Bestiaire I
BESTIAIRE
Espèces de poèmes
Prière de laisser son bison au bestiaire
(À lire comme un alexandrin classique)
PEAU SUR PEAU
Peau sur peau je déambule cuir et fourrure
Impavide et invincible sous mon armure
J’ai emprunté la griffe du félin féroce
La canine du fauve ou du rhinocéros
J’ai emprunté la démarche ondoyante du
Tigre quand il se moque de s’être perdu
Demain dès l’aube j’attendrai mon ennemi
Camouflé comme le caméléon-fourmi
A l’affut derrière un buisson touffu ardent
Bondirai pour mordre votre pomme d’Adam
C’est la bête qui est en moi ce n’est pas moi
C’est mon Ça qui a anéanti mon Surmoi
LA BÊTE
Par sa gluance écœurante aussitôt la bête
Se saisit de quelque chose qui est en vous
Et ce sentiment si extravagant s’entête
Jusqu’à faire de vous une espèce de fou
MONSTRES
Des monstres hybrides me harcèlent me poursuivent
Le chat-gluant et le sanglier des mers m‘épient
La grand-marquis m’attend dans le maquis puis s’envole silencieusement
La sangsue-marteau plonge dans ma baignoire y déversant ses déjections écœurantes
Ses immondices, ses substances jaunâtres et pestilentielles
Et le docteur Ferenczi derrière moi qui suis allongé sur le divan
Se fait du souci et me demande de regarder en moi
Au plus profond hein ? qu’est-ce que vous voyez ?
Je vois je vois… je ne vois rien pour le moment
Si, je distingue peut-être un autre être
Inconnu, surprenant par sa respiration tranquille,
Par sa placidité hautaine et indifférente
Je vois aussi un chat géant qui s’approche, couvert de plaies purulentes
Le poil rasé par endroits, son miaulement rauque comme le brame d’un cerf
M’effraie.
Je vois un rapace dont l’envergure extravagante dépasse celle d’un airbus
J’aperçois un reptile sanglant qui ondule en faisant tinter ses anneaux
Et ça produit une musique lancinante, entraînante, menaçante
J’entends les croassements aigus des lézards bleus du désert
Et ça vient se superposer à la musique du reptile qui serpente
Et ça constitue un contrepoint improbable, une cacophonie qui vous transperce
Qui vous harcèle à vous faire dresser les cheveux sur la tête
Comme ceux d’un hérisson ou d’un sanglier épique
Pas celui de tout à l’heure, un autre.
Et des tas de minuscules bestioles, insectes, coléoptères, arachnoïdes
Avec des pattes partout, des yeux partout
Et ça bourdonne, et ça s’introduit partout
Dans le moindre des orifices, et ça rampe, et ça vole
Et le docteur Ferenczi s’inquiète
Et reste perplexe
Il suçote pensivement son stylo
Un filet de bave s’écoule de ses lèvres entrouvertes
Se serait-il endormi ?
Je n’entends plus que son souffle régulier comme celui de…
Ou bien plutôt une sorte de sifflement
Comme celui du…
Les Félins substantivés
Élégance du chat
Démarche du lion
Bond prodigieux du tigre
Sourire de la panthère
Regard du léopard
Fourrure de l’ocelot
Le Chat et son maître
Parfois le chat surpasse le maître
Qui ne peut alors que se démettre
Propriétaire de votre asile
Il ne vous contraint pas à l’exil
Vous pouvez rester ronronne-t-il
Et vous pourriez même m’être utile
Vous savez que je vous apprécie
Vos absences me font du souci
Parfois le chat surpasse le maître
Qui ne peut alors que se démettre
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