Baby foot

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Momo la déconne qu’on l’appelait. Momo, c’était Maurice. Un sacré déconneur Momo. Toujours le premier pour la rigolade. Ah les barres de rire qu’on a pu se payer avec le Momo. De la marrade du matin au soir. On s’était connu au « Rencard », un des bistrots du village un peu moins naze que les autres. Y avait le PMU, le Bar de la place, le Café des sports, mais nous on trainait au Rencard. Comme pas mal d’autres jeunes du village et de la région. Et il y avait des gonzesses. Et dans les environs, les gonzesses, ça courrait pas les rues. Mais grâce au « Rencard », ce qu’on a pu en lever. De toutes manières, elles n’avaient pas trop le choix : c’était nous ou rien. Et Momo, il assurait pour en ramener des nouvelles. Je sais pas trop comment il se débrouillait, mais il se pointait souvent avec une nouvelle greluche qui connaissait parfois d’autres copines greluches. Au début, elles jouaient souvent les pimbêches, les filles trop bien pour nous mais, quelques verres plus tard, on arrivait presque toujours à les lever. Surtout quand Momo leur faisait gouter son cocktail spécial. Je sais pas ce qu’il mettait dedans, mais je trouvais les pimbêches moins regardantes après. Ah ah ah, ce qu’on a pu se marrer, ce qu’on a pu en baiser.

Jusqu’à ce que Momo en baise une de trop. Jennifer. La conne. Les autres, bon, ça roulait pour s’en débarrasser : « Salut morue, reste pas dans les parages, t’intéresses plus personne ». Pour les lourdes qui ne comprenaient pas, on pouvait toujours leur coller une tarte pour clarifier. Elles revenaient plus. Mais celle-là, pas moyen. Elle s’accrochait déjà avant alors quand elle s’est retrouvée en cloque, elle a été pire qu’une sangsue. La conne.

Momo au début, ça le faisait marrer. Faut dire que la Jennifer, elle suçait comme une déesse. Enfin, à ce que braillait Momo. Elle picolait, faisait la fête alors ça allait. Mais du moment qu’elle a été en cloque, une casse bonbon comme pas possible. Et quand la petite est arrivée, encore plus casse pompe : faites pas de bruit, pas de gros mots, pose pas ton verre là. Comme Momo osait plus lui mettre des tartes depuis qu’elle avait accouché, elle n’arrêtait pas de le gonfler. Elle pétait des crises de dingue pour que Momo ne sorte pas. Il sortait toujours, mais moins et il avait changé. Et là, Jennifer est tombée malade. La conne. Momo, il n’en revenait pas : « Elle me fait ça à moi cette morue. Un cancer du foie à vingt-six ans. Elle picole même pas cette conne ».

Il avait essayé de la refourguer à ses vieux, mais le père de Momo avait dit : « T’es gentil, mais on s’est fait chier vingt ans avec ta sœur et toi, c’est pas pour remettre le couvert avec ta malade et ta gamine ». Du coup, il devait garder la petite. Vanessa qu’elle s’appelait.

A deux ans, on peut pas dire qu’elle chiait des caprices la môme, mais fallait tout le temps qu’elle la ramène. Et elle pouvait jamais rester toute seule. En plus, elle pleurait souvent. Pas moyen d’avoir la paix, de regarder un match tranquille. Le docteur avait expliqué pourquoi à Momo, un truc médical mais Momo avait rien compris. Tout ce qu’il voyait c’est qu’elle chialait beaucoup. Il nous avait dit : « Cette morveuse a mal au bide et ça me fait mal aux oreilles, mais le docteur s’en branle de ça ». Ah ah ah sacré Momo.

On allait de moins en moins souvent au Rencard et si on passait souvent chez Momo, l’ambiance avait foutu le camp. Quand Jennifer revenait de l’hôpital, fallait pas moufter pour pas déranger madame. Ce jour-là, on devait se retrouver chez Momo pour regarder le match. Merde, le Barça contre le Real, ça se manque pas. Et ça se regarde entre potes. Mais avec ces deux morues, l’était coincé le Momo.

On avait finalement atterri au Rencard. Presque toute la clique. Comme à la grande époque. Les gonzesses en moins parce qu’il en restait plus beaucoup. Momo nous avait dit qu’il commenterait le match sur Facebook alors de temps en temps, on jetait un œil, quand on y pensait.

« Merde, j’ai raté le coup d’envoi. Vanessa braillait encore. »

Le match envoyait, un vrai beau match. Plein d’actions. On a un peu oublié Momo surtout au premier but.

« Pas vu le but putain ! Cette gamine me les casse. Il était comment le but ? »

Là on a répondu :

– Un des plus beaux buts de tous les temps. C’est ça que t’as raté. Embrasse ta morveuse pour nous ah ah ah !

Au deuxième but :

« Mais c’est pas vrai. Vous croyez que je peux lui donner un somnifère ? »

– À deux ans ? Pas plus de quinze alors ah ah ah.

Ensuite Iniesta s’est blessé. Rien de grave, mais y a eu un changement.

« Quoi, quoi il s’est passé quoi ? Il est où Iniesta ? »

– Ben pendant que tu changeais les couches de la chieuse, ici, y a eu des vrais changements.

« Merde. Cette gamine me fait vraiment chier. Merde. Merde ! »

– Ahahah

Le match a continué, avec le même type de messages. Ensuite, il y a eu le fameux but de Messi. Peut-être le plus magique qu’on ait vu de tous les temps. Une pure merveille. Rien que d’y repenser, j’en ai des frissons. Quel but ! Mais Momo avait raté celui-là aussi.

« J’ai raté un truc là, sûr, j’ai raté quoi ? »

– le plus beau but de tous les temps.

Il a pas répondu, mais dix minutes plus tard, on a vu ce message sur son mur :

« Je vais buter cette gamine. Je vais la tuer, c’est sûr ».

Bon, nous on était un peu bourrés. Ça nous faisait marrer alors on l’a un peu chauffé.

– Ouais, vas-y Momo, t’es le plus fort.

– Il reste quinze minutes, tu peux encore profiter un peu

– Même pas cap.

On est retourné au match. On a fini la soirée sans avoir de nouvelles de Momo. Le lendemain, comme tout le monde, on a su : Momo avait noyé la gamine. Il l’avait butée le con. Les flics sont venus nous interroger suite aux messages sur Facebook. Nous, on pensait pas qu’il le ferait. Le con. Y en a même eu pour nous accuser de complicité, les enculés. Moi, je dis que c’est parce que Jennifer lui gueulait dessus. C’est de la faute de la mère. C’est elle qui lui disait « Mais fais-la taire ». Avec sa maladie de merde, elle était devenue invivable. Toujours à gueuler, à se plaindre et jamais là pour s’occuper de la gamine. Jamais. Une feignasse de gueularde. Je suis sûr que c’est à cause d’elle que Momo il a craqué même si les poulets et le juge ils disent le contraire. Salope.

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