Chapitre 18 (2) - Vis ta vie et profite !

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Il s’excusa et se leva pour aller aux toilettes. Après avoir soulagé sa vessie qui était à la limite d'exploser, il se passa de l'eau sur le visage et se regarda dans le miroir. Il y vit un jeune homme, en sueur, les yeux pétillants malgré la fatigue, étonnamment souriant. D'un beau et grand sourire honnête et naturel. La porte derrière lui claqua. Un homme à la carrure massive entra en trombe, la main déjà en train de baisser la braguette de son pantalon en direction des urinoirs. Il émit un soupir de bien-être. Il finit par se retourner vers Paul, qui surpris par son sourire ambigu, en profita pour remettre un pan de sa chemise dans son pantalon et ajuster sa cravate. Il rêve ou quoi celui-là ? rougit-il en baissant la tête avant de sortir sans plus tarder. Il passa devant le bar et tomba sur Rickie, affalé sur un tabouret. La queue de cheval défaite, l’air perdu, il faisait tourner un sous-bock sur le plateau en marbre du comptoir. Il lui fit signe de le rejoindre. D'un geste naturel, il replaça une de ses mèches de cheveux derrière son oreille percée, ce qui fit ressortir le charme des traits fins de son visage.

- Viens t’asseoir deux minutes avec moi, je te paye un verre.

Paul aperçut ses yeux tristes et fatigués.

- Deux Marie Brizard s’il te plait Lucas ! Allez Paul, on va trinquer.

Les deux verres aussitôt servis, il enchaîna :

- Une fois n’est pas coutume, je lève mon verre à mon connard de père! Qu’il aille se faire foutre !

Paul le regarda gêné, leva son verre à son tour, hocha la tête et but une gorgée. On ne perd rien à hocher la tête se dit-il pour lui-même.

- Désolé Paul, mais tu sais pas qui c’est! Pourtant tout le monde le connaît, ici. C’est le grand et respectable directeur des Grandes galeries de la ville. Mais tu rates rien promis. Incapable de prendre le temps pour son fils et de tenir la moindre promesse.

Paul continua à hocher la tête parce qu'il lui semblait que Rickie avait envie de poursuivre et surtout d'être écouté. Il porta de nouveau son verre à ses lèvres.

- Tu vas voir, un jour, quand je lui dirais ses quatre vérités, il fera moins le malin. Mais bon, je t’ai pas invité à venir boire avec moi pour entendre mes jérémiades. Parlons plutôt de toi. Tom. Dis-moi tout. Comment vous êtes-vous rencontrés ? attaqua-t-il sans détour.

Paul regarda autour de lui cherchant une excuse pour éviter le sujet. Comme si à cet instant précis, les personnes autour d'eux se retournaient pour assister à la révélation d'un secret honteux. Après une ultime réticence, Paul finit par lui raconter l’histoire du gant égaré et l'invitation de Tom au Petit Marcel. Rickie frappa de sa main le bar.

- C’est pas vrai! Tu ne vas pas me faire avaler que c’était votre premier rencard ! Je ne te crois pas. Tu l’avais jamais vu auparavant ? Pourtant, à vous regarder, on aurait dit…, dit-il revigoré, levant impatiemment son verre comme pour l'inciter à son tour à poursuivre son récit sans plus attendre.

Paul rougit et ne sut pas quoi rajouter. Il préféra lui poser une question à la place.

- Vous vous connaissez bien tous les deux ?

- Je vois, tu fais ton timide. Ne t'inquiète pas, j'arrête là mes indiscrétions. Pour répondre à ta question, oui bien, très bien même, depuis plus d’un an et demi. On s’est rencontrés au vernissage d’une exposition de photographies et on s’est pas mal fréquentés à l’époque...Mais c’est du passé tout ça. Je m’arrête là, parce que sinon je ne vais pas tenir ma langue. Quand je commence à boire, je deviens un peu trop triste aux dires de certains…, dit-il avec un peu de nostalgie dans sa voix.

Il posa son verre, attrapa la tête de Paul et l’embrassa sur le front. Paul n’eut pas le temps d'esquiver. Décidément, depuis qu’il était arrivé, deux garçons l’avaient embrassés. Fallait-il s’en offusquer ?

- Écoute Paul, je suis content que Tom ai rencontré quelqu’un comme toi. Et dire que j’ai essayé de te draguer en t’offrant un verre ! J’avais aucune chance. Alors oublions ça si tu veux bien. Je te connais pas mais en te regardant bien dans les yeux, on voit que t’es honnête. Et crois-moi je sais de quoi je parle. Le Petit Marcel, c’est l’auberge espagnole. Il y a des gens formidables, tu as pu t’en rendre compte, à notre table par exemple. Mais il y a aussi des personnes qu'il est préférable d’éviter. Jalousies, mesquineries, ragots et autres, c’est pas ça qui manque ici. Un conseil, vis ta vie et profite ! lâcha-t-il sur un ton affectueux.

Paul le remercia. Il ne réalisait pas. Tout se bousculait dans sa tête. Mais ça, il commençait à avoir l'habitude depuis sa première soirée dans ce café. Où était-il tombé en mettant les pieds au Petit Marcel ? Qui étaient tous ces gens si pleins de vie, si libérés dans leurs paroles, qui se contrefichaient du qu’en-dira-t-on ? Si différents des gens qu’il fréquentait.

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