Chapitre 16 (2) - Bienvenue à Saint-Pétersbourg

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Lorsqu'il monta l'escalier, entre aperçu le soir de sa rencontre avec Tom, Paul eut un pincement au cœur. Barbara le précéda et le fit entrer dans une pièce conforme à ce qu'il avait imaginé. Elle était mansardée et chaleureuse. Barbara prit son bonnet et le débarrassa de son manteau. Une odeur épicée de soupe parfumait la petite pièce. La lucarne y formait une charmante ouverture. Paul regardait la rue.

— D’ici, on voit très bien l’amphithéâtre de l’université, surtout les soirs d’hiver, quand il est éclairé.

— Ah oui, c’est vrai… Mais je crois bien que c'est celui où j'ai une grosse partie de mes cours” dit-il sur un ton faussement détaché.

— Tu vas me prendre pour une fille bien curieuse mais il m'arrive parfois de regarder les étudiants. Je vois ceux qui s’ennuient? dit-elle avec un sous-entendu équivoque en clignant de l'œil.

Paul s’écarta de la lucarne, gêné, ne sachant pas si elle était sérieuse ou non.

Tous les deux se réchauffèrent les mains, posées chacunes sur des bols en céramique. Ils humèrent alors l’odeur de la soupe épaisse que Barbara venait de leur servir.

— Attends un peu avant de la goûter, c’est encore très chaud. J’espère que tu aimes le bortsch..

Paul n’en avait jamais mangé. Il ne savait même pas de quoi ce plat était composé. Les yeux allongés de Barbara s’ouvrirent de joie. Il y avait autant de recettes de Bortsch que de Russes! Une base de boeuf, de chou et de betterave, à laquelle on pouvait ajouter au choix des carottes, des poireaux, des navets ou bien encore des pommes de terre. Elle regretta de n’avoir pas pensé à y ajouter des champignons cette fois-ci. Mais elle était satisfaite du résultat, après avoir goûté une première cuillère.

— Bienvenue à Saint-Petersbourg le temps d’un repas! Et sinon, laisse moi te demander, tu vas souvent boire un verre au Petit Marcel ? Je n’y t'ai jamais vu.

— Non, c’était la première fois... répondit-il réservé.

— Oh sorry Paul, je ne voulais pas te rappeler ton agression. Ça n'est jamais arrivé un évènement pareil. Les clients de ce café sont des habitants du quartier, des habitués et des étudiants. Il y a des Erasmus aussi, avec qui j'ai sympathisé. Il faudra que je te présente ma copine Maggie à qui je donne des leçons de russe. Elle est un peu spéciale mais on rit beaucoup. Le Petit Marcel est l’endroit idéal pour refaire le monde dans un esprit bon enfant. C’est comme ça qu’on dit en français “bon enfant” ?

Paul opina du chef.

— Lorsque je suis arrivée en France, j’avais vingt ans, il y a plus de trois ans déjà. Mon père est diplomate en Angleterre. Alors imagine toi que pour l'anglais, j'avais intérêt dès petite à bien le parler car sinon, mon père, il est très sévère. Mais apprendre le français, c'est une langue plus difficile pour moi. Alors je sais, on me le dit souvent, la russe qui roule les "r" en parlant un anglais-français original.

Paul eut un petit rire nerveux.

— J'ai découvert ce café par hasard. J’y ai rencontré des gens formidables, avec le cœur sur la main, qui n’ont pas hésité à venir me proposer leur aide pour m’installer. Je me suis vite sentie bien alors que j’avais le mal du pays. Ici, je t’assure Paul, tu rencontreras des personnes ouvertes d’esprit, tolérantes avec qui tu peux vraiment discuter et échanger. Alors, tu vois, je suis vraiment triste de ce qui t’es arrivé l’autre soir. Le Petit Marcel, c’est comme ma seconde famille. J’y ai aussi rencontré celui qui est devenu mon meilleur ami, Rickie. J’étais avec lui le soir où tu t’es fait agresser. C’est lui, Lucas et ton ami qui ont pris soin de toi quand tu as perdu les esprits… Heu, pardon désolé, je ne sais plus comment vous dites… Ah oui ! Quand tu as perdu connaissance sur le banc...

Rickie ? Encore lui ! Une foule de sentiments se bousculait, de nouveau dans sa tête. Un frisson de peur. Il n’aurait jamais dû accepter cette invitation.

— En ce moment sa vie est compliquée… Je parle, je parle et je ne te laisse pas dire un seul mot. Excuse-moi, again, mais je crois que j’ai pris l’habitude de beaucoup parler comme vous les français. Non je plaisante, je suis comme ça depuis toute petite…, dit Barbara, confuse et amusée à la fois.

Paul réussit à sourire comme si de rien n'était devant la sincérité de la jeune femme.

— Non pas du tout Barbara, je t’en prie. Merci pour cette soupe, elle est vraiment délicieuse. Je veux bien te croire quand tu me dis que les gens qui fréquentent le Petit Marcel sont de belles personnes. Je venais d’en rencontrer une justement.... Enfin je croyais. Je ne sais plus...

Barbara fut émue de son regard troublé. Elle en profita pour lui proposer d’aller y faire un saut justement, histoire de ne pas rester sur une mauvaise impression. Paul hésita. N’était-il pas sur le point de retourner dans la gueule du loup ? Et si au contraire c’était un prétexte, tout simplement pour remercier Lucas ?

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