Chapitre 17 (1) - Une cravate rouge

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Paul avait passé la plus grande partie de la journée à réviser. Il était content de lui, il avait bien avancé dans ses fiches. Lui qui se faisait une montagne de ses futurs examens, il se sentait prêt ou du moins plus assuré. Il ne s’était accordé aucune pause hormis un repas frugal. En fin d’après-midi, il s’était douché, rasé de près et avait repassé ses habits pour la soirée. Il reprit alors sa lecture de Sur la route. Il était fasciné par l'écriture de son auteur, Jack Kérouac, aussi rythmée et libre qu'un morceau de jazz. Une partition improvisée qui allait à cent à l'heure, à l'image de ses personnages qui semblaient vouloir profiter, expérimenter, ressentir chaque instant, chaque pulsation dans leur corps, dans leur esprit, sans en perdre une fraction de seconde pour atteindre l'authenticité de la vie.

Vingt heures déjà. Il n’avait pas vu l’heure passer. Un quart d’heure plus tard, dans un froid glacial, son écharpe remontée jusqu’au nez, il attendait son bus pour rejoindre ses amis, excité à l’idée de faire la fête.

Il sonna à l’interphone de la porte de l’immeuble de Marianne et de Tristan qui, après l’avoir reconnu, déclenchèrent l’ouverture de la porte. Il grimpa tout sourire les deux étages. Sur le palier, Marianne lui sauta dans les bras.

- Paul ! J’ai cru un instant que tu ne viendrais pas. Je suis trop contente que tu sois là !!!

Paul entra dans le salon où déjà plusieurs invités étaient arrivés. En balayant la pièce du regard, il s’aperçut qu’il n’en connaissait aucun, hormis Tristan qui vint à sa rencontre.

- Oh, mais c’est qu’il s’est mit sur son trente et un ce soir ! Viens là que je t’embrasse. Tu m’as manqué tu sais.

Il lui prit la bouteille et le remercia chaleureusement en découvrant l'étiquette.

Paul était habillé en noir de la tête aux pieds et avait osé mettre une cravate satinée rouge qui donnait une touche, l’espérait-il, assez classieuse à sa tenue.

- Les amis je vous présente Paul...et oui il existe vraiment, on ne vous avait pas menti ! annonça Marianne à la cantonade.

Paul la fusilla du regard avec amusement. Sur le canapé, était confortablement installé un couple d’étudiants qui s’embrassait. Ils le saluèrent et retournèrent à leur baiser. Dans un vieux fauteuil élimé, une jeune fille. Une blonde, aux cheveux longs réunis en une longue tresse, à la silhouette fine et gracieuse, dont le visage lui était familier. Chemisier échancré, jupe étroite qui lui descendait jusqu’aux genoux, collants unis et chaussures à talons. Elle croisait les jambes et tenait une flûte de champagne dans une main tandis qu’elle ajustait avec l’autre son pendentif en forme de losange émeraude. Il se pencha pour lui faire la bise.

- Zofia, je te présente Paul, mon ami de lycée.

Elle le félicita timidement pour le choix de sa cravate. Paul remarqua dans sa voix son accent étranger. Il la remercia, un peu embarrassé et la complimenta à son tour pour la beauté de son bijou. Il détourna aussitôt son regard vers deux garçons aux cheveux longs, assis par terre, sur un tapis à carreaux, en train de choisir de la musique pour la soirée. Ils se retournèrent pour lui tendre la main.

- Aaah! le fameux Paul qui se cache ! dirent-ils en cœur avant de replonger dans leur sélection.

Marianne l’attrapa par le bras pour l’emmener directement dans la cuisine en refermant la porte.

- Mais vous vous êtes fait tout beau jeune homme, que me vaut cet honneur ? Tu m’as l’air rayonnant dis-moi. Ça va mieux ton nez ? Oh Paul, ça fait trop longtemps que l’on ne s’est pas vu. Qu’est-ce que tu racontes, dis-moi tout !

Elle s’accrocha à son cou. Paul leva les yeux au plafond.

- Chère demoiselle, vous êtes resplendissante vous aussi. Ce petit chignon et ce rouge à lèvres vous vont à ravir. Si je me suis fait beau ce soir, c’est spécialement pour vous. Mon nez va mieux, je vous remercie. En revanche, je n’ai rien à vous raconter madame-je-veux-tout-savoir !

Il essaya d’échapper aux bras de Marianne qui resserrait son emprise.

- Ah mais vous n’allez pas vous en tirer à si bon compte...et dans votre regard je vois que vous êtes un vilain cachottier, minauda-t-elle.

Il secoua la tête pour lui signifier qu'il n'avait rien à se reprocher et déposa un baiser sur sa joue.

- Moi vous cacher quelque chose ? Comment oserais-je et surtout, comment le pourrais-je ?

Des cris de joie de l’autre côté de la porte. Des “vous voilà enfin”, “déposez vos affaires”, “vous voulez boire quelques chose ?”

- Monsieur, sachez que je ne vous lâcherais pas tant que vous ne m’aurez pas tout dit” insista-t-elle.

A ce moment là, la porte s’ouvrit en grand. Tristan, les mains pleines de bouteilles.

- Ravitaillement, nous voilà !!! Oups, conspiration dans la cuisine! Mais continuez continuez, je ne fais que passer…

Paul en profita pour échapper aux bras de Marianne et attrappa au vol une bouteille des mains de Tristan.

- Premier prélèvement de la soirée ! Je me dévoue pour la goûter et vous dire si elle est empoisonnée ou non !

- Que la fête commence ! s’écria Tristan qui posa les autres bouteilles sur la table et suivit Paul, les mains accrochées à ses épaules.

- Vous ne vous en tirerez pas comme ça mon ami, je n’ai pas dit mon dernier mot ! lança Marianne qui voyait le doigt de Paul lui dire non.

La pièce était tout à coup bondée. Une vingtaine de personnes au moins. La table du salon et les chaises poussées contre le mur. Une piste de danse sur laquelle les invités se déchaînaient sur Marcia Baila. Paul ouvrit la bouteille, servit plusieurs verres et alla rejoindre Tristan qui se déhanchait sur la musique en levant les bras. Après avoir dansé sur plusieurs morceaux et s'être servi un troisième verre, Paul finit par se décider à inviter la jeune fille blonde à danser.

- Tu passes une bonne soirée ? lui dit-il dans le creux de l’oreille alors qu'il l’enlaçait sur un morceau plus calme.

- Oh oui, vous aussi ? Vous êtes le meilleur ami de Tristan, c’est bien ça ? Marianne m’a beaucoup parlé de vous” dit-elle de sa voix douce et timide.

- Oh oh... j’imagine, mais je ne suis pas celui que tu crois, elle a dû te raconter n’importe quoi, répondit-il d’un clin d’œil.

Sourire de la jeune fille.

- Marianne m’a dit que vous étudiiez l’histoire et que vous habitiez un petit appartement tout seul, dit-elle avec quelques hésitations dans le choix de ses mots.

- Et bien, je ne peux plus rien te cacher, alors. Oui je suis très heureux d’être à la faculté et les cours sont très intéressants mais je ne pensais pas qu’il y avait autant de travail. Et toi ?

- Je vais à des cours avec Marianne et Tristan. Mais c’est encore parfois difficile pour moi de tout comprendre. Comme vous pouvez constater, mon français n’est pas encore parfaitement correct. Je suis arrivée en France au début de l’année, je voulais rejoindre ma sœur qui habite ici depuis quelques années déjà. En Russie, j’ai étudié beaucoup le français mais ici vous parlez vite.

Il n’en revenait pas. Il était en train de danser avec la sœur de Barbara ! Il la félicita pour son français. A sa place, il serait incapable d’avoir un aussi bon niveau de langue aussi vite. Elle le remercia, rougissant du compliment. Ils dansèrent jusqu’à la fin du morceau avant de se remercier mutuellement et de se séparer.

La chaleur était montée dans la pièce. La fête battait son plein. Paul accorda une danse à Marianne, bientôt rejoint par Tristan. Ils formèrent une ronde à trois, épaule contre épaule, tête contre tête.

- Qu’est ce que ça fait du bien de se retrouver tous les trois, s’exclama Marianne.

Ils se regardèrent dans les yeux et se mirent à rire comme des fous, sans pouvoir s’arrêter.

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