Malheureusement, je n'étais pas la seule...

2 minutes de lecture

Je passe dans les couloirs du collège ou dans la salle de yoga. Qu'est-ce que je vois à chaque fois quand je lève la tête au plafond ? Je vois le plafond, ouais ! Mais plus de la même manière. Il est banal, on le voit presque partout, jusque dans les chambres d'hôpital. Donc ce douloureux souvenir me traverse. Je vois encore ce pansement, mon reflet dans le miroir de la salle de bain alors que mon visage ne ressemblait qu'à un immense hématome, les perfusions dans mes mains, la sonde, ce gros fil que je sentais dans ma tête, la mèche qui m'encombrait le nez,... Je me rappelle l'horrible nuit en réanimation, confrontée à la solitude alors qu'il était impossible de trouver le sommeil, avec cette affreuse machine à côté qui ne voulait pas se taire. Je me rappelle ces quatre jours sans parvenir à voir autre chose que du noir, constamment. Je me rappelle la bouffe ; ouais tu crois avoir faim, tu as faim en fait, mais ça ne veux pas rester tranquillement dans ton estomac, il faut toujours que ça remonte ! Et toute la nuit tu entends les gosses qui hurlent, qui pleurent. Les pauvres ne comprennent même pas ce qu'ils foutent là, pour la plupart. J'ai de la veine dans le fond, moi j'ai treize ans. Je me rappelle autre chose, de plus étrange encore : des rires. On finissait par s'installer et se sentir chez nous. J'en arrivais même à rêver que je partais en vacances à l'hosto.

Il n'y a pas que devant les plafonds que je ressens ça... J'entends les mots "cancer", "tumeur",... Un frisson me traverse la colonne vertébrale. C'est comme si mon cerveau se débattait en criant "Nooon, pas moi !" Mais c'est toujours pas le pire. Suffit que j'allume la télé, le peu de fois où je l'allume. Voilà, une émission sur les hôpitaux, avec tous les enfants qu'il y a dedans. Le mot cancer revient. Certains se disent déjà qu'ils vont mourir. Il y en a plein d'autres comme moi, là-bas. Certains se trompent ; comme moi ils vont bientôt sortir, guéris et marqués à vie. Mais combien ? On sait tous que des milliers ne sortiront jamais de cet galère. Et le pire c'est qu'on ne peut rien y faire. Et je me demande des fois "Pourquoi moi ? Pourquoi moi on a pu me sauver ?"

Je me rappelle de cette phrase, toujours les médecins disaient "On peut te faire entrer au bloc, mais on ne peut pas te garantir que tu en ressortiras." Et étrangement, moi qui ai une peur bleue de la mort, je me sentais sereine, comme si cette dernière m'avait tendu une main amicale que j'étais quasiment prête à saisir. Je n'avais plus peur d'y rester ; j'étais prête. Mais moi, j'avais encore de la chance, je le savais. Et on ne me fera pas croire que c'est notre foutue système qui m'a aidée. Le système n'était pas prêt de me récupérer vivante. J'ai eu de la chance que certaines personnes s'inquiètent pour moi. Mais je sais qu'en plus des milliers d'autres qui ne sortirons jamais de l'hôpital, des milliers crèveront avant même d'y être entrés, avant même de savoir qu'ils étaient malades...

Et ça, c'est injuste.

Annotations

Vous aimez lire Opale Encaust ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0