Ecrivant...

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Ecrivant la Blanchisseuse, évoquant l’Institutrice, un gynécée de « femmes impossibles à imaginer a priori », Proust est intimement auprès de ces créatures de rêves, il recrée en quelque sorte une façon de Paradis originel dont il croise les fils au gré du passage infini de la navette de l’écriture. Citant à la suite, dans un agrandissement topologique sans fin, la rue, la ville, le monde, Marcel déploie l’espace nécessaire à sa fiction, en même temps qu’il se donne ce pouvoir d’agissement sur le réel, qu’il le met à sa portée, tout comme le Picasso de la période Cubiste décomposait à l’infini l’image de la femme dont il pouvait user à satiété. L’imaginaire est tressé de cette matière inépuisable qui se renouvelle à même son constant surgissement. Que quelques esprits fâcheux, sinon pointilleux, se mettent en tête de vouloir démontrer la supériorité du réel par rapport à l’écriture, eh bien qu’ils usent à leur gré de la réalité, nous nous satisferons de ce bel imaginaire proustien qui crée mille lieux en un seul lieu, fait venir mille femmes en une seule. De toute manière, dans ce qui constitue le derme polyphonique de l’exister, nulle hiérarchie, tout joue à égalité de présence. Untel trouvera du sens à flâner auprès de la Nature, tel autre auprès d’une œuvre d’Art, tel autre encore auprès de l’image d’une Belle ou se contentant de sa simple évocation.

« L'offre d'un bonheur qu'ainsi cloîtré je ne goûterais jamais ». Proust, ici, semblerait infirmer ce que nous disions d’une équivalence des termes de l’exister : réel, imaginaire, rêve. Il semble affirmer, en effet, que son état de claustration inflige à son corps (« je souffris que mon corps ne pût suivre »), des contraintes que le réel du dehors aurait comblées au centuple au seul motif que les femmes qu’il regardait avaient aussi un corps et que la confluence, la rencontre de ces derniers ne se pouvait concevoir, la barrière infranchissable de la chambre mettant un terme à tout essai de relation. Mais aussitôt, si l’on peut dire à la façon d’un rattrapage ou bien de l’emplissement d’un désir inassouvi, Proust ajoute « mon regard qui la rattrapait », annulant par cette habileté rhétorique ce que le factuel empêchait, ce que la situation ôtait à sa propre liberté, celle de choisir une compagne de route qui pût le soustraire à ses multiples afflictions.

Alors, peut-on ici parler d’écriture cathartique, comme si les mots posés sur le blanc de la feuille étaient autant de baumes appliqués sur la meurtrissure d’une chair, colmatant les plaies de l’âme ? Oui, je crois à cette fonction thérapeutique du langage. Oui, je crois à cette vérité de la langue qui n’est nullement inférieure à celle de la réalité, différente cependant, de nature symbolique. Mais qu’est donc le symbole en sa valeur signifiante, sinon cet objet, ce colifichet, cette image dont les contours peuvent être clairement définis tel le signifiant, alors que le signifié en direction duquel agit le symbole est au loin, dans sa marge d’invisibilité, tirant sa puissance, précisément de cette liberté qui lui est octroyée que jamais ne donne ce qui s’étale ci-devant, qui ne pourrait ni changer de forme, ni nous amener autre part qu’au lieu de son immobile présence. L’écriture est liberté !

« Ecrire, pour qui? »

Pour Soi

Les Autres

Le Monde

« Ecrire, pour quoi ? »

Pour témoigner

Du Temps qui passe,

Puisque nous ne sommes

Que Temps

…Qui Passe…

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