce dragon cracha des flammes. Son père ayant anticipé, avait fait l'effort d'écarter sa femme et sa fille. Leurs agresseurs finirent en cendre sous les pleurs de Joyce. Trop choquée à 9 ans pour voir ça. Immédiatement après, ils prirent la fuite. Direction la France, leur pays natal, et peut-être bien celui le plus dangereux même s'ils pouvaient être protégés.


Octobre 2015 :

En quatre ans, Joyce avait beaucoup déménagé au sein de la France. Dans le sud, au nord, à l'est à l'ouest. Elle avait l'impression d'avoir habité chaque région. Il ne lui manquait plus que les îles pour une connaissance parfaite du territoire varié français ! À force de changer d'école chaque année voire tout les six mois, Joyce avait dû se forcer à parler. Elle était devenue plus sociale, plus ouverte, mais aussi sans attache. Les amis qu'elle se faisait ne restaient que très peu de temps, même si elle nouait une relation, elle faisait en sorte de se maintenir à distance afin de ne pas être triste au moment de son départ.

À 13 ans, Joyce rentrait du collège après un cours de sport épuisant, trempée de sueur, elle ne réclamait qu'une douche : résultat, elle rentrait à pied car le bus n'était pas passé et il pleuvait énormément. Le froid s'insinuait partout, et elle commença à courir pour rentrer chez elle malgré la fatigue. Lorsqu'elle arriva, ses parents n'étaient pas encore rentrés, sûrement encore en train de travailler. L'adolescente en profita pour prendre une bonne douche et faire ses devoirs. Ses parents ne rentreraient sûrement pas avant 21 heures. Néanmoins, pensant entendre la porte s'ouvrir, elle en déduisit qu'un des deux adultes venaient de revenir. Elle sortit donc de sa chambre et dévala les escaliers. Mais personne au salon, personne à la cuisine. Elle décida d'appeler sa mère qui ne répondait pas. Angoissée, elle s'assit sur une marche de l'escalier et compta y rester jusqu'au retour de ses parents. Elle hurla lorsqu'un homme surgit du salon et la traîna par le bras.

Heureusement, la porte s'ouvrit sur son père. Ce dernier assena un coup en pleine nuque et l'homme s'effondra. Pour la première fois, Joyce s'autorisa à poser des questions. Elle savait que cela n'arrangeait pas ses parents. Cependant, elle savait aussi que ce genre de scène ne se déroulait pas pour la majorité des enfants de son âge.

– Papa, qu'est-ce qu'il se passe ?

– Pas maintenant Joyce, il faut partir.

– Encore ?! On va tout le temps partir ? Mais quand est-ce que je pourrais être enfin normal ? Quand est-ce que je pourrais vraiment avoir des amis ? hurla l'adolescente. Je veux comprendre ce qu'il se passe ! Je veux savoir !

– Tu le sauras, mais plus tard. Je te l'expliquerai, lorsque l'on sera en sécurité.

Joyce ne fut pas dupe, elle n'aurait jamais ses explications. Elle connaissait ses parents et ils appréciaient trop les secrets. Alors que son père s'apprêta à partir, elle ne bougea pas d'un millimètre. Sauf que ce n'était absolument pas le moment, et il ne savait comment lui faire comprendre. Néanmoins, lorsqu'une salve d'homme débarqua, Joyce commença vraiment à avoir peur. Ils sortirent par la sortie arrière de la maison et gagnèrent la voiture. Ils récupérèrent Sophie à son travail et s'enfuirent directement, en voiture. Après de longs trajets, pendant quelques jours, ils arrivèrent en Italie, en espérant que cette fois, c'était la bonne. Mais Joyce n'était pas dupe, cela ne serait pas le cas. Ils les retrouveraient quoiqu'il arrive.


Novembre 2018 :

À 16 ans, Joyce impressionnait par sa maîtrise des langues. L'anglais, le japonais, et le français couramment. Son italien était presque parfait. La jeune fille, sachant pertinemment que c'était son fort, avait donc orienté ses études dans ce domaine même si cela ne la passionnait pas réellement. Au fil des mois qu'elle avait passé, elle avait enfin espéré que ce soit la bonne. Cependant, les conversations entre ses parents qu'elle surprenait, n'auguraient rien de bon. Ils semblaient encore une fois être rattrapés par leur passé. Et évidemment, elle n'avait obtenu aucune explication de ses parents, même si elle était en âge de comprendre. Joyce commença donc à chercher par ses propres moyens. Ses parents travaillaient beaucoup, elle en profita pour fouiller dans leur affaire et tomba sur une carte de visite italienne. Un dragon dessiné sur la carte. Ses recherches lui avaient fait comprendre la nature de ses animaux qu'elle avait vu plus jeune, qui aidait son père aussi. Elle composa le numéro et tomba sur une secrétaire italienne.

– Avez-vous un bâtiment ?

– Oui tout à fait, si vous voulez un entretien, je peux vous envoyer nos coordonnés par message si vous le souhaitez.

– Cela serait parfait, je vous remercie, déclara Joyce avant de couper.

Elle reçut directement les coordonnées et les rentra dans son téléphone. Google Map faisait des merveilles. Le portable faisait aussi office de GPS. Joyce laissa un mot à ses parents au cas où ils rentraient avant elle. La jeune fille, toute excitée d'obtenir des réponses, pressa le pas. Elle ne fit même pas attention aux autres, si on la suivait ou non. Puis elle s'arrêta devant un haut bâtiment tout vitré. Joyce resta intimidée face au grand bâtiment et respira un bon coup. Elle ne savait pas ce qu'elle allait découvrir, mais elle sentait que c'était nécessaire. Elle devait savoir, prendre conscience des choses.

Il y avait beaucoup de gens dans ce bâtiment. Habillés de bleus, verts, gris et jaunes foncés. Seule Joyce détonait avec ses habits roses fuchsia. Elle s'avança jusqu'au guichet mais n'osa pas réellement demander. Elle fut interpellée par la dame pour qu'une fil d'attente ne se forme pas. On la guida vers une femme qui parlait à un homme.

– Je suis désolée M. Gomez, mais le ministère s'est trompé dans ses indications. Les dossiers ne se trouvent pas là. Il faut que vous alliez à Rome, au ministère des affaires étrangères. Je vous transmets les coordonnées.

– Merci beaucoup, c'est aimable à vous. Je me charge des recensements actuels des Liés du monde pour préparer des personnes pour les surveiller et les aider au cas où.

– C'est tout à fait honorable ! Cependant, nous savons tous que la moitié des Liés qui existe n'est pas connue. Peut-être un jour nous arriverons à les aider et les protéger ?

– Je l'espère, surtout que la plupart des Liés ont une histoire pas simple. Il y a deux ans, on a retrouvé un jeune dans un sale état, séquestré par ses parents pendant des mois. Il a fallu être patient avant de le former, il devait retrouver une santé mentale et physique. Même s'il ne le montre pas, il est encore profondément marqué par cette histoire.

– Pauvre petit... oui jeune fille ? demanda la dame notifiant enfin la présence de Joyce qui commençait à être gênée par cette conversation qu'elle n'aurait pas dû écouter.

– Je voudrais des informations, chuchota-t-elle.

– Sur ? Liés ? Dresseurs ? Soigneurs ?

Ces trois mots perdirent la jeune fille et M. Gomez comprit directement la situation. Il fit un signe de tête à la dame et entraîna Joyce dans une salle.

– Comment t'appelles-tu jeune fille ?

– Joyce. Joyce Lévesque.

– Lévesque... les époux et Liés Lévesque. As-tu déjà vu un dragon jeune fille ?

– Oui, à 9 ans et avant. Je ne savais même pas ce que c'était avant... j'ai appris tout récemment en faisant des recherches sur internet. Mais, avec mes parents, on doit déménager très souvent car des gens nous attaquent. Je voulais comprendre la situation...

– Donc tu ne sais rien, soupira M. Gomez en la faisant s'asseoir. Je vais tout te raconter, mais tu dois comprendre que cela aura des conséquences, sur toi, comme sur ta famille.

– De toute façon on va encore sans doute changer de pays, moi, je veux savoir.

– Joyce, tes parents, et toi aussi... tu es ce que l'on appelle une Liée. Et c'est pour ça que vous fuyiez tout le temps. Vous êtes en danger tout le temps, et tu as le choix. Rester dans ta vie, sous protection jusqu'à ta mort, ou venir te former dans un campus.

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