LES JARDINS DU PALAIS *** II ***

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GYSKON

Pendant que tout le monde se remettait calmement des événements au palais, Slikof, Kylburt et Binny étaient sur le front, bien décidés à retrouver les trois fugitifs. Tous les trois dans la forêt du village de Gyskon. Ils attendaient patiemment qu'ils se montrent.

— Ce sont des idiots, ils n'ont même pas changé d'endroit. Ils sont toujours logés dans la même auberge.

— Ça nous arrange bien, ça ! s'amusa Binny.

— En attendant, ces trois lumières sont responsables d'un régicide ainsi que d'un assassinat.

— Vous avez raison Kylburt, ne les sous-estimons pas. Ils représentent une réelle menace.

Binny attrapa le bras de Slikof.

— Là ! Le type à la cape noire.

Les deux hommes hochèrent la tête pour indiquer qu'ils l'avaient repéré.

— On fait quoi ?

— Il vient d'entrer dans l'auberge. Il est seul ? demanda Kylburt.

Tous les trois observèrent les environs, mais ne virent personne.

— On dirait bien, confirma l'Adhara.

— C'est une bonne occasion, se réjouit Kylburt.

— Trois contre un, s’amusa-t-elle en tapant dans les mains de Kylburt avec complicité.

— Oui, mais c'est aussi un risque. Il pourrait avertir les autres si nous manquons d'efficacité.

— Ne serait-il pas intéressant de le récupérer vivant ? interrogea Binny.

— Pourquoi faire ? s'impatienta le Maître des Oiseaux.

— L'interroger. Connaitre leurs intentions. Pourquoi ils sont là ?

— Les interroger, c’est croire qu’ils parleront. Mais les garder en vie, c’est leur donner le temps de riposter. Ce genre de type est programmés pour mourir à la première question, nous perdrions notre temps. Pas le temps pour les futilités. Connaissez-vous le liseron des champs, Mlle Ristoc ?

Elle secoua la tête, curieuse.

— C'est une plante apparemment inoffensive. Petite, blanche, délicate... Mais certains l'appellent aussi les boyaux du diable parce qu'elle s'enroule autour des plantations, allant jusqu'à les étouffer. Elle s'imbrique dans les fleurs, plantant ses racines à leur place pour leur subtiliser leur nourriture et leur eau. Si vous ne vous occupez pas du problème à temps, elle envahit votre jardin et tue toutes vos plantes. En d'autres termes, c'est une mauvaise herbe. Et sur ma planète, on éradique les mauvaises herbes.

— C'est ce que l'on appelle, prendre le problème à la racine ! s'exclama Kylburt.

— Exactement.

Sans ajouter un mot, Binny comprit que la cible était condamné. Ils s'avancèrent vers l'auberge, veillant à ne pas être vus. À l'intérieur, ils repérèrent immédiatement l'homme au comptoir.

— Parfait. Il est de dos. Installons-nous, proposa Slikof.

Alors qu'ils prenaient place, Kylburt ne put s'empêcher de donner une légère tape dans le dos de l'inconnu. Ce geste inattendu le mit instantanément en alerte.

— Qui êtes-vous ? s'inquiéta Bogz, se retournant brusquement.

— Personne, mon ami, répondit Slikof en posant une main apaisante sur son épaule.

Il observa les trois s'installer autour de lui, telle une proie prise au piège. Binny se pencha en avant, prenant appui sur le comptoir pour mieux l'observer. Son âme d'Adhara s'éveillait, prête à frapper.

— Nouveau dans la région, hein ? lança-t-elle, un sourire en coin.

— Que me voulez-vous ?

Le regard de Bogz se fit plus menaçant. Slikof approcha son visage du sien, si bien que leurs nez entrèrent quasiment en collision.

— Zoldello est mon jardin. L'entretenir est mon devoir.

Avant que Bogz ne puisse réagir, une lame fine et précise s’enfonça silencieusement dans sa gorge. Le geste était si rapide, si précis, que personne ne sembla le remarquer. Encerclé par Kylburt, Binny et Slikof, le bandit vacilla, puis s’effondra lourdement sur le comptoir, tête la première, comme un ivrogne rattrapé par ses excès. Aucun cri. Aucun sursaut. Juste un homme de plus terrassé par l’alcool.

Le Maître des Oiseaux lança un regard bref à ses deux compagnons : il était temps.

Kylburt s’éloigna calmement vers la sortie, balayant la salle du regard sans éveiller le moindre soupçon. Binny vida d’un trait le verre du défunt, trinquant à sa chute, avant de bondir de sa chaise d’un air faussement joyeux. Slikof, quant à lui, glissa une main experte dans les poches du cadavre, puis s’éclipsa sans un mot, comme s’il n’avait jamais été là.

GYSKON – VILLAGE

Ils passèrent la journée à épier les environs à la recherche des deux dernières capes noires, mais sans succès.

— Ils lui ont peut-être demandé de rester ici pour faire diversion, théorisa Kylburt.

— C'est possible. Mais où sont-ils allés ?

— Vous n'avez pas de nouvelles de vos piafs ? demanda Binny d'un ton enfantin.

Slikof prit la mouche. Il n'appréciait guère le ton familier qu'elle utilisait pour parler de ses agents. Ce qui eut le don d'amuser Kylburt.

— Non. Rien pour l'instant. Par sécurité, j'ai prévenu le Palais. Milo et Birland sont sur le coup.

— Les deux Terriens ? s'étonna Binny.

— Oui. Je leur fais confiance.

Elle se plaça devant lui, penchée vers l'avant comme pour s'adresser à un enfant.

— Vous êtes si gentil, ironisa-t-elle.

— Vous devriez changer de ton avec moi, Mlle Ristoc.

Kylburt s'esclaffa.

— Et alors ? Vous ne les connaissez même pas, ces deux-là. Et vous leur confiez la Reine Régente ? Vous ne buvez même pas les verres que je vous sers sur le vaisseau.

— Je ne fais pas confiance aux Adhara.

— Et pourquoi cela ?

— Vous êtes des prédateurs. Il ne faut jamais tourner le dos à un prédateur. Il faut se méfier et rester en alerte.

Binny éclata de rire et reprit sa marche, trottinant et sifflotant.

— Un prédateur ? Non mais on aura tout entendu, répéta-t-elle en ricanant.

Slikof secoua la tête, les yeux fermés, exaspéré. Son ami lui donna deux tapes dans le dos.

— Allez mon vieux. Détends-toi. Tu n'as rien à craindre d'elle.

— Rien n'est moins sûr.

— Je l'ai vue cueillir une fleur si ça peut te rassurer.

— Je ne suis pas une fleur.

— Ne sois pas si chafouin ! Elle est avec nous. Dans le fond, tu l'aimes bien.

— Quoi ? N'importe quoi !

— Je sais reconnaître un Slikof intrigué. La dernière fois que tu as été si méfiant avec une demoiselle, il me semble qu'elle s'appelait Saranthia.

— Arrête un peu, tu veux...

Kylburt enroula son bras autour de son cou dans un élan de camaraderie.

— Tu n'es méfiant qu'avec ce qui t'intéresse, petite fouine.

Slikof finit par céder, laissant un léger sourire se dessiner sur son visage.

— Vous ne pouvez pas arrêter avec vos préceptes archaïques ? Laisse tes Oiseaux goûter aux plaisirs de la chair au nom du Saint. Tu vas vraiment renoncer à l'amour jusqu'à la fin de tes jours ?

Il lui lança une tape, main à plat, sur la poitrine.

— Le Nid avant tout.

— Un Nid... Sans œuf, c'est bien triste.

Après avoir tout examiné, ils constatèrent que les deux autres assassins n’étaient plus dans les parages. Leur absence du palais n'était plus justifiée. Ils décidèrent donc de rentrer.

PALAIS D’ULTYA - LES JARDINS

Houda profita de l'accalmie de la journée et de la douceur du matin pour flâner dans les jardins. Elle effleurait les plantes qu'elle croisait. L'endroit était magnifique, superbement entretenu. Quelqu'un y mettait manifestement tout son cœur. Les couleurs, les parfums et l'harmonie qui émanaient de ce lieu étaient apaisant. Bien qu'elle fût passionnée par la technologie et qu'elle eût grandi dans de grandes métropoles modernes, l'acier et le béton lui étaient familiers. La nature restait pour elle une source inépuisable de réconfort. C'était une bouffée d'air frais au milieu de ces matières inertes. Alors qu'elle tendait le bras vers une magnifique jacinthe, elle ressentit une froideur dans son dos.

— Pas de bruit, ma belle.

Brizbi s'était collé à elle, une main tenant ce qui semblait être un couteau. L'autre se posa sur sa taille, l'empêchant de bouger. Sa bouche s'approcha de son oreille et lui susurra :

— Si tu l'ouvres, je te plante ma lame dans la colonne.

Houda ne se laissa pas faire et réagit immédiatement.

— Enlevez vos sales pattes !

Brizbi lui saisit le cou et la plaqua un peu plus contre elle, exerçant une pression supplémentaire avec son couteau. Elle la menaça en faisant glisser sa lame sur la joue d'Houda, qu'elle venait de retirer de son dos.

— Fait pas la maline, ma belle. Ce serait dommage d'abîmer ce joli visage.

Elle la bouscula tout en la tenant en respect.

— Suis-moi.

Elle relâcha la jeune femme en la faisant tournoyer, les plaçant face à face. Puis elle lui agrippa le bras pour faire croire à deux amies qui se promenaient dans les jardins

— Puisque tu as l'air d'apprécier les balades champêtres...

— Personne n'est dupe. Votre déguisement de pouilleuse n'y changera rien.

Brizbi ricana discrètement.

— Quoi ? Cela ne me va pas ?

Houda ne prit même pas la peine de répondre, exaspérée par le plaisir que Brizbi semblait tirer de la situation.

— Où allons-nous ?

— C'est une surprise.

— Arrêtez un peu avec votre petit jeu malsain.

À ces mots, Brizbi l'attrapa par les hanches, se plaçant face à elle. Elle s'approcha dangereusement, lui soufflant presque au visage.

— S'il y a bien une chose que j'adore, ma belle, ce sont les petits jeux malsains...

Houda resta figée, le souffle chaud de Brizbi effleurant ses lèvres. Elles demeurèrent ainsi, yeux dans les yeux, pendant une dizaine de secondes, avant que Brizbi ne relâchât enfin sa prise.

— Allez, ne restons pas plus longtemps ici. Je ne peux plus supporter cette planète.

Houda jeta un dernier regard vers le palais avant de disparaître dans la forêt qui bordait les jardins.

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