Parle

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Le pensionnat Saint-Éloi dominait les toits, sévère et glacial, figé dans ses traditions. À l’intérieur, les journées s’enchaînaient dans une rigueur silencieuse. Les enfants du personnel dormaient dans des dortoirs glacés, mangeaient les restes, lisaient dans des livres abîmés. Les héritiers, eux, bénéficiaient de chambres chauffées, de repas servis chauds, de pages intactes.

Élise arriva un matin de novembre. Silencieuse, elle observait les visages, les gestes, les règles tacites. Très vite, elle comprit que tout reposait sur une hiérarchie muette, entretenue par l’habitude plus que par la raison. L’inégalité se lisait dans les détails : un regard, une place à table, un droit accordé sans justification.

Un soir, alors que les cloches annonçaient la fin des cours, elle se leva. Elle traversa la salle, se tint droite et parla.

- Ce pouvoir ne vaut rien sans ceux qui le subissent.

Le brouhaha s’éteignit. Les gestes suspendus, les regards figés.

- Vous vous taisez parce que vous avez peur. Ce n’est pas une faute de parler. C’en est une de se taire.

Elle balaya la salle du regard.

- Ces privilèges ne sont pas mérités. Ils sont hérités, imposés, protégés par des principes qui ne servent qu’à justifier l’injustifiable. Ils vous volent le choix. Celui de dire non, de penser autrement, d’exister en dehors des rangs.

Un surveillant fit un pas vers elle. Il s’arrêta.

- Vous pouvez m’exclure, me punir, me faire taire. Vous ne pouvez pas empêcher les autres de penser. Tôt ou tard, ils parleront aussi.

Elle tourna les talons. Elle sortit, la tête haute. Le silence derrière elle pesait lourd. Elle ne vacilla pas.

Le lendemain, elle ne fut plus seule. Une poignée d’élèves se joignit à elle. D’autres suivirent. Ils ne crièrent pas. Ils ne cassèrent rien. Ils s’assirent dans la cour, en silence. Ce n’était pas une révolution. C'était que l’envie de justice ne soit plus un murmure.

Ils rédigèrent une lettre, concise et ferme. Ils demandèrent des repas équitables, des chambres dignes, des livres en bon état pour tous. Ils exigèrent le droit de s’exprimer.

Le directeur céda. Non par conviction, mais parceque la solidarité avait ébranlé son autorité.

Élise ne chercha ni reconnaissance ni pouvoir. Elle voulait simplement que les injustices cessent.

Sayari

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