L'Expédition de Norh Chapitre 1

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Marco venait d'ôter son épée du corps d'un veilleur. L'être en armure plaqué au sol cessa tout mouvement, commençant d'ores-et-déjà à disparaitre. D'un geste sec, il ôta le liquide bleuâtre tâchant sa lame. À sa tête, je pouvais voir à quel point il ne se sentait pas dans son élément.

Il jetait des coups d'oeil en direction du professeur Mordo qui était resté en retrait pour nous observer. Le vieux ne comptait agir, on était là pour faire nos armes en situation de combat réelle, alors c'était le moment de voir ce qu'on valait vraiment en dehors des villes.

De mon côté, je pris une courte inspiration avant d'éviter une lance prête à m'éventrer sur place. Le veilleur tenta de prendre ses distances après ce coup manqué, mais d'un pas rapide, je finis devant lui, prêt à lui planter mon épée dans le corps.

– Oubliez pas de frapper comme si vous aviez en face de véritables Shadowman ! cria le professeur. Un chasseur doit toujours trouver un moyen de conclure le combat !

Ma lame vint érafler l'arme du veilleur me faisant face, et ce dernier s'esquiva d'une roulade sur le côté. Marco se précipitait déjà vers moi pour tenter de me soutenir, mais d'un geste, je l'ai bien vite freiné.

– Laisse. Je m'occupe de lui.

D'autres veilleurs en formes d'armures apparurent de la brume, forçant Marco à retourner au combat. Katherine de son côté frappait avec frénésie un veilleur frêle au corps gris et à la peau fine. Son sang giclait de partout tandis qu'elle criait à chaque impact.

Je me suis de nouveau tourné vers mon opposant qui cherchait une ouverture. J'ai alors laissé ma poitrine exposée, l'invitant à m'attaquer, ce qu'il ne manqua pas de faire. Il chargea tout droit, prêt à me tuer sur l'instant. Soudain, j'ai in-extremis le bois de sa lance, freinant son arme de peu.

Quelle chance, ces choses manquaient cruellement de force. Dans un duel de puissance purement physique un Shadowman avait l'avantage.

D'un coup de coude bien placé j'ai brisé le bois de son arme, laissant alors tomber le fer de la lance qui finit au sol. Il était désormais à ma merci, je n'ai pas perdu une seconde pour l'abattre. En quelques pas j'ai pu lui enfoncer ma lame dans l'estomac, de quoi tuer un Shadowman !

Quand le corps a finit par terre, ma lame tachée de bleue se mit à goutter abondamment. Cette sorte de sang s'évapora dans un nuage sombre, de la brume d'Essence, encore de quoi nourrir les amas de brumes confinés partout dans la tour.

Les cris de bataille de Marco et Katherine continuaient de plus belle. À deux face à plusieurs soldats, il peinaient à prendre l'avantage sous les yeux de Mordo qui ne faisait que bailler, tel une grosse bête sur le point d'hiberner. Évidemment, en tant que chasseur expérimenté des veilleurs de ce genre étaient des amuse gueule.

Marco cherchait un moyen de percer la défense du veilleur en face de lui : un soldat équipé d'un simple bouclier, mais au combien pénible de part son jeu de jambes. Il maintenait sa proximité avec lui, empêchant les coups puissant de la part de Marco.

Katherine restait collée à lui, elle même encerclée par des veilleurs. Les deux étaient désespérés dans une situation pourtant si simple. Je les regardais à l'écart, préférant les laisser gérer ça d'eux même. J'avais déjà plusieurs veilleurs tués à mon compteur, je n'avais pas besoin d'aller prouver quoique ce soit en les sauvant.

Marco tenta de forcer la pression du veilleur au bouclier qui maintint sa position, le repoussant d'un coup sec. À défaut de pouvoir infliger des dégâts mortels, ce veilleur pouvait se montrer particulièrement pénible. Son grand bouclier circulaire était parfait pour garder un semblant de contrôle sur l'adversaire, surtout quand il avait conscience d'être entouré par d'autres ennemis.

Katherine tenta une rapide taillade qui trancha la main d'un des deux veilleurs en face d'elle. Le blessé recula, laissant alors à son allié tout la place nécessaire. Armé d'une épée à une main, il était capable de lancer des swing rapides, qui étaient jusqu'ici restreints par son allié.

Le veilleur s'élança droit vers Katherine qui profita du retrait du second veilleur pour s'esquiver. Elle évita de peu la lame qui alla alors se planter dans la carotide de Marco, qui n'eut que le temps de se retourner.

J'ai vite fermé les yeux, laissant seulement l'abject son de la chaire perforé et le son d'agonie de Marco m'avertir de sa mort. Il tituba maladroitement jusqu'à s'étaler au sol. Sa vie le quittait petit à petit, mais il se débattait encore. Il tenta de se redresser, en vain. Un coup de bouclier lui écrasa la carotide dans une craquement macabre laissant échapper un râle éphémère. Le veilleur au bouclier n'avait pas attendu la riposte ennemie pour agir.

J'entendis alors derrière moi Mordo jurer. "Encore un autre qui meurt" se disait-il. Marco était le deuxième à succomber lors d'une escarmouche contre les veilleurs.

D'un coup de pied nonchalant, le veilleur à l'épée poussa le corps de Marco qui tomba un mètre plus bas, dans un carré de terme herbeux. Katherine surgit alors, hurlant comme une folle, l'épée dressée et décapita le manieur de bouclier distrait. Le second ne vécu pas bien longtemps. La déchaînée en état de psychose lui sectionna la tête en deux, avant de retirer rapidement son épée et prendre ses distances, encore frissonnante.

Le soldat tomba plus bas, aux côtés du corps de Marco, avant de se désintégrer en brume d'Essence. Katherine tomba à genoux sous mes yeux, regardant du côté de Mordo qui approchait d'un pas décidé. Elle semblait retenir des larmes mais des bruits de pas venant par derrière eurent vite fait de la surprendre. Le manchot né de l'un de ses coups s'était créé une nouvelle main grâce à son corps fait d'Essence, et il brandit vers elle son épée.

Avant même que ce soldat ne soit en mesure de l'abattre, il finit tranché en deux par Mordo. Une étrange épée argentée en main, sûrement une parmi tant d'autres en sa possession, le professeur élimina avec une simplicité que je jugerai presque insultante l'assaillant de Katherine.

– Putain…! Je vous avais déjà dis que ces veilleurs là peuvent se recréer des membres moteurs ! Quand je donne des infos à leur sujet c'est pas pour faire joli bordel !

L'épée de Mordo disparue dans un éclat de particules avant qu'il n'aille jeter un œil en direction de l'endroit où se trouvait le cadavre de Marco.

– Fais chier… je pensais avoir finit de jouer au voleur de dépouille…

Katherine le rejoint à quatre pattes, et contempla le corps. Les yeux écarquillés, elle s'enfuit, main sur la bouche. De son côté, Mordo sauta pour atteindre le cadavre, l'air ennuyé. Je me suis alors dirigé vers lui, marchant d'un pas tranquille.

– Dites monsieur, pourquoi même en supériorité numérique, aucun veilleur ne vous attaque ? C'est pas l'occasion qui leur manquait…

Il lâcha un profond soupir, l'air déjà agacé, mais daigna me répondre.

– Ceux là on comme particularité de toujours s'attaquer aux plus faibles gamins… de vrais vicieux ces trucs là.

Le pouce et l'index fermement appuyés contre mes narines, je restais en retrait tandis que le professeur Mordo récupérait les affaires du cadavre en contrebas. Le vieillard grognait comme une bête étouffée alors qu'il était contraint de piller le corps mort d'un de ses propres élèves, où devrais-je dire client. Encore un manque à gagner pour lui, et un coup dur pour sa réputation.

L'odeur fétide du corps en désagrégation s'effaçait bien vite, alors que les flammes bleutées crématoires viennent couvrir mon ancien camarade de d'exploration.

Nous étions quatre en tout. Plus le professeur, ça faisait cinq. Désormais on ne compte plus que deux jeunots et ce vétéran à la mine désagréable et au sourire carnassier. Comme tous les vieux Shadowboy de métier, il entraînait dans les étages proches les inexpérimentés, leur enseignant la vie dans les Ruines Noires. Évidemment, ramener tout le monde en vie tout en les laissant s'exercer contre des veilleurs, même faibles, n'était pas compatible.

La tour de Norh, c'était un endroit aussi inhospitalier qu'on le racontait, et après avoir vu deux élèves mourir sous mes yeux, je n'avais aucun doute sur le niveau du vieux Mordo. Survivre dans les Ruines Noires jusqu'à ses quarante ans, il y avait de quoi être fier.

– Elle est où l'autre ? Je lui ai déjà dit cent fois de pas flâner dans les étages de Norh ! cria Mordo en se retournant et me voyant seul à l'observer.

– Partie vomir. dis-je sans détour.

– Oh putain…!

Ajustant son chapeau noir alors qu'il se redressait, Mordo saisit les quelques affaires du défunt. Ses vêtements, sa dague et son précieux Livre.

– Voilà comment je m'occupe des morts, gamin. Des questions ? grommela-t-il sans conviction.

– Les corps brûlent assez vite ici… dis-je avec un air intelligent. C'est dû à quelque chose ?

Mordo jeta un rapide coup d'œil au corps nu incandescent, consumé par les braises chatoyantes d'un aveuglant bleu nuit.

– Ouaip, dans les étages supérieurs de Norh la concentration en Essence est assez élevée, alors elle s'occupe très vite de purger les morts.

– Je vois… en général ça vaut le coup de vendre les affaires des défunts…? Sans se faire attraper par la Cathédrale évidemment… et hors expédition d'apprentissage. Demandais-je avec amusement.

– Au lieu de jouer au plus fin gamin, va retrouver l'autre cruche ! grogna Mordo. Ça m'arrangerait qu'elle aille pas se faire tuer par des veilleurs comme ses deux camarades…

Il couvrit ses yeux en baissant son chapeau avant de balancer dans ma direction tout ce qu'il avait récupéré. Après une rapide escalade, le professeur revint alors jusqu'à moi, agitant son énorme épée en grimpant.

Tandis qu'il se remettait debout, je me suis dirigé vers l'endroit où j'ai pour la dernière fois vu ma camarade d'expédition. Longeant les murs noirs et bosselés, j'ai rapidement aperçu une petite traînée indescriptible, où je pu néanmoins déceler quelques morceaux de nourriture de la veille.

Évitant les rejets acides marquant le sol, j'ai passé la grande arche délimitant la zone de transition entre cet étage et le précédent.

– Le prof nous attend Kat. dis-je sans réelle empathie.

Katherine se tenait à genoux, au bord du vide surplombant le dédale. Je l'entendais sangloter misérablement alors qu'une toux venait enrouer sa voix.

– Je…! Je peux pas continuer…!

Son timbre de voix enlaidit à l'extrême me fit frémir. Elle se tourna vers moi, essuyant sa bouche baveuse.

– Tu comptes juste rester ici ? Je te rappelle que seul le prof à un bateau pour nous ramener à la sortie.

– Fais chier..!

Ses cheveux roux et bouclés tombaient sur ses yeux emplis de terreur. Évidemment pour une habitante de Vyrma, voir des veilleurs massacrer des proches est un choc. Cependant, je n'étais pas d'humeur à jouer la carte de la gentillesse. Nous étions en terrain hostile ici, et l'expédition était connue de tous comme étant dangereuse. Si Katherine avait fait le chemin jusqu'ici, c'est en connaissance de cause.

– Bon, si tu veux rebrousser chemin à pieds commence dès maintenant, dis-je en partant, n'oublie pas que c'est bientôt la quatrième heure, à part le prof, personne n'est capable de survivre à ce qui va apparaître…

J'ai fait volte-face, commençant à m'éloigner d'un pas rapide. J'entendais les cliquetis des genouillères de Katherine frotter le sol, et ses bottes en fer fouler le sol.

– J'arrive… dit-elle les yeux rouges.

Sans répondre, j'ai continué mon chemin, jusqu'à croisé le professeur Mordo sur le route.

– Humph..! Autant pour moi j'ai cru que vous étiez mort. Aller on continue, c'est bientôt la quatrième heure.

Notre groupe à alors continué son avancée dans l'étage. Tantôt gravissant les interminables escaliers, tantôt traversant les ponts reliant deux secteurs.

C'était plutôt calme, et pas un seul veilleur n'est venu nous contraindre à sortir les armes de nouveau.

Tandis qu'on traversait un intérieur sans fin rempli de colonnes de marbre noir, au plafond vitré laissant passer de faibles lueur, la voix grossière de Mordo nous interpella.

– Interrogation surprise les gosses. Pourquoi on a toujours pas croisé de veilleur depuis le temps ?

– P-parce que c'est bientôt la quatrième heure…? balbutia Katherine.

– Bonne réponse petite. Lorsque vient la quatrième heure la brume d'Essence se déplace pour aller s'amonceler dans les points précis. Des veilleurs d'un tout autre genre vont alors en sortir…

– Comme quoi…? demandai-je curieux.

– Pas juste des pantins en armure comme ceux qui pullulent d'habitude. Y a une bien plus grosse variété de veilleur qui peut apparaître. C'est ce qui rend la quatrième heure si dangereuse, on sait jamais exactement ce qui va en sortir. On est pris sur le fait, puis on s'en remet à la chance si jamais on tombe sur un trop gros morceau…

Notre trio continuait d'avancer dans cette espèce de bâtiment infini, plongé dans un silence aussi pesant que désagréable.

– Dites professeur, comment on se repère dans les bâtiments des étages de Norh ? dis-je

– Deux solutions, répondit-il sans se retourner, soit tu fais confiance à ton instinct et tu erre pendant longtemps jusqu'à trouver une issue… soit tu la ferme et t'attend l'arrivée d'une Silencieuse.

– Et qu'elle méthode avez-vous choisi pour cette fois ?

– Pas la deuxième sinon je t'aurais déjà cloué le bec gamin.

Peut-être était-ce une invitation à me taire, en tout cas je n'ai pas cherché à parler davantage. Nos pas résonnaient bruyamment sur le sol plat et carrelé. Vu le boucan que nous faisions, je doutais vraiment que l'ont puisse laisser venir une Silencieuse. J'étais tenté de proposer à Mordo de s'arrêter, qu'on reste là, dans l'attente du passage de l'une de ces guides, plutôt que de continuer à avancer sans but. Néanmoins, je ne le sentais pas d'humeur à m'écouter.

Katherine qui fermait notre marche, s'efforçait de rester calme. Mais je pouvais entendre ses faibles gémissements de peur. Outre le son que nous produisions, pas un seul bruit n'était audible aux alentours. C'était stressant.

Par réflexe, je gardais ma main près de mon épée, bien qu'à l'approche de la quatrième heure, ce soit pour le moins inutile. L'immense épée blanche décorée de flèches noires, accrochée au dos de Mordo, reflétait les faibles rayons de lumière, passant aux travers des vitres du plafond. Elle me faisait envie, cette lame offerte par un Chevalier, mais je n'étais pas assez fou et avide pour m'en prendre à un vétéran comme Mordo. Il était sûrement mieux apte que moi à la manier. Je n'avais donc pas l'ombre d'une chance contre quelqu'un armé comme lui.

On s'est engagé dans un nouveau couloir, nous plongeant dans une profonde obscurité. La respiration de Katherine derrière moi me rendait nerveux. Elle me transmettait son inquiétude.

– Bougez plus les gamins, ordonna soudainement le professeur.

Je me suis arrêté à temps. Mon nez était à quelques millimètres de l'arrière de son chapeau, dont je respirais la désagréable odeur de cuir.

Prenant un peu de recul, j'ai percuté Katherine qui s'approchait furtivement. Elle frémi au moment du choc, tandis que je gardais les yeux rivés sur Mordo. Où plutôt devrais-je dire, sa silhouette.

Un halo de lumière inonda son dos, m'aveuglant un cours instant. Les mains tremblantes de Katherine ont saisit mes vêtements par derrière, mais j'étais bien plus préoccupé par le professeur qui avait dégainé son épée dorsale.

Je ne voyais plus la forme de l'énorme lame dans son dos, cet halo lumineux était sûrement une activation.

Un point brillant au bout de son épée perça alors le voile d'obscurité, révélant murs et paroi. Il pointait son arme vers quelque chose, où plutôt quelqu'un. Je ne connaissais pas exactement ce dont était capable son arme de Chevalier, néanmoins je savais qu'elle n'était pas un joujou de seconde zone, comme ma simple épée.

Quelle menace l'avait-elle fait déployer les grands moyens ?

– Hey… qui est là ? grommela-t-il.

– Baisse ton arme de Chevalier Mordo. Ce n'est que moi. répondit une voix dans la pénombre.

C'était une voix à peine audible, un genre de murmure d'agonisant. La lumière produite par la pointe de l'épée de Mordo diminua lentement. En parallèle, un homme émergea, se laissant éclairer par cette torche de fortune.

– Ah, c'est toi Gaunt. Arrête de surgir comme ça, j'aurais très bien pu tirer… soupira le professeur en baissant son arme.

L'épée de Chevalier de Mordo disparue dans un éclat de lumière avant de revenir dans son dos. Le dénommé Gaunt, que je voyais à peine semblait tenter de voir derrière le professeur. Il ne nous adressa cependant pas la parole, et continua de parler à Mordo.

– Encore en expédition… besoin d'une force de combat supplémentaire ?

– Je te filerai pas un rond abruti. Alors, espère pas risquer ta vie en pensant que je te donnerai une part de ma paie.

– Mmmh… tu as déjà perdu des élèves, pour être si grincheux… non ?

– Arrête de te foutre de moi et va errer ailleurs si t'as que ça à faire.

– Je vous suis.

Je n'entendis qu'un grognement furieux de Mordo, pas le moindre pas de Gaunt que je sentis pourtant passer à côté de moi. Katherine sursauta avant d'aller rejoindre le professeur qui se remit en marche.

– Fausse alerte les jeunes. On continue.

Notre groupe se remit en route. Bien que je sois presque sûr que le dénommé Gaunt nous suive, j'avais définitivement l'impression que nous étions toujours seulement trois.

La marche continua encore un moment, toujours dans un même couloir aussi interminable que glauque. Après cela, nous en sommes enfin sortis, débouchant sur un hall immense, donnant sur un extérieur.

Une grande plateforme couverte par un tapis d'herbes ternes et illuminés par une lumière visible au loin. Un autre chemin à même le hall permettait de gravir des escaliers plongés dans une obscurité tout aussi intense que le couloir que l'on venait de quitter.

Le simple fait de ne pas voir plus loin que les quatre premières marches me collait de désagréables frissons. Je me demandais vraiment comment on pouvait être habitué à l'obscurité pour parcourir aussi sereinement toutes ces zones plongées dans le noir complet.

– On va faire une pause là-bas les jeunes. ordonna Mordo d'une voix fatiguée.

– J'attendais que ça ! s'écria Katherine.

Ma camarade et le professeur se sont alors dirigés vers ce carré de pierre couvert de verdure, tandis que je restais en retrait. Je préférais plutôt analyser celui que je supposais être un camarade de Mordo. En dessous de son veston noir, il portait un vêtement blanc couvert de déchirures. Ses cheveux blancs en pic pointaient toutes les directions. Je pouvais apercevoir entre quelques mèches tombantes ses yeux rougeoyants et profondément cernés.

Ce type était flippant. C'est tout ce qu'il m'inspirait.

Un bouclier à tête de chouettes et deux épées moyennes dans le dos, il déambulait de façon inconstante, comme si son corps menaçait de chanceler.

Avant qu'il ne remarque mon regard appuyé, j'ai bien vite détourné les yeux, pour aller rejoindre Mordo et Katherine. Alors que je pénétrais la plateforme, de pierre, un vent frais vint me gifler le visage. Le bruit des vagues, de l'eau battant la roche inondait mon ouïe, et mon regard finit par se perdre devant l'immensité de la mer.

Au delà de la plateforme, il n'y avait que l'océan. Un océan agité aux couleurs sombres et opaques. Une brume légère qui gagnait en épaisseur à mesure que l'on regardait plus loin, cachait un point de lumière qui peinait à percer le voile blanchâtre.

Au centre de la plateforme, le professeur s'accroupit, avant de saisir un petit sac accroché à sa ceinture. Il extirpa du petit sac en cuir attaché à la corde, une fine poudre pâle qu'il versa au sol de sorte à former un monticule miniature.

Une fois debout, Mordo sortit son livre situé au niveau de sa ceinture. Une fois ce dernier ouvert, le professeur fixa le monticule de poudre blanche qui se mit à fumer. Rapidement, un brasier commença à naître, laissant crépiter en l'air les étincelles bleutées de la flamme.

Gaunt et moi avons alors rejoint Katherine et Mordo déjà installés près du feu et les avons imités. Le professeur était allongé sur l'herbe fine pliant sous son poids, laissant ses muscles et son expression se détendre.

Katherine elle, se tenait mains face au brasier, à genoux au sol. Elle arborait toujours ce regard inquiet communicatif, mais semblait plus tranquille que durant notre marche dans le couloir obscur.

– Tu as fait un feu pour combien de temps ? demanda soudainement Gaunt.

Je ne m'étais pas habitué à sa voix presque fantomatique. Elle semblait émerger d'autre part, plutôt que de sa bouche.

– J'ai mis de quoi brûler pour trente minutes. répondit Mordo du tac au tac.

– Seulement ?! cria Katherine s'approchant des flammes comme craignant qu'elles ne s'éteignent brusquement.

– Si vous voulez atteindre la ville avant que la quatrième heure ne commence il vaut mieux ne pas perdre trop de temps ici en effet… conclut Gaunt davantage en réponse à Mordo.

Il hochait lentement la tête d'un air ludique. J'avais les yeux rivés sur ses profondes cernes me donnant l'impression qu'il allait tomber de fatigue d'un moment à l'autre.

Mais il n'en fit rien.

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