4 - TROUBLE

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  • Le livre est tombé tout seul.
  • C'est impossible.
  • Il devait être en équilibre et une légère vibration l'a fait basculer.
  • Je l'avais bien bloqué.
  • En tout cas, il est tombé. Je l'ai ramassé et je l'ai ouvert comme n'importe qui l'aurait fait. Je te demande maintenant des explications.
  • Je suis certain que tu as fouillé pour le trouver.
  • Mais on s'en fiche ! L'important, c'est le contenu du livre. Un livre que tu as annoté donc lu donc apprécié. Un livre qui va à l'encontre de notre façon de vivre ici.
  • ça s'appelle la liberté de penser. J'ai le droit de lire des livres qui ne vont pas dans le sens de notre communauté pour me cultiver, pour confronter mes convictions au monde réel, pour connaitre l'avis des autres.
  • Tu as annoté ce livre !
  • Je n'ai pas à me justifier.
  • Tu y es contraint. Nous vivons tous selon les mêmes principes. Si cela ne te convient pas, tu es libre de partir.
  • Je sais et je suis toujours ici. Je ne fais que me cultiver et ouvrir mon esprit.
  • Un capitaliste pur et dur !
  • Un homme qui s'est fait tout seul.
  • En écrasant les autres et en faisant de l'argent le nerf de la guerre !
  • Tu devrais lire ce livre. Les gens ne sont pas toujours ce dont ils ont l'air. Son parcours est bien plus difficile que tu ne le penses et bien moins diabolique aussi.
  • Tu l'as apprécié, tu avoues.
  • Non. J'ai appris des choses sur le monde de la finance mais aussi sur la façon dont il a atteint le sommet. Il s'est donné les moyens de réussir, non pas en écrasant les gens comme tu dis, mais en acquérant des connaissances dans le domaine des bitcoins. Il a passé de longues heures sur internet à lire des dizaines d'articles sur le sujet, à suivre des conférences en ligne de professeurs émérites de différentes universités et s'est fait embaucher dans plusieurs grosses boîtes pour appliquer la théorie à la pratique. Il s'est fabriqué une expérience intellectuelle et pratique qui lui a permis de trouver les failles du système actuel, de proposer des palliatifs et d'ouvrir sa propre boîte qui a explosé. Oui, c'est superficiel pour les gens qui pensent comme nous parce que c'est un capitaliste. Il a fait tout ceci pour sa propre réussite. Je ne veux pas sa vie et son argent. Je dis juste qu'il s'est donné les moyens pour arriver là où il voulait être. Tout le monde peut s'inspirer de son expérience quel que soit le but poursuivi ... Quoi ? Tu vas bouder ?
  • Je parlerai de ce livre aux autres.
  • Tu peux le faire. Peut-être serais-tu surpris de voir que d'autres personnes ont des livres que tu n'apprécierais pas chez eux. Notre maison est notre univers privé ; personne ne peut s'y immiscer.
  • Nous vivons selon certains principes.
  • Dont la dictature ne fait pas partie. Tu ne lis pas parce que tu n'aimes pas la lecture. Soit. Je lis parce que je préfère ça à la radio ou à la télévision. Chacun se détend comme il veut. Pour arriver ici, tu as dû te documenter sur une autre façon de vivre. Tu n'es pas né antimondialiste.
  • C'est ton argument. Nous verrons comment les autres réagiront.
  • Pourquoi tu fais ça ? Nous ne sommes pas contraints de tout partager. Nous pouvons garder pour nous certaines choses que les gens, que nous aimons, nous confient.
  • C'est vrai. Alors promets-moi que tu ne vas pas continuer à lire ce type de livres. Cela peut te porter préjudice et cela va te troubler.
  • La connaissance ne trouble jamais les esprits. Tu ne peux pas m'obliger à ne pas lire certaines choses.
  • Je te demande juste de ne pas en avoir chez toi. Tu peux te rendre dans une bibliothèque quand tu veux.
  • Et si je refuse ?
  • Je ne te menace pas. Je te donne un conseil.

Il attendit une réponse mais voyant que son interlocuteur n'avait pas l'intention d'ajouter un mot, il sortit de la maison. Agacé parce qu'il pensait qu'il n'arriverait pas à le convaincre qu'il avait commis une erreur. Agacé parce qu'il savait que chacun avait le droit de faire ce qu'il voulait chez lui et agacé de cet état de fait. Ce n'était pas une violation de la vie privée qu'il demandait mais simplement une cohérence entre la vie privée et la vie publique. Il trouvait que leur communauté s'était un peu encroûtée dans un mode de vie sain et social, oubliant que leur volonté première était de changer les mentalités et le monde.

Combien d'autres membres cachaient ce type de livres tendandieux chez eux ? Cette pensée avait le don de le mettre hors de lui. Il n'était pas venu vivre ici pour se "mettre au vert" mais pour mener une lutte idéologique. Il fallait qu'il réfléchisse à ce qu'il allait faire pour secouer leurs consciences.

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