chapitre 19

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Le plan était simple pour Never. Il n’allait pas utiliser l’un de ses vœux, ils étaient déjà tous employés d’une certaine manière et pour en utiliser un, il devait faire une concession qu’il n’avait vraiment, vraiment pas envie de faire. A la place, il allait simplement promettre un échantillon de sang ou peut-être de sperme sans l’accord pour faire un enfant. Ils adoraient avoir du matériel génétique et il ne l’offrait jamais gratuitement. Ainsi, sans employer de vœux, Never ferait sortir Nashran de ce guêpier. Il allait l’installer chez lui et lui offrir de la liberté. Ce ne serait pas parfait, Ogma pourrait toujours réclamer de l’utiliser, mais il ne pourrait plus le garder et Nashran allait finir par s’en sortir tout seul, parce qu’il était doué, inventif et absolument pas complaisant. Ce n’était qu’un gros coup de pouces qui limiterait les possibilités d’Ogma. C’était le plan. Ca avait été le plan jusqu’à ce qu’il se retrouve dans ces quartiers et qu’il observe Nashran.

Les cordes étaient installées au plafond, sur différents points. Shibari. C’était censé être une discipline très jolie où la tension des cordes venaient sublimer l’humain qui s’y soumettait. Il avait eu l’occasion d’en voir, plusieurs fois, plusieurs binômes s’y adonnaient régulièrement. Never n’était pas un amateur pour autant. Seulement là, ça ne méritait pas le nom de shibari. Les cordes descendaient du plafond pour venir saisir les chevilles de Nashran, le soulevant du sol. Ses pieds étaient bleuis, d’une couleur étrange par rapport à la peau de ses mollets, juste au-dessous des nœuds. Ses mains qui étaient tirées loin, dans une autre direction, laissant son dos reposer au sol, avaient une couleur similaire. Il ne semblait pas vraiment conscient, mais il était vivant. La peau de son ventre, de son torse et de son visage était un peu noircie par la crasse.

- Qu’est-ce que tu fais chez moi toi !? C’est interdit ! Dégage ! cria Ogma, furieux.
- Pourquoi le système n’est pas intervenu ? demanda Never d’une voix blanche.
- Dégage ! répéta Ogma.
- Système ?

Une voix mécanique sortit de nulle part, faisant sursauter le propriétaire des lieux.

- Le réceptacle 51713 a accepté de participer à une scène BDSM longue.
- Mot de sécurité ? demanda doucement Never.
- Inconnu.

Il ferma les yeux. Comment Ogma avait-il obtenu ça ? Il ne le saurait peut-être jamais. Il avança jusqu’à la cuisine, saisit un couteau et se retourna vers la vision d’horreur. De là où il était, il pouvait voir les objets qui envahissaient l’anus de Nashran et un très léger éclat rouge, montrant qu’il l’avait déchiré. Certains aimaient les contacts rudes, on pouvait tout à fait contourner les protocoles de sécurité en faisant des demandes en commun. Ogma eut un sourire goguenard et hurla :

- Sécurité ! Au secours ! Il a pris un couteau ! Je crains pour ma vie, endormez-le !
- Le système ne t’obéira pas. Pas pour ça. murmura doucement Never tout en s’avançant pour couper une première corde.

Ogma lui saisit le poignet avant qu’il n’ait eu le temps de finir.

- Alors je vais devoir te faire dégager moi-même.
- Tu devrais arrêter maintenant. Tu sais ? Je suis furieux. Furieux au point de pouvoir faire une bêtise.

La voix douce et tranquille avec laquelle il parlait n’était sans doute pas la plus adaptée pour dire une telle chose. Ogma ne la prit pas au sérieux, bien-entendu. Comment aurait-il pu ? Il tordit le poignet de Never pour lui faire lâcher le couteau et les doigts du reproducteur s’ouvrirent sans mal, laissant tomber l’arme. Il n’en avait pas besoin.

- Très bien, tout compte fait. J’ai un vœu à faire. Système ? Enregistre-le pour moi. J’annule mon vœux numéro 25. Et à la place, je souhaite que le reproducteur Ogma devienne un réceptacle d’entraînement.
- Quoi ? Qu’est-ce que tu crois faire là ? Je suis quelqu’un d’important !
- Je te l’avais dis pourtant, non ? Tu ne devais pas te frotter à moi. Je suis curieux de savoir comment les autres réceptacles vont t’accueillir. Il n’y a pas souvent de réceptacle d’entraînement. Je suis sûr qu’ils vont se régaler. Je ne manquerais pas de leur parler de ton amour pour la contention.

Never se pencha vers le visage de Nashran. Il était à moitié inconscient et délirait doucement. Il avait maigri également. Sa santé ne devait pas être en danger immédiat, sinon le système serait intervenu, quelque soit les demandes. Never ne vit jamais le coup de poing qui choppa sa tempe, le faisant tomber à la renverse et l’étourdissant réellement. Il se mit alors à rire, d’un rire fort qui le faucha alors que le corps inconscient d’Ogma tombait au sol avec un bruit mou. Cette fois-ci le système avait agi. Never toucha sa tempe, il saignait.

- Et bien… On dirait que je l’ai quand même fait hein… Mon don du sang.

Il attrapa le couteau et coupa chaque corde sans s’occuper de la porte qui s’ouvraient derrière eux. Anatola arrivait enfin avec une équipe de gros bras. Immédiatement Never indiqua :

- Qu’ils prennent Ogma, mais je ne veux pas qu’ils restent. Et j’ai fais un vœu Anatola.
- Oui, le système m’a prévenu. Oh ! Vous êtes blessés ! Il vous a blessé ? … Je… Je dois pouvoir négocier pour vous, pour vous rendre votre vœu.
- Non merci. Je vais assumer. Simplement… Il doit être compris dans mes vœux. Vous l’obtiendrez n’est-ce pas ?
- Oui, oui. Je vous le promets. Ce ne sera qu’une formalité.

Tout en parlant, il tira la couverture sur le corps de son ami, le recouvrant pudiquement. Oh Nashran n’avait sans doute aucune difficulté à se mettre à nu devant des inconnus, mais se montrer sale et blessé, c’était différent. Se montrer aussi vulnérable après avoir été aussi fort, aussi longtemps, c’était différent.

- Est-ce que vous avez besoin d’aides ?
- Non… Enfin oui, oui. Dehors il y a Date, laissez-le rentrer. Juste lui et faites partir les autres si vous y arrivez. Merci.

Il se pencha et tâtonna entre les jambes de son ami. Il devait retirer ce qui envahissait son anus, mais il craignait de le blesser davantage. A l’entrée de la pièce, Date cria, plaqua les mains sur sa bouche et s’immobilisa un moment.

- Il est vivant ? Dis-moi qu’il est vivant !
- Il est vivant… Viens m’aider, s’il-te-plait Date. Il faut… Il faut retirer des trucs.

Date s’approcha moins vite qu’il ne l’aurait voulu tant ses jambes tremblaient. Il regarda entre les jambes de son ami et laissa échapper un gémissement.

- Il nous faut du lubrifiant. Je… Je vais trouver ça.

Il fouilla dans les affaires les entourant, en vain. Il n’y avait pas la moindre trace de lubrifiant et ce que cela impliquait lui donna envie de vomir plus que tout le reste encore. Sans attendre, il retourna vers la porte et l’entrouvrit. Comme il s’y attendait, Graan était toujours là avec un petit groupe et ils s’approchèrent lorsqu’ils le virent apparaître.

- Graan… On aurait besoin de lubrifiant. Est-ce que tu peux nous en emmener le plus vite possible ?
- Euh… Oui. Est-ce que ça va ?
- … Juste, du lubrifiant s’il-te-plait. Répondit Date, incapable de mentir.

Graan acquiesça doucement et se mit immédiatement en route. Lorsque Date revint, il trouva Never, tenant le petit réceptacle dans ses bras avec une tendresse évidente, alors qu’il passait un tissu humide sur sa peau. Nashran reprenait tout doucement conscience. Ses doigts s’étaient fermement accrochés au pull du reproducteur.

- Never ? Tu es blessé ?
- Hum ? Oui. Je me suis pris un coup de poing. C’est marrant non ?

Date l’observa en clignant des yeux sous la surprise. Marrant ? Non. Il n’arrivait même pas à comprendre ce que Never avait l’air de trouver drôle. Rien n’était drôle dans tout cela.

- Qu’est-ce qu’il s’est passé exactement ? Tu es entré et puis… ?
- J’ai fait un vœu.
- Oh… Oh, je suis tellement désolé Never.
- Je crois que ça en valait la peine. En tout cas, c’était délicieux, mais le coup de poing… C’était encore meilleur.

Ils passèrent près d’une heure à le soigner, à le nettoyer puis à masser les mains et les pieds de Nashran pour aider son sang à se remettre à circuler correctement. Grâce à Graan, ils purent employer le lubrifiant nécessaire pour le délivrer sans le blesser davantage. Nashran couina à peine en cachant son visage contre le ventre de Never. Puis ils le transportèrent pour qu’il quitte enfin ces quartiers et qu’il n’y retourne jamais.

- On l’emmène chez toi ? demanda doucement Date à Never.
- Hum ? Non. Il devrait se voir attribuer un endroit chez les réceptacles. Vu ce qu’il s’est passé, je pense qu’il va surtout avoir besoin d’un moment sans reproducteur.

Graan acquiesça sagement, heureux de ce choix qui prenait réellement en compte les besoins de Nashran.

Ce fut ainsi que Nashran se retrouva dans un lit simple, douillet mais modeste, au cœur du quartier des réceptacles qui prirent soins de lui. Et ce fut ainsi qu’Ogma se retrouva également dans le quartier des réceptacles, à sa périphérie, dans une petite pièce tout aussi modeste et simple que celle de Nashran. Déposé vulgairement sur le lit, endormi.

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