Chapitre XI : Rébellion

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La cage cessa à nouveau de bouger. Travers en souleva le tissu et en ouvrit la porte. Nuo, Hângä, Tïashu, Karü et Shino en descendirent et regardèrent autour d’eux. Ils étaient dans une immense ville souterraine éclairée par de nombreuses lanternes accrochées aux parois. Tïashu pris la main d’Hângä. Karü et Shino se blottirent l’un contre l’autre ; Travers les salua, les yeux humides et rouges.

- Je suis désolé, Travers…vraiment…

- Nous l’avons vengé. Son assassin est mort. Shino l’a tué.

- Merci…je m’y attendais, à sa…à sa mort…

- On t’amènera la voir, si tu es d’accord…

- Non. Cela voudrait dire qu’à mes yeux elle est morte. Même si je sais que c’est le cas, que rien ne la ramènera, je ne veux pas me le confirmer.

Shino s’excusa à nouveau puis Travers pris la tête du convoie. Sur la route qu’ils empruntaient, la populace les dévisageait d’un air distant, apeuré ou encore méfiant. Travers guida le petit groupe dans la bâtisse la plus petite de la caverne. Il les fit entrer et les y laissa. Leurs yeux mirent un certain temps à s’habituer à l’obscurité ambiante. Il y faisait horriblement froid, et le sol était couvert d’une épaisse couche de tissu. Le petit groupe se laissa tomber sur le sol, frigorifié et intrigués.

Tïashu ferma les yeux et s’endormit sur les genoux d’Hângä. Nuo lui sourit. Karü, s’adressant à sa sœur d’un ton railleur ricana :

- Alors, tu l’adoptes « maman Hângä » ?

- Tais-toi, toi. Je te signal qu’elle t’appel papa, au cas où t’ai oublié !

- …hum…c’est vrai, ouais…mouais.

- Quand tout sera fini, où va-t-elle aller ? demanda Nuo.

- Tu penses vraiment que tout va se finir ? Je n’y crois pas trop, moi… répliqua Karü.

- Et si cela finissait ? Où irait-elle, la petite ? repris Nuo.

- Vous pourriez l’adopter ? proposa Shino.

- Pourquoi pas vous ? contra Hângä.

- On est encore jeune et… commença Karü.

- Donc nous on est vieille ? ricana Nuo.

- Nan mais… repris Shino.

- Je rigole. En vrai, ça me va, moi, de l’adopter. Mais elle a peut-être encore des parents qui la cherchent dans ce monde de fous…

- Des parents qui l’ont abandonnée, livrée à elle seule, presque sans nourriture…donc non, pas de bons parents. répliqua Shino.

- Et ils sont peut-être morts, à présent… murmura Hângä.

Il y eu un silence, puis Tïashu marmonna dans son sommeil :

- Ma…man…pa…pa ?

Son œil gauche commençait à saigner. Shino réagit en la prenant à son tour sur ses genoux, il la regarda, puis regarda Nuo, Hângä et Karü :

- Elle a une vision…

- C’est possible, ça ? Pourtant, elle n’a pas de marque, et si c’était une Mage, on ne le saurait qu’à ses neuf ans…

- Je t’assure qu’elle a une vision.

- Papa ? M…maman ? P…pourquoi ? murmura Tïashu.

- Il faut la réveiller ! s’exclama Hângä.

- Surtout pas ! répliqua Karü. Si tu fais ça, elle pourrait mourir !

- Mais ça se voit qu’elle souffre ! s’alarma Hângä.

- Ça a été pareil pour moi… répliquèrent Karü et Shino d’une même voix.

- Mais…

- C’est normal. Son pouvoir s’éveil. Regarde, elle se calme.

En effet, Tïashu avait cessé de parler, elle dormait paisiblement, à présent. Hângä tendit un morceau de tissu immaculé à Shino qui essuya avec douceur l’œil gauche de la jeune fille. Nuo la prit ensuite sur ses genoux.

Karü et Shino s’écartèrent un peu.

- En vrai, ça m’irait bien, de l’avoir pour fille… murmura Shino.

- Cette gamine ?

- On serait pères…toi, moi…nous.

- Avec un pot de colle ambulant. rappela Karü.

- T’as pas envie ?

- Pas à mon âge. J’ai que quinze ans, toi pas encore, on verra plus tard.

- Et sans parler d’âge ?

- La guerre ne finira pas tant que mon oncle sera encore en vie.

- Et sans parler de la guerre ?

- On n’a pas l’âge.

- Et sans parler de l’âge et de la guerre ? insista Shino.

- Ce sera à toi de décider. Je me plierais à tes désirs, Saîovôuntï de Caski ! répliqua Karü en s’inclinant.

- Abruti… soupira Shino.

- Abruti un jour, abruti toujours ! ricana Karü.

- N’importe quoi…

- Je suis peut-être le gars le plus abruti du monde, mais…

- Mais tu es mon abruti à moi

- C’est pas ce que je voulais dire, mais ça me va. Je suis ton abruti à toi.

Karü l’attira vers lui par la taille. Shino lui remis une mèche derrière l’oreille, l’embrassa puis murmura :

- Ça te va bien les cheveux longs…

- Je les ai depuis le début, tu sais ?

- Je sais, mais je ne te l’ai jamais dit.

- J’adore ton œil droit… soupira Karü.

- Ça, par contre, toi, tu l’as déjà dit.

- Je sais. Mais pas assez ! répliqua son amant.

- Tu l’adores vraiment, ou c’est juste pour me rassurer ? marmonna Shino.

- Shino. Est-ce que je t’ai déjà mentit en te faisant un compliment ?

- Non. Mais…

- Il est magnifique. J’y vois le reflet de l’amour que tu me porte, j’y vois tous ces moments qu’on a passés ensemble, mais…mais je t’y vois douter, détruit, et ça se répercute sur moi. Alors arrête de douter, Shino. Ou parle m’en, mais il faut que tu me fasses confiance, d’accord ?

- Je te fais confiance, Karü ! répliqua Shino.

- Oui, mais tu ne me dis pas tout.

- Parce que je ne sais pas…je ne sais pas comment formuler mes peurs…

Shino baissa la tête, honteux. Karü le prit par le menton et lui dit :

- Eh. Regarde-moi. Tu sais, c’est normal d’avoir peur, c’est humain. Tu crois que moi je n’ai jamais peur ? J’ai constamment peur qu’il t’arrive quelque chose ; peur que tu sois blessé, que tu meurs. J’ai peur de moi, aussi. Peur de ce que je pourrais te faire. Peur de tout ce qui m’entoure et, parfois, j’ai honte de le dire, mais j’ai peur de…toi.

- De moi ?

- De ce que tu pourrais te faire par ma faute.

- Jamais je ne me ferais mal par ta faute !

- Je sais. Mais j’ai peur. Et parfois, la peur peut être complexe à exprimer.

- Je m’en veux, pour Lina…

- Tu n’as pas à t’en vouloir. S’il y a un fautif, c’est le soldat de Netu, c’est les membres de l’Alliance.

- Je m'en veux quand même...j'amême...j'ai l impression de l avoir tuée...

- N'iN'importe quoi!!!

Je t’aime tellement, Karü…je t’aime tellement…

- Moi aussi je t’aime, Shino. Je t’adore, je t’admire. Je veux te glorifier…te mettre sur un piédestal, te…

- Parfois tu me fais peur, Karü.

- Que…

Shino l’embrassa, puis effleura doucement la joue de Karü avec sa main. Le Saîovôuntï d’Ohfsha baisa le front de son soupirant puis le prit par la main et le ramena vers Nuo, Hângä et Tïashu.

La sœur de Karü somnolait, adossée à Nuo qui portait sur ses genoux la petite fille qu’était Tïashu. Karü et Shino sourirent à cette vue et s’assirent côte à côte sur le sol couvert de tissus. Une ombre passa près d’eux, puis vint se poser au centre de la pièce. L’ombre alluma une lanterne qu’elle accrocha au plafond.

- Enchantée ! s’exclama l’inconnue.

Nuo, Hângä, Karü, Shino et Tïashu s’étaient levés, la petit somnolait. La femme qui venait de parler devait avoir environ trente ans, soit l’âge de Travers. Elle avait les cheveux bleu clair, les yeux verts, la peau pâle et, sur sa joue droite, elle avait une marque violette en forme d’étoile, celle de l’Empire d’Arane. Elle semblait surexcitée.

- J’ai beaucoup entendu parler de vous ! Gustave…enfin, Travers, m’a beaucoup parlé de toi, Shino !

- Euh…d’accord…

- Ah ! Je ne me suis pas présentée ! Je m’appelle Scurius ! Et vous trois, vous êtes… ? demanda-t-elle en s’adressant aux trois jeunes filles.

- Moi, c’est Tïashu ! Elle c’est maman Hângä et elle c’est maman Nuo ! Elles sont ensemble comme papa Karü et grand frère Shino mais c’est momosexuel et les méchants ils aiment pas !

- Euh…d’accord, très bien… répondit Scurius, dubitative.

Shino sourit et prit la main de Karü. Tïashu n’avait pas parlé de sa vision, et cela inquiétait le Saîovôuntï de Caski.

- Pourquoi nous avez-vous fait venir d’une façon si peu…courtoise ? demanda Hângä.

- Nous organisons une rébellion. Nous voulons faire tomber l’Alliance. En soit, les deux chefs de l’Alliance sont les Empereurs d’Ohfsha et du Sioux. C’est eux qui ont donné l’idée de cette guerre, les autres n’ont fait que suivre ; ici, nous sommes des déserteurs de l’Alliance, des habitants de Pauyô, ou bien, comme moi un parent proche d’une famille d’Empereur ayant fugué.

- Vous êtes la sœur d’Isabelle ?

- Hein ? Fréïa soit louée, non ! Isabelle est ma cousine. C’est une traînée ! Elle n’est même pas l’héritière légitime du trône ! Son père la littéralement léguée à l’Empereur après sa mort ! Je suis la véritable Saîovôuntï d’Arane ! Simplement…mon père m’a laissé le choix sur mon futur ! Soit j’étais son héritière, soit je ne l’étais pas, et ce sans autres conditions ! Il m’a toujours laissé le choix ! Et je suis ici par choix !

- Ah bon… marmonna Karü, mal à l’aise.

- Et sinon, qu’attendez-vous de nous ? demanda Nuo.

- Que vous nous veniez en aide, pardi ! Bon, pour la petite, ce sera plus compliqué, mais vous, vous pouvez prendre les armes ! Et défendre le Pays Libre ! s’exclama Scurius.

Elle les regardait avec ses yeux brillants, espérant avoir fait son office de façon correct mais Karü railla :

- Pourquoi nous ? Nous n’avons même pas vingt ans !

- Mais…v…votre pouvoir est influant ! Shino est le Saîovôuntï de Caski, toi d’Ohfsha ! Si vous vous imposez contre vos paires, en sachant que vous êtes leurs seuls successeurs, nous pourrions gagner !

- Je refuse de parler à mon oncle ! pesta Karü.

- Je ne vous demande pas de leur parler, mais de les affronter ! répliqua Scurius. Je vous laisse méditer !

Elle quitta la pièce. Travers entra.

- Désolé, pour Scurius. Elle est…expressive.

- Si nous acceptons, que va-t-il advenir de nous ? demanda Shino, inquiet.

- Vous rejoindrez nos rangs. Quant à la petite…

- J’m’appelle Tïashu !

- Quant à Tïashu, elle restera ici.

- Mais j’veux voir les dragons ! pleurnicha la jeune fille.

- Hein ?

- Laisse. répliqua Nuo.

- Je ne me suis pas présenté à vous, je crois ? Je m’appel Gustave, Gustave Travers, ex Général de Caski.

- Moi, c’est Nuo. Et la bombe que tu vois là c’est Hângä, la sœur de Karü.

- La bombe, carrément ?! ricana Hângä.

- Bah ouais ! répliqua Nuo.

- D’accord. Et votre…condition ?

- On est ensemble. répondit Hângä.

- Bon. Mettez vous à l’aise, je reviens, j’ai quelque chose à voir avec Scurius.

Travers quitta la pièce. Hângä se tourna vers Nuo :

- Une bombe, hein ?

- Oui…ouais…une bombe…un feu d’artifice…un canon…un…

Hângä l’embrassa. Tïashu s’adressa à Shino :

- J’ai peur ; j’ai fait un rêve qui fait peur.

Le groupe se tourna vers elle. La jeune fille attrapa la manche de Shino et, ouvrant grands les yeux, elle reprit :

- Mon papa et ma maman sont mourut par du feu bleu. Mais c’est pas un dragon. C’est un méchant qui a fait un feu bleu.

- Tu sais où c’était ? demanda Shino.

- Je…euh…je sais pas…

- Tu connaissais cet endroit ?

- Non.

- Tu te rappels d’autre choses ? murmura doucement Karü.

- J’ai vu un crâne, et…euh…comment ça s’appelle déjà ? Ah oui ! Un Empereur !

- De quel Empire ? insista Karü.

- Je sais pas.

- Il avait quoi comme marque sur la joue ? reformula Shino.

- Comme papa Karü !

- Le dictateur… murmurèrent Hângä et son frère d’une même voix.

- Et…il faisait quoi ? reprit Karü.

- Il lançait des boules de feu sur ici.

- Ici ?

- Pauyô.

- Merde…

Tïashu sautilla joyeusement vers Nuo qui la prit dans ses bras pour laisser ses coéquipiers discuter.

- On ne doit pas lui dire que ce qu’elle a vu est vrai, elle est trop jeune. Mais le fait qu’elle est vu le dictateur m’inquiète. Surtout qu’elle l’a vu attaquer Pauyô… marmonna Hângä.

- Et sinon, pour la rébellion…on fait quoi ? demanda Shino.

- Moi je suis pour qu’on participe à la libération de Pauyô. répliqua Karü.

- On ne gagnera jamais… murmura Hângä.

- Qu’est-ce que tu racontes ?! s’exclama son frère.

- Karü, on n’est pas dans un livre, c’est la vraie vie, dehors ! Si on s’associe à la rébellion, on peut mourir !

- Et si on ne le fait pas, des innocents vont crever ! pesta Shino.

- C’est trop dangereux.

- Tu fais ce que tu veux, mais moi, je reste. Je veux sauver Pauyô. répondit Karü.

- Moi aussi ! acquiesça Shino.

- Oh et puis zut ! Je peux pas laisser mon frère se battre contre des imbéciles sans moi ! Va pour la rébellion !

- On me demande pas mon avis, à moi ? demanda Nuo en revenant, tenant la main de Tïashu.

- Vas-y, parle.

- Si tu restes, je reste. murmura Nuo à l’oreille d’Hângä.

Hângä frissonna puis se laissa tomber sur le sol, imitée par Nuo qui lâcha la main de la fillette pour se blottir contre sa concubine. Karü et Shino firent de même et la petite troupe s’endormit.

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