Gardienne

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Deux personnes approchent. Avec effroi, je constate que l'un d'entre eux tient une hache. Leurs traits sont indiscernables sous leur masque et leur casque. Leur combinaison m'inquiète et m'empêche de me faire une idée précise de leur carnation.

Que veulent-ils ? Atteindre ce que je protège ?

Ils s'arrêtent à quelques mètres de moi. Leur silhouette se découpe vaguement dans la frêle lumière du souterrain. Ils baragouinent quelque chose dans leur langage barbare ! Pourvu que mes protégés derrière les aient repérés et s'enfuient !

— Vas-y, dépiaute-moi ça.

— Tout seul ?

— Ouais.

Le moins bavard s'avance d'un pas lourd et menaçant. Je me dresse sur son chemin en silence, muette de terreur. Son regard traverse son casque ignifugé pour me jauger. Il pense avoir trouvé une faille dans mon armure et brandit sa hache.

Son arme rebondit. Penaud, il se tourne vers son acolyte, qui lui fait signe de continuer, et exhibe un chronomètre. Quels monstres minuteraient une mise en pièce ? L'horreur me statufie. L'homme armé frappe ailleurs, érafle à peine mon armure.

Galvanisé par le chronomètre, il me harcèle de sa hache, tente de m'ébranler, de me détruire sous le regard approbateur de son meneur.

Clang !

Clang !

Mais bordel !

Cling !

Mais putain !

Clong !

Clang !

—Dis, dépêche-toi de me foutre ça en pièces, le tance son chef.

— Mais t'entends comment ça clangue ? C'est qu'elle est résistante la salope !

Une fois de plus, je ne comprends pas leurs échanges, seulement que l'homme entaille mes protections avec plus de zèle encore. Mon acier commence à gémir sous ses coups. Ce que je protège, est-ce à l'abri ?

Mes défenses menacent de se rompre. Pourtant je dois tenir !

Clangs ! Skrooouiiik !

Fêlée. Mes cinq centimètres de premier blindage crient leur douleur. Il doit encore traverser plusieurs épaisseurs avant d'espérer m'atteindre, je n'en crains pas moins le pire.

Le porteur de hache donne tout ce qu'il a pour agrandir la brèche. Essoufflé, il ahane, ralentit ses coups.

Crrrrk !

Clang !

Crèèèève !

Allez !

Aaaaaaaah !

Crablang !

À force d'acharnement, il ouvre pour de bon mon armure. Derrière, une matière plus souple l'attend. En aucun cas attendri, l'homme poursuit son œuvre de destruction, passe sa rage sur ce noyau tendre présent qui absorbait les sons et les chocs. Sa hache fend la couche de protection qui devait atténuer l'impact des projectiles les plus destructeurs.

Toujours, je reste en travers de son chemin, les éléments de mon armure hurlent de concert avec moi.

Clooonnnnng !

La nouvelle couche d'acier dernière génération est touchée et vibre à en faire frémir le sol. J'en tremble. J'en tremble, mais cela ne suffit pas à me déloger. Ils ne passeront pas !

— Toi t'es finie ! beugle le barbare.

J'entends la jubilation mauvaise dans sa voix. Se servant des pointes de sa hache, il s'efforce d'agrandir les déchirures qu'il m'a causées. Seul les crissements désespérés du métal résonnent, tandis que, stoïque, je reste insonore.

À force d'acharnement, d'ahanements, il perfore ma robe d'acier, sectionne ma dentelle de nano-carbone, et enfin, creuse mon c œur métallique. Peu à peu, il fissure le centre de mes protections dans des pluies d'étincelles assourdissantes. Il ne s'en rend pas compte, mais il est en passe de franchir mon blindage. Son abnégation et son obéissance à son supérieur me laissent coite.

Sa hache transperce la seconde plaque, de huit centimètres. Aussitôt, il annihile le bois qui annonce que derrière se trouve la copie conforme de tout ce qu'il vient de détruire. La vue des planches brisées lui donne un second souffle, et c'est avec efficacité qu'il achève de me traverser.

J'entends la fuite d'air, qui siffle mon échec. Les vingt pourcent de dioxygène que je devais préserver de l'extérieur pour mes protégés s'évade. Dément, le barbare se tranche un passage dans mes restes, jusqu'à atteindre les précieusetés que je devais préserver à tout prix du monde extérieur. Je souffre de cet échec plus que de ma destruction.

Tandis que je m'éteins, les deux hommes se rejoignent et se congratulent.

— Ton temps est nul, mais t'as pas lâché le morceau, et t'as fini par trouver le coup de hache. Faudra remettre ça, t'es pas au point.

— Dis, niveau temps je suis naze à quel point ?

— Quarante-six minutes, le jour où on doit sauver des survivalistes sans oxygène on ne récupère que des cadavres avec ce temps.

— Mmmh... porte de merde...

— Si ça peut te rassurer, c'est la dernière génération... heureusement qu'on a droit à l'équipement militaire, ici ! C'est clairement pas de la merde ce qu'on a !

— Ouais... j'suis mort... p'tite bière ?

— Grande bière, t'as mérité ! Demain, même entraînement !

— Putain de portes de survivalistes de merde...

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