Chapitre 53 :

21 minutes de lecture

– Je prends une photo pour les filles ?

– C’est Val qui va être contente.

– J’ai oublié mon portable dans ma chambre. Tu crois que j’ai le temps de faire l’aller-retour jusqu’au quartier des Dresseurs ?

A moitié endormie mais aussi consciente, Laurène leva lentement son majeur à ces deux traîtres qui n’avaient aucune pitié à s’incruster dans sa chambre comme si de rien n’était et à les regarder assoupis. Elle avait vraiment la flemme de se lever pour les engueuler et les faire partir, puis Aaron dormait encore de toute façon, mais s’ils restaient, elle finirait peut-être bien par s’énerver.

– OK Clara, fuyons avant que ma sœur se réveille. Une Laurène levée du pied gauche peut être terrible. Et crois-moi, je te dis ça en connaissance de cause. Fuyons.

Elle les entendit partir mais ouvrit tout de même les yeux. La Liée ne pouvait pas se rendormir à ce stade. Tant pis, elle avait déjà mieux dormi que d’habitude, c’était l’essentiel. Laurène n’avait même pas bougé pendant la nuit. Elle ne savait pas si Aaron dormait encore mais il n’avait pas les yeux ouverts. La jeune fille passa ses doigts dans les cheveux du jeune homme, prenant soin de ne pas effleurer un morceau de peau. Puis elle se contenta de le contempler.

– Ils devraient nous donner les clés des portes, murmura-t-il.

– Oh t’inquiète pas que je peux aller botter le cul de mon frère et il ne nous cassera plus les pieds pendant un moment.

– Je ne te retiendrais pas !

– As-tu bien dormi quand même ? demanda Laurène en se redressant.

– Oui, plus que je l’imaginais. Mais toi, comment tu te sens ? T’as dormi un peu quand même ?

– Comme un bébé, sans cauchemars cette fois. Merci, vraiment. Je n’aurai pas pu me rendormir si tu n’étais pas resté.

– Au moins, tu n’auras pas besoin de somnifères. C’est déjà ça.

Aaron se pencha vers elle un moment avant de s’immobiliser. La Liée sentit ses joues s’enflammer alors qu’elle scrutait le visage d’Aaron.

– Est-ce que… est-ce que je peux t’embrasser ? souffla-t-il.

Laurène ne voulait pas sentir une peau contre la sienne, pourtant elle avait besoin d’embrasser Aaron. La jeune fille hocha légèrement sa tête, fermant les yeux, se concentrant sur le souffle chaud de son ami qui caressait sa joue. Elle accueillit ce baiser avec appréhension puis envie. Les lèvres d’Aaron ne faisait qu’effleurer les siennes, il n’alla pas plus loin, pourtant une douce chaleur réchauffa son corps. Avant qu’ils n’aient pu dire quoique ce soit, trois violents coups s’abattirent sur la porte de la chambre de Laurène.

– Lucas ! hurla cette dernière en balançant son oreiller en direction de la porte.

– Grouillez-vous si vous voulez à manger ! répondit-il sur le même ton, ayant la présence d’esprit de ne pas ouvrir la porte.

Aaron soupira, peu résigner à quitter la chambre de Laurène. Il ne voulait pas s’éloigner d’elle depuis le cauchemar, depuis qu’il voyait à quel point son séjour chez les ennemis l’avait impacté. Il voulait garder un œil sur elle pour se sentir serein ! Néanmoins c’était les duels aujourd’hui et personne ne pouvait se permettre d’être en retard, alors il se leva pour retourner dans sa chambre. Pourtant il se figea, alerté par le regard de détresse de sa camarade.

– Lau…

– Il y a un nous hein ? s’enquit l’adolescente en levant la tête. Je… la vie est compliquée. Et tu es la seule chose pas compliquée en ce moment. Dis-moi que je n’ai pas rêvé hier. Que tu es là en chaire et en os. Que y a vraiment nous deux. Un nous.

– Lau, j’étais plus que sérieux quand je disais que j’étais prêt à attendre, même à jamais. Bien-sûr qu’il y a un nous ! Il y en avait même un avant qu’on soit honnête avec nous, et avant qu’on se le dise hier, assura doucement Aaron un sourire aux lèvres avant d’embrasser furtivement son front. Allez… Le dernier qui arrive au petit-déjeuner n’a pas le droit au partage à l’entraînement !

Laurène fronça les sourcils, buguant durant quelques secondes avant de comprendre.

– Attend quoi ! S’écria-t-elle alors qu’il se trouvait dans le couloir. Tu crois vraiment j’ai besoin de ça pour te battre ?

– Crâneuse !

– Toi crâneur !

Laurène sourit, appuyée contre le mur. Puis elle réalisa l’étendue des impactes de ce pari. Et elle ne pouvait pas saboter sa seule chance de battre Aaron de sa vie. Depuis le temps qu’elle essayait ! L’adolescente s’habilla rapidement avant de sortir dans la salle commune. Les gens la fixaient encore un peu, puisqu’elle était de retour depuis récemment. En regardant, elle ne repéra pas Aaron. Au moins, elle avait gagné ce défi. Elle aperçut Valentine et Anna attablées et elle les rejoignit. Clara et Lucas n’étaient pas encore arrivés, c’était parfait. Laurène se posa en face d’Anna et se servit tranquillement.

– Bien dormi ? demanda Anna. Tu as dû croiser Clara ce matin, je l’ai vu aller dans le quartier des Liés hier soir.

– Je pense surtout que le plus à plaindre est Aaron. Il n’a pas dû beaucoup dormir puisque la chambre de Lucas est proche de la sienne, commenta Valentine taquine.

– Pas de problème pour moi, je n’ai pas dormi dans ma chambre, assura le Lié, souriant à Laurène rouge écrevisse. J’y crois pas, comment je peux me défendre sans partage ?

– Ah bah c’est toi qui a commencé, hein ! Tu t’es mis toi-même dans ce pétrin. Mais si tu veux j’aurais la clémence de ne pas trop l’utiliser, du moins de ne pas utiliser mes techniques les plus efficaces.

– Mmmh, je ne pense pas que j’aurais besoin de ta clémence pour l’emporter, assura le jeune homme.

– Tu es peut-être un peu trop confiant, le taquina la jeune fille. Non ?

– Pourquoi ne le serais-je pas alors que tu ne m’as jamais battu et personne ici ne m’a encore jamais battu lors des duels.

– Pour le moment. Profite de tes dernières heures de duelliste invaincu.

Anna et Valentine s’échangèrent un regard surpris, bien que la Persévérante avait un sourire au coin. Alors qu’Aaron allait répliquer, cette dernièree se pencha pour passer une main entre les deux qui se regardaient.

– Heu bonsoir, on est là vous savez, coucou ! s’exclama Valentine. On existe vous savez. Il s’est passé quoi là ? Et comment ça toi t’as pas dormi dans ta chambre ? Le peuple réclame une explication !

– Tu veux une explication, rit Anna en la faisant s’asseoir.

– Je suis le peuple !

Ils éclatèrent tous de rire, Annna appuyait son visage contre l’épaule de sa copine pour se soutenir. Néanmoins, Laurène ne pouvait pas ignorer le regard insistant de Valentine. Bon, elle ne comptait pas laisser Clara et Lucas leur dirent comme ça maintenant. Elle se pencha vers la table, suivie de Valentine avec son air le plus sérieux. Ce qui n’aidait pas Laurène à l’être car la tête de son amie était hilarante. Anna les regarda désespérée, espérant qu’elles soient normales un jour.

– Est-ce que tu te souviens quand tu m’as sorti « Laurène tu devrais le pécho » ?

La mâchoire de Valentine se décrocha pendant que ses yeux firent le chemin entre Aaron et Laurène. Puis elle se mit à crier, attirant tous les regards vers elle, et elle bougea si brusquement que Laurène bascula en arrière, rattrapée de justesse par Aaron et Luc qui venait tout juste d’arriver.

– Tes amies sont folles, commenta le Dresseur.

– Je te l’accorde. Mais elles sont gentilles.

– On s’y habitue, lui assura Aaron.

– DEPUIS LE TEMPS QU’ON ATTENDAIT CELA ! Encore heureux que tu nous le dis en plus ! Non parce que je te connais, tu aurais très bien pu ne pas le dire.

– Clara allait prendre une photo donc bon…

– Pourquoi elle ne l’a pas fait cette idiote !

– C’est qui l’idiote ? demanda Clara en arrivant en tenant la main de Lucas.

– Toi !

– Quoi ?

Alors qu’elles se mirent à se disputer, Lucas vint les embêter alors qu’Anna expliquait à Luc un peu plus le fonctionnement du campus et qu’il n’aurait sûrement rien d’obligatoire à faire puisqu’il devait avoir fini sa formation.

« Je t’attends à la plage. Il faut qu’on parle. », avertit soudainement Ignisaqua.

« Seuls ? »

« Seules. »

Elle en lâcha sa tartine et bondit de sa chaise, inquiétant tout le monde par son air préoccupé. L’adolescente attrapa une veste rapidement dans le quartier des Liés puis hésita un instant avant de poser rapidement ses lèvres sur celle d’Aaron.

– Ignisaqua veut me parler ! cria-t-elle. Je reviens. Je reviens.

Laurène se souvint de la fois où elle avait couru le plus vite de sa vie. C’était en s’enfuyant dans la forêt avant que Luc lui tire une balle dans la jambe. Cette fois, elle courut aussi. Pendant des mois elle avait attendu des réponses. De vraies réponses.

Ignisaqua avait les pattes dans l’eau, les vagues claquaient contre. Il paraissait toujours aussi majestueux, pourtant quelque chose changeait dans sa manière d’être. La jeune fille lui avait fait souvent la remarque qu’il se comportait comme deux personnes différentes parfois… elle avait l’impression d’avoir face à elle l’Ignisaqua qu’elle connaissait le moins. Laurène s’approcha jusqu’au bord sans atteindre l’eau. Elle n’était sûrement pas assez bonne pour elle à cette époque, de toute façon.

– Tu n’as pas tardé.

Ce n’était pas la voix d’Ignisaqua. Laurène la connaissait par cœur celle de son dragon. Et entendre une autre voix sortir de ce corps là… elle eut un pincement au cœur, comme si quelque chose n’allait pas. Et ça n’allait pas. Comment les choses pouvaient aller alors qu’elle ou il lui donnait la preuve que ses soupçons étaient corrects ? Comment pouvait-elle se sentir bien dans la relation avec son dragon alors qu’il ou elle lui mentait depuis le début ? Comme si tout était normal. La présence de l’eau ne l’aida pas pour contenir le partage de l’eau qui l’attirait. Heureusement elle réussit à faire abstraction. Elle ne voulait pas inonder le campus, ce serait embarrassant pour son retour !

– Tu dois avoir des questions à me poser. Tu as toujours des questions à poser depuis le début. C’est en partie pourquoi je t’ai choisi. Il me fallait une personne qui comprenne et qui se pose les bonnes questions.

– En faites… pas autant. Je veux juste savoir. Ignisaqua existe-t-il réellement ? Ou alors vous m’avez manipulé depuis le début ? Enfin… vous m’avez toujours manipulé mais je pense que vous voyez ce que je veux dire.

Le dragon se tourna vers elle, mais elle ne parvenait pas à le regarder, à lui faire face. Pas maintenant alors que toute sa confiance en lui ou elle s’effondrait. Elle comprenait la nécessité de garder le secret, surtout avec ce passage chez les ennemis, mais cette révélation lui donnait tout de même un sacré coup.

– Bien sûr que j’existe Laurène, reprit Ignisaqua, avec la voix d’Ignisaqua. Je suis le fils de la Mère et de Brasier, forcément c’est spécial. Ma mère est une partie de moi, elle survit en moi. Quand la prophétie sera finie, elle disparaîtra vraiment, mais pour le moment, elle doit s’assurer que tout se finisse de la bonne manière. Pas comme il y a des siècles.

– La Mère m’a déjà parlé sans que je le sache ? Qui a été le plus présent avec moi ?

– J’ai été le plus présent avec toi, affirma Ignisaqua. Ma mère me conseillait souvent les actions. Elle a été présente en cas de danger, quand Fournaise a attaqué, quand tu t’es faite attaquée seule sur l’île. Mais c’est tout. Elle n’apparaît pas plus.

Laurène aurait bien voulu le croire mais c’était si compliqué quand même. Leur relation avait toujours été au beau fixe car la Liée lui faisait une confiance aveugle. Elle l’avait écouté et ne l’avait pas brusqué, attendant qu’il soit prêt pour lui révéler certaines choses… Ignisaqua ne détenait plus cette confiance. Elle ne pouvait plus avoir confiance en lui alors qu’elle ne savait même pas si elle s’adressait. La Mère ou son fils ? Puis… ils l’avaient laissé être torturée soi-disant pour le bien de la prophétie. C’était son dragon, il aurait dû l’aider, la soutenir. Pas la convaincre de se laisser malmener. Peut-être ne représentait-elle qu’un pion pour la Mère ! Et c’était sûrement pareil pour son fils.

– Écoute… j’ai besoin de temps, prononça difficilement Laurène. Et ça ne signifie pas dire que je suis en colère. Je suis juste déçue, c’est tout. Notre relation est importante, pas seulement pour le monde, mais pour moi aussi. C’est un pilier stable que j’avais la chance d’avoir dans ce monde inconnu. Donc j’ai besoin de réfléchir et de poser les choses, pour que tout ne tangue pas.

– Laurène, rien ne change.

– Bien sûr que si ! Change que je pensais avoir affaire à quelqu’un alors que c’était une autre personne. Donc ouais, j’ai besoin d’un moment. Désolé.

La Liée baissa la tête et s’éloigna. Elle aurait dû se sentir honorée d’être liée à la Mère, à une Déesse, fut un temps puissante. Mais elle ne parvenait pas à ressentir cette fierté, cette honneur.

– Laurène ! l’interpella Ignisaqua alors qu’elle s’en allait.

Cette dernière aurait bien voulu avoir le courage de lui demander de la laisser tranquille. Elle se sentait triste de s’être fait leurrer par son propre camarade qui ne cessait de lui répéter en plus qu’elle était son égale ! C’était faux. Laurène n’était et ne serait jamais son égale.

– Tu en veux à ma mère, je le comprends bien. Mais je t’en prie, ne m’en veux pas. Oui, je l’ai écouté et je continue à l’écouter car on a un rôle particulièrement important dans la prophétie, de même pour Aaron ou Luc.

– Et donc ?

– Ce n’est pas parce que je fais passer la prophétie avant tout, que tu ne représentes rien pour moi.

– Je trouve des moyens pour mettre les personnes que j’aime et la prophétie à égalité. Si une simple humaine en est capable, alors pourquoi pas un puissant dragon vieux de des siècles ?

La jeune fille ne regarda même pas en arrière quand elle s’en alla. Il lui fallait du temps, elle ne savait pas combien, mais elle allait en avoir besoin pour digérer cette information.

Ses amis s’étaient posés sur un canapé durant son absent. Aaron attendait, toujours assis à sa place, discutant avec Luc. Apparemment, c’était la journée des duels car les professeurs rappelaient à voix haute d’aller à l’arène. Au moins, Laurène saurait comme utiliser sa colère. Elle s’avança vers Aaron pour se blottir dans ses bras.

– C’est la Mère, murmura-t-elle à mi-voix.

– Quoi ? s’étonna Luc.

– Ignisaqua. Il a une partie de la Mère en lui. C’est pour ça, le pouvoir de lumière. Il vient de là. Elle est en lui, elle communique à travers lui… elle l’utilise. Et il la laisse faire car c’est son fils.

Les deux jeunes hommes se regardèrent, s’implorant de prendre la parole, mais aucun des deux ne pouvaient répondre quelques choses par rapport à ça. Ce n’était pas possible. Laurène se reprit et alla chercher sa veste avec tous ses couteaux, elle en aurait besoin pour les duels.

– On se voit au duel ! Prépare-toi à perdre Mackenzie.

– Dans tes rêves Maguy ! Tu n’as jamais réussi à me battre.

– Y a une première fois à tout !

– Vous êtes toujours comme ça ? s’enquit Luc exaspéré.

– Comme quoi ?

– A passer votre vie à vous rentrer dedans et à vous chercher.

– C’est leur spécialité ! affirma Clara en embarquant Luc avec elle et Lucas. Allez-viens, je vais t’expliquer un peu le programme d’aujourd’hui. Je pense que si t’arrives à battre les gens aux duels, ils t’embêteront moins.

Aaron emboîta le pas avec eux accompagné de Valentine et Anna qui avaient pris la fin de file. Laurène fouillait dans son manteau afin de vérifier si tous ses lames s’y trouvaient, malheureusement il en manquait une, celle qu’Aaron lui avait offert pour la féliciter de ses efforts. Pourtant elle ne l’avait pas bougé de place. Contrariée, elle se contraignit pourtant à partir pour ne pas être en retard. En arrivant dans le salon, elle tomba sur M. Gneiss, assis sur le canapé. Laurène ne l’avait pas vu depuis son retour, et il ne semblait pas aller bien. Pas étonnant puisque Mme. Amaro était décédée et qu’elle se trouvait être la personne la plus proche de lui. Le Liée redressa la tête.

– Ah Laurène. Comment vas-tu ? J’espère que tu n’as pas trop pris.

– Oh vous savez, je suis l’élue, je n’ai pas eu des moments faciles mais je sais que je peux m’estimer très chanceuse. Je… Aaron m’a dit pour Mme. Amaro. Je suis désolée pour vous, vous étiez proche… peut-on faire quelques choses pour vous aider ?

– Il n’y a rien à faire… mais je te remercie pour ta sollicitude, Laurène. Malgré tout, elle reste avec nous, même si elle n’est plus là. Au faites tiens, fit-il en lui tendant le poignard. Aaron l’a laissé à l’armurerie et c’est le tien, n’est-ce pas ?

– Oh, merci beaucoup !Il ne m’en a pas parlé.

– Je t’en prie. Allez file !

La Liée le remercia encore une fois avant de s’éloigner d’un pas rapide. Elle caressa la lame en marchant, se demandant ce qui avait pu la conduire à l’armurerie. L’adolescente finit par voir la différence sur le manche. D’ordinaire simple, Aaron avait fait gravé leurs noms à tous les deux, sûrement même avant qu’elle ne revienne au campus. Peut-être dans l’optique de lui offrir à noël qui approchait. Tout sourire, elle finit par rejoindre ses amis alors que Luc était en piste. Clara ne participait pas, devant encore se remettre.

– Qu’est-ce que tu faisais ? Heureusement que ça commence par les Dresseurs. On est que trois, c’est le tirage au sort, la gronda son frère.

– Je cherchai un poignard manquant que M. Gneiss m’a rapporté, déclara Laurène en lançant un regard à Aaron qui faisait semblant d’être concentré sur le duel. Je ne savais pas que tu pouvais être romantique.

– Eh ben t’auras le temps pour le constater, déclara en tournant son visage rougi vers elle. Oh la vache, il est doué quand même. Je ne sais pas comment les ennemis les forment, mais Luc a un niveau supérieur que nos Dresseurs.

– Il a eu une formation plus particulière car ils savaient que Luc faisait partie de la prophétie. Ils ont du lui mener la vie dur.

– Ça se voit dans sa manière de se battre.

Anna s’était améliorée au combat. Même si elle passait les trois premiers duels, elle n’était pas assez bonne pour aller jusqu’au bout. Il en allait de même pour Valentine qui parvint quand même à aller jusqu’en final des Persévérants. Suite au tirage au sort, Aaron fut exempté de premier tour et ce fut les jumeaux qui s’affrontèrent. Laurène se souvint de la fois où elle avait battu Lucas : elle déclenchait le partage.

Lucas c’était amélioré depuis cette fois-là. Il visait mieux. Il frappait plus fort. Il anticipait plus. Il usait du partage. Malgré tout, sans le partage pour renforcer son corps, Laurène neutralisa facilement son jumeau en moins d’une minute, tout en veillant à ne pas le blesser non plus. Il y eut des applaudissements, puis elle aida son frère à se relever.

– Sérieusement, je plains Aaron, blagua-t-il. Comment il va se faire éclater !

– Ne le sous-estime pas non plus. C’est un très bon adversaire. Mais toi là, je te colle à l’entraînement pour le restant de tes jours, répondit Laurène en le raccompagnant. Tu m’entends ?! Je te consigne à l’entraînement, plus rien ne va là !

– Exagère-pas non plus !

– Je n’exagère pas !

Laurène eut le temps de faire une pause pour laisser Aaron s’échauffer. Il avait enlevé sa veste à contrario d’elle. La jeune fille avait confiance, et perdre contre Aaron ne la dérangeait pas de toute manière. C’était Aaron, le Lié le plus puissant du monde.

Le sifflet retentit alors que toute l’attention se focalisa sur eux. Normal, tout le monde connaissait leur niveau. Laurène para le premier coup d’Aaron avant de lui attraper le bras et de le tirer à terre. Évidemment qu’il l’entraîna avec lui, sauf que Laurène ne s’occupa pas de l’impact de la chute. Elle tentait de bloquer les bras d’Aaron mais ce dernier la repoussa pour la plaquer au sol. Cette dernière lui griffa les poignets involontairement en tentant de se dégager, et elle réussit à s’éloigner mais fut surprise par une forte vague d’eau la projetant au sol. Elle eut un rire nerveux et lui lança un regard joueur. Voulait-il vraiment jouer à ça ? Car si c’était le cas, il allait perdre. Deux traînées de feux arrivèrent des deux côtés et encerclèrent le Lié, l’empêchant de s’approcher d’elle. Elle s’assura que les flammes soient assez hautes afin qu’il ne saute pas. D’un coup, par surprise, elle se sentit s’élever du sol : le partage d’air d’Aaron qui l’enfermait dans une tornade. Intelligent. Et cette tornade qui la secoua beaucoup s’arrêta sûrement quand elle perdit sa concentration sur son feu. Laurène tomba lourdement au sol, et sentit ses bras se faire bloquer.

– Perdu, murmura Aaron en approchant son visage de sien.

– Oh… t’as pas mis tes lentilles aujourd’hui. Attention à tes yeux !

Et elle fit apparaître une sphère de lumière suffisamment lumineuse qui l’obligea à fermer les yeux. En deux t’en trois mouvements, il se retrouva plaqué au sol, impossible de bouger. Le coup de siffle final souffla.

– Tu peux ouvrir tes yeux, ne t’inquiète pas, souffla-t-elle à son oreille.

Il referma ses bras sur elle et se leva alors qu’elle s’accrochait à sa lui.

– Je te l’avais dit.

– Quoi ?

– Tu es la plus forte d’entre-nous Laurène, assura Aaron. Et ça fait quoi ? Un an et demi, un peu plus que tu essayes de me battre ? Tu y es arrivée très bien.

– Mmmh… on aura toujours des entraînements, pas vrai ?

– Je m’ennuierais trop de toute façon si je ne peux pas passer ce genre de moment-là avec toi, seul. C’est quoi cette tête ?

– Je vais affronter des Dresseurs et des Persévérants et des Soigneurs… et peut-être Luc du coup, réalisa Laurène en relevant la tête.

– Oui, et tu vas les battre. Personne ne fera le poids face à toi.

Et il eut raison. Laurène ne fit qu’une boucher de ses adversaires et se retrouva en final face à Luc qu’elle battit largement. Elle avait rempli l’objectif qu’on attendait d’elle depuis un an. Un objectif qu’elle avait vite oublié avec toutes ses déviations. Pourtant, Laurène ne se sentit ni soulagée, ni satisfaite. Juste… vide. Totalement vide !

Alors qu’ils rentraient donc dans la salle commune, Laurène aperçut ses parents avec une lettre à la main. Sûrement les résultats. Elle saisit le bras de Luc et celui de Lucas pour les entraîner vers le couple Maguy. Christine tendit l’enveloppe à Luc.

– C’est à toi de l’ouvrir, dit-elle.

– Merci Christine.

Les mains tremblantes, Luc se posa sur une chaise et hésita un moment avant d’ouvrir l’enveloppe. Bien-sûr qu’il voulait savoir, mais le tourbillon de stress et d’émotion le submergeait déjà sans même savoir le résultat. Il n’avait jamais été aussi proche d’une réponse de toute sa vie. Laurène lui insuffla du courage en posant sa main sur son épaule. Il la regarda avant de déchirer doucement l’enveloppe et d’extirper le papier qu’il déplia pour lire les résultats. Luc aurait voulu retenir ses larmes, mais il n’y parvint pas. Il en lâcha la lettre que Laurène passa à ses parents.

Donc c’était ça son histoire.

Un enfant né d’amour de jeunesse, où sa mère avait péri, torturée par ceux qu’il avait crus les siens. Pendant tout ce temps, il avait une petite sœur, un petit frère, un père. Un père. Il sentit une main, celle de Nicolas qui le regardait avec compassion. Il ne pouvait pas totalement comprendre, mais lui aussi avait perdu un fils dans l’histoire en plus de la femme de sa vie. Forcément qu’il n’avait pas pu aller le chercher dans ses conditions trop dangereuses. Luc ne lui en voulait même pas de ne pas avoir essayé. Laurène se décala pour laisser son père approcher, qui prit son fils dans ses bras. Son fils disparut depuis vingt-deux ans. Son fils qu’il croyait mort depuis si longtemps !

– Je… tenta Luc en sanglotant sans savoir quoi prononcer, sans savoir ce qu’il devait dire.

– Ça va aller Luc, assura Nicolas qui se devait de tenir son rôle de père de famille. Tu es en sécurité ici, tu as découvert tes origines, j’ai retrouvé un fils que je pensais sûrement mort à cause des ennemis. C’est une belle conclusion, tu ne trouves pas ?

– Oui, si elle l’est.

Laurène tourna la tête et vit les expressions surprises de ses amies, à contrario d’Aaron qui avait assisté à leur prise de tête. Les jumeaux décidèrent de laisser un peu d’espace à leur père et à leur demi-frère et les rejoignirent. Luc se réfugia dans le salon des Liés alors que Christine laissa Nicolas le suivre.

– Laurène, tu expliques pourquoi ton père prend Luc dans ses bras comme s’ils se connaissaient depuis toujours ? Et pourquoi il pleure aussi ? demanda Valentine.

– C’est une longue histoire, je sais pas si on a le droit de la raconter en entière, commença Lucas en lançant un regard à sa sœur.

– Mais ce qui est sûr, c’est ce que vous voyez là, c’est une retrouvaille de famille, annonça Laurène avec un petit sourire. Luc. Luc est notre grand frère à Lucas et à moi. Il l’a toujours été. On ne savait juste pas qu’il existait.

Les filles se regardèrent surprises, alors que Christine les rejoignit. Ils s’assirent tous ensemble alors que cette dernière commençait à raconter cette histoire, en laissant des détails de côté. La médecin se voyait mal révéler à Clara qu’elle était sortie avec son père plus jeune !

Luc venait juste de s’effondrer sur le canapé du salon des Liés. Effondrer, littéralement. Quand il ne savait rien, il avait juste souhaité que ses parents soient mauvais afin de pouvoir les détester et évacuer cette colère qu’il ressentait depuis toutes ses années. Pourtant, il ne pouvait pas en vouloir à Nicolas. Ce dernier c’était toujours montré sympathique avec lui… presque… presque comme un père !

– Est-ce que je peux m’asseoir ? s’assura le Dresseur en arrivant. Ou tu préfères avoir un moment pour toi ? Je comprendrais, ne t’en fais pas pour ça.

– Non, non, ça ne me dérange pas, s’écrit presque Luc.

Il y avait de l’espoir dans sa voix. Il ne savait pas quel impression il donnait à cet homme, mais une partie de lui souhaitait que son père l’apprécie. Même s’il se doutait qu’il n’était pas l’homme que son père aurait voir grandir.

– Est-ce que… est-ce qu’ils te traitaient bien ? murmura Nicolas à s’asseyant à côté de lui, leurs épaules se touchaient.

– Je… ça dépend qui. Ma famille me traitait bien même si je pouvais sentir un décalage. Les autres enfants… non, n’en parlons même pas, je n’en ai pas envie. La plupart des professeurs m’estimait, cependant ils se montraient intransigeants car le doyen leurs demandaient. Je ne me sentais jamais libre, toujours sous pression, toujours à devoir changer quelques choses pour satisfaire les autres…

– Luc, tu n’as pas à satisfaire les autres, lui promit son père qui encadrait son visage pour le regarder dans les yeux. La seule personne que tu as à satisfaire, c’est toi, seulement toi, d’accord ?

– Même pas toi ? Croassa-t-il.

– Surtout pas moi. Tu es mon fils. Tu es comme tu es, et je te prends comme tu es.

Luc s’agrippa à cet homme qu’il avait tant attendu depuis des années. Tant espéré. Il ne pouvait pas retenir les larmes qui s’échappèrent et les caresses dans son dos le poussèrent à se laisser aller encore plus contre son père.

– Je suis désolé, j’aurais dû essayer de te récupérer. J’aurais dû me ressaisir pour toi.

– Ça n’aurait rien changé, tu le sais, confirma Luc. Tu n’aurais pas pu me retrouver. Et ils ne t’auraient pas laissé me récupérer.

Ils restèrent un moment silencieux dans le salon des Liés. Luc se sentait si fatigué, si épuisé par les émotions. Il laissa sa tête reposée sur l’épaule de son père qui le tenait dans ses bras. Les doigts de Nicolas se perdaient dans la touffe auburn du jeune homme et ça lui rappelait tellement Chlotilde… dès la première fois qu’il avait aperçu Luc, il s’était fait la réflexion à quel point il lui faisait penser à elle !

– Est-ce que tu as besoin de quelque chose ? lui demanda son père sans pour autant se dégager de leur étreinte.

– Je… est-ce que tu penses que tu peux me parler de maman ? J’ai la chance de te retrouver, mais je sais bien que je n’aurais jamais la chance de la rencontrer.

Nicolas ferma les yeux un instant pour se ressaisir. Ça aurait été trop beau si Clotilde avait pu être là. Il ouvrit la bouche mais rien ne sortit, lui même prit par des vieux souvenirs et une vague de tristesse qui remontait. Luc n’insista pas. Il remarquait à quel point cette épreuve avait été éprouvante pour son père.

– Est-ce que tu penses qu’elle aurait été fière de moi ? souffla-t-il.

– Oui, affirma-t-il. Bien évidemment qu’elle aurait été fière de toi. Et moi aussi je le suis.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Starry Sky ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0