Chapitre 1

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Je voyais Lisa enchaîner les verres depuis plusieurs heures. Un sourire béat avait commencé à se former sur ses lèvres, son mascara coulait sur ses joues. Elle avait les yeux brillants. Une lueur vacillait, comme une bougie menaçant de s’éteindre sous le moindre coup de vent. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais la musique recouvrit sa voix. Les rayons rouges de la discothèque l’éclairaient par moment. Sa peau luisait de sueur. Je ne pus dire si elle pleurait ou elle riait. Mais ce qui était sûr, c’était qu’elle buvait. Et qu’elle allait avoir un terrible mal de tête le lendemain.

Je saisis mon propre cocktail pour y tremper les lèvres. Je n’en prendrais pas d’autres. Pas que je n’aimais pas l’alcool, ou que je considérais irresponsable de se bourrer la gueule, mais j’apprenais de mes erreurs. Tom et Gary surgirent du côté droit, se frappant les côtes d’un air amusé. Gary tourna la tête dans ma direction et m’adressa un sourire.

Je fis de même. J’étais parvenue à rendre ça naturel au fur et à mesure des années.

Il abandonna son meilleur ami pour me rejoindre. J’étais son trésor. Sa pierre précieuse dont il prenait soin, qu’il surveillait au cas où elle chercherait à s’enfuir. Il posa son bras sur mes épaules et m’attira contre son torse. J’avais toujours le verre à la main et cette posture devint inconfortable.

— Et si on allait danser toi et moi ? me cria-t-il à l’oreille pour tenter de se faire entendre.

Je hochai la tête. Mieux valait que je fasse quelque chose de mon corps plutôt que d’observer mon amie devenir saoule. Gary prit ma main, entrelaça ses doigts entre les miens. Tom attendit notre départ pour prendre place sur le canapé, à côté de Lisa. Il profiterait peut-être de son état pour l’embrasser. Elle était lesbienne mais il continuait de penser que son coeur de femme allait accepter le contact d’un homme. Je lui avais répété cent fois d’aller voir autre part, mais il s’acharnait.

Gary me tira dans la foule gluante de corps mouvants. Rapidement, il n’y eut plus de distinction entre bras, torses, seins, têtes. Tout le monde était tout le monde. Personne n’était personne. Nous étions un seul organe, respirant au rythme de la musique. Les lumières reproduisaient des flashs, plongeant les corps dans une sorte de rêve psychédélique. Plus de pensée. Plus d’avenir, pas de passé. Ces mains qui me touchaient, mon coeur qui s’emballait. Mes artères qui se gonflaient de sang, mes joues devenues rouges. Gary m’embrassa. Sa langue caressa ma bouche, puis s'aventura à l’intérieur. Avec ses dents, il arracha la peau morte de mes lèvres, les faisant saigner. Le baiser eut un goût de fer. Il s’empara de ma bouche comme il s’était emparé de mon corps. Ses mains relevèrent légèrement le tissu de ma jupe. Son torse écrasa mes seins. L’obscurité s’étala sur nous, avant que des rayons bleus balaient la salle. J’eus l’impression de m’enfoncer, comme si le sol de la salle était devenu un marécage. La sensation de s'engloutir, vouloir hurler sans arriver à respirer. D’étouffer. Comprimée. Écrasée. J’agrippai le tee-shirt de Gary et me mis à respirer par spasmes. Ce n’était plus la discothèque de la ville. C’était la villa des Delcroix. L’odeur de sang et de vomi, ces corps emprisonnés entre eux, ces regards condamnés. Je venais de basculer en Enfer. Un lieu que je ne connaissais que trop bien.

L’instinct fut plus fort que moi, je m’écartai vivement. Des gens bloquèrent ma fuite et Gary emprisonna ma taille. Au moment où je commençais à me débattre, il me tira vers l’extérieur. Les spots de lumière blanche commencèrent à flasher une nouvelle fois. Je perdis l’orientation, posant le pied dans une direction qui me semblait douteuse. Je voulais sortir. Avaler un bol d’air frais et m’assurer que j’étais de retour dans la vie qui me correspondait. Je me dirigeai vers la porte de sortie, Gary sur mes talons. Des cris s'infiltrèrent à travers la porte. Une émeute s'était créée, se déplaçant au gré de la bagarre. Mauvaise idée.

— Je vais aux toilettes, annonçai-je à Gary.

Il hocha la tête en me regardant partir.

Un miroir encadré de carrelage bleu et blanc recouvrait toute la paroi de la pièce. Les cabines étaient toutes libres, mais ça ne m’intéressait pas. Je m’appuyais sur le rebord de l’évier. Inspirer. Expirer. Je relevai la tête.

Parfois, je me demandais s’il s’agissait vraiment de moi. Une peau lisse, blanche, sans aucune marque. Des cheveux bruns et raides tombant jusqu'au-dessus de la taille. Une tenue décente. Ce détail était particulièrement ironique. Il fut un temps où tout ce que je portais était un soutien-gorge et une veste en cuir. Ou rien du tout. Face à ce miroir, un souvenir me traversa. Mon corps abîmé, couvert de bleus. Ma tempe ouverte et du sang qui coulait. Le canon d’un flingue posé sous mon menton. Mon index sur la détente. Et moi, qui me fixait droit dans les yeux avec un air de défi. Le feras-tu ? Oseras-tu en finir une fois pour toute, mettre fin à ta torture ?

Au final, je n’avais jamais pu tirer. Pour cela, il fallait un courage dont je me savais dépourvue. Je fermai un instant les paupières pour chasser cette image. C’était inutile de ramener ça maintenant. Je n’avais pas construit une vie entière pour la gâcher en me remémorant le passé. J’avais réussi, merde. J’avais tout ce dont j’avais toujours rêvé. Un appartement. Des études. Un petit-ami. Je devais m’en contenter.

J’agrippai plus fort le rebord en songeant à ce dernier mot. Petit-ami. Je n’avais jamais employé ce mot avec Alessio, parce que je le considérais stupide en rapport avec ce que nous étions. Petit-ami, c’était quelque chose d’innocent, de gentil. Quelque chose de totalement déplacé pour ce que j’avais été avec lui. Et une aiguille s’enfonça dans mon cœur en repensant à lui. Parfois, je me demandais si je n’étais pas née pour vivre dans la douleur. À croire que j’aimais ça, souffrir.

La porte s’ouvrit. Une fille me rejoignit à côté, ses talons claquant le sol froid. Elle pleurait. Le contour de ses yeux était rouge, et sa main accrochait le tissu de son tee-shirt. Elle avait de beaux cheveux. J’aurais aimé les avoir aussi bouclés. Si blonds, si brillants, comme si le vent venait de s’y glisser.

Elle éclata en sanglots. Quel dommage, une beauté pareille. La tristesse s’acharnait à rendre laid tout ce qui était né pour briller. Je la dévisageais à travers le miroir. Peut-être qu’elle parlerait. Pas que je me croyais capable d’offrir une aide psychologique, mais j’avais juste besoin de savoir pourquoi.

Elle perçut mon intérêt.

— Il en a embrassé une autre, gémit-elle.

Un bref silence passa. Puis j’éclatai de rire. C’était si… absurde. Etait-ce la vie qui se moquait de moi ? Mes abdominaux me brûlèrent, et plus je me forçais à m’arrêter, plus le rire me secouait. De nouvelles larmes emplirent les yeux de la blonde. Je me mis à respirer profondément, m’assénant des gifles invisibles pour revêtir un visage sérieux, même si je savais que le mal était déjà fait.

— Sale conne, siffla-t-elle en balayant une mèche de cheveux derrière son épaule.

J’effaçai les dernières traces de mon rire et maintins mon regard à travers le miroir.

— Pardon. C’était les nerfs.

Elle afficha un tel dédain que ce fut difficile de savoir si elle me croyait ou non.

— C’est vraiment triste, commentai-je.

Wow, question originalité, j’avais fait mieux. Mais c’était la seule chose normale qui me venait à l’esprit. La fille ne répondit pas. Elle aurait dû fuir depuis l’instant où j’avais commencé à rire. N’importe qui aurait deviné que quelque chose n’allait pas chez moi.

— Tu me dis quelque chose, déclara-t-elle brusquement.

Je m’arrêtai de respirer. C’était impossible.

— Tu te trompes. Je ne t’ai jamais vu.

— Toi non. Mais moi si.

Elle fronça les sourcils, creusant profondément dans sa mémoire pour en ressortir des souvenirs épars. J’avais déménagé assez loin pour me couper de tout ce qui me rappelait Saint-Réliannes. Plus personne n’était censé me reconnaître. C’était une vie que j’avais battu à coups de pieds, puis effacé.

Le regard de la blonde changea. Une gravité extrême frappa son expression.

— Je sais. On t’appelait Perséphone.

— Te te trompes, répétai-je.

Je n’entendais presque plus rien, les battements de mon cœur résonnaient trop fort dans mes oreilles.

— Non, c’est bien toi. Tu étais plus maigre que ça, plus maquillée aussi, mais c’est bien toi. Avec un Delcroix, Alexis ou Alex, un truc du genre.

— Alessio.

Rien que prononcer son nom me donna des frissons. La fille fut rassurée d’avoir été dans le vrai, et en même temps, elle venait de se rendre compte de la situation. Ses yeux humides hurlaient “tiens-toi loin de moi”.

— Tout le monde croyait que tu étais morte.

Je l’avais été. Un temps.

— Surprise, déclarai-je d’une voix sombre.

La fille continuait de me regarder fixement.

— Le gars avec qui t'étais, reprit-elle. Lui aussi pensait que tu étais morte. Enfin, c’est ce qu’on m’a dit. Il est devenu à moitié fou. Son frère est encore en prison, et lui, je… je n’en ai plus entendu parler je crois, il a peut-être disparu ou…

— Je m’en fous.

Je ne sentais plus mes mains. Ni mes bras. Toute énergie s’était écoulée hors de moi.

— Comme tu veux, fit-elle en haussant les épaules.

Quelques secondes s’écoulèrent et elle s’écarta. Je connaissais le regard qu’elle me lançait. Elle me voyait comme une fille sale. Le genre dangereux, celle qui avait connu l’horreur et n’avait plus peur de rien. Les gens avaient tendance à repousser les personnes trop endommagées. Pour eux, il y avait certaines situations dont on ne pouvait pas ressortir vivants. Et si c’était le cas, alors quelque chose clochait.

— Je ne sais pas si tu prévois de retourner à Saint-Réliannes un jour, mais sache que cette ville s’est transformée en cimetière.

— Qui te dit que j’ai envie d’y retourner ?

— Une reine des Enfers ne délaisse jamais son trône trop longtemps.

Je laissai échapper un rire sans joie. C’était qui cette fille, une philosophe ? J’aurais presque pu l’applaudir pour sa merveilleuse métaphore, mais l’envie de l’étrangler prit le dessus.

— Ne répète à personne que je vis ici.

— Pourquoi ?

Je me retournai, lui faisant face.

— Parce que tu la fermes. Ou je m’occupe personnellement de toi.

Cette fois-ci, elle prit peur. Cela faisait longtemps que personne ne s’était mis à trembler devant moi.

— Ok.

Elle prit ses jambes à son cou. Je fixai la porte. Ce genre d’information ne restait jamais secrète bien longtemps. Bientôt, mon nom allait voyager les trois cent kilomètres qui me séparaient de mon ancienne prison. Le fantôme d’Alessio reviendrait me hanter. Alessio. Il était tellement présent dans mon esprit que quand une figure masculine passa le seuil de la porte, je crus qu’il s’agissait de lui.

Mais mon esprit ne tarda pas à remettre les choses à leur place. Gary. Seulement Gary.

— Ça va ?

— Oui.

J’esquissai un petit sourire. Il sembla tout à coup soulagé. Je me tournai à nouveau vers le miroir pour contempler mon reflet une dernière fois. Parfois, je ne me reconnaissais pas. Je n’y voyais que la couche de mensonge que j’avais construit jour après jour. Cette fille qui portait des sacs à main de marque et s’habillait à la mode pour aller en cours, qui avait des milliers d’amis, un compte Instagram parfait, une vie parfaite, un corps parfait ; ce n’était pas moi. Ou si ? Parfois, j’avais l’impression d’avoir vécu dans le noir si longtemps que ma vue n’arrivait pas à s’adapter à la lumière. Peut-être que c’était juste ça. Une question d’adaptation.

— J’ai envie de rentrer, déclarai-je.

— Très bien.

On prit le taxi. Ou plutôt le VTC. Gary n’était pas riche au point de s’acheter un costume Armani tous les mois, mais il profitait du gros salaire de ses parents. Tous les deux avocats, défendant des clients dont les habitations ressemblaient plus à des châteaux qu’à des maisons. J’en recevais des bénéfices moi aussi, bien évidemment. C’était une sorte de vengeance pour toutes les années que j’avais passé dans la misère.

L’appartement se trouvait dans la banlieue de Reims. Localisé dans un quartier sécurisé, avec une entrée réservée. Il n’y avait eu aucun vol durant les dernières années. Les dizaines de caméras de surveillance posées juste au niveau de l’accès au quartier suffisaient pour repousser les voleurs. Le VTC s’arrêta devant l’immeuble. J’attrapai mon sac à main et attendit que le chauffeur ouvre la porte.

Les murs étaient principalement composés de grandes fenêtres. En cette nuit sans lune, les lumières intérieures se reflétaient, ce qui rendait impossible toute observation du ciel. Une énorme bibliothèque recouvrait le pan de mur du salon. Gary aimait le moderne. La propreté, le minimalisme, l’art épuré, de préférence dans les tons de gris, c’était son truc. Une chance qu’il ait assez d’argent pour se payer tout ça.

J’entendis les clefs tomber dans le récipient en céramique de l’entrée. Il alluma toutes les lumières de la cuisine, et après avoir déposé mon manteau à l’entrée, je le rejoignis. Il avait déjà sorti deux verres à pied.

— Je ne veux pas de vin, refusai-je.

Mais à peine eus-je fini ma phrase qu’il sortit une bouteille de Perrier du frigo. Il souriait.

— Tu vas mettre du Perrier dans un verre à pied ? remarquai-je, sceptique.

— Tous les verres sont dans le lave-vaisselle. Il faut qu’on le fasse tourner cette nuit.

Il me tendit la boisson. Les bulles remontaient avec excitation à la surface, disparaissant au moment où elles atteignaient l’air. J’avalai une grosse gorgée.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-il après m’avoir laissé terminer mon verre.

Dans un moment de malaise, je vis Alessio à sa place. Quand il me donnait un truc à boire ou à manger d’un air innocent, laissant quelques minutes de silence avant de commencer son interrogatoire. C’était comme une introduction que j’avais fini par apprendre par coeur. Le développement était souvent bien plus moche. La particularité, c’était qu’il n’y avait pas de conclusion. Aucune leçon à apprendre, aucune morale. Rien que des erreurs qui se répétaient, encore et encore.

— Je sais pas. J’arrivais plus à respirer. C’est tout.

— Tu n’aimes pas cette boîte de nuit ?

— Si. Pourquoi ?

Il fit tourner le verre entre ses doigts.

— Ça fait déjà plusieurs fois.

Je restai muette. Ces moments-là étaient gênants. Parfois, je ne comprenais pas le sens de ses réflexions. Je regardais dans le vide et il me disait “Ça va ? T’as l’air absente.” Je ne savais jamais quoi répondre. J’en avais presque peur, comme s’il analysait le moindre des mes gestes, ou pire, qu’il pouvait lire dans mes pensées. Et en quoi cela pouvait-il l’intéresser, d’ailleurs ? Quoique je ressente, il n’était pas censé en éprouver un intérêt particulier.

— C’est passager, me contentai-je de dire.

Je délaissai la conversation et m’enfuis prendre une douche. À la sortie de la salle de bain, j’avais les cheveux trempés, dégoulinant sur un de ses tee-shirts. Les jambes nues, dévoilant quelques cicatrices que je gardais depuis mon adolescence. Chacune avait sa propre histoire. Mais je préférais raconter le mensonge. Un accident de voiture. Plus simple.

Il était assis sur le rebord du lit, son téléphone en main. Il le rangea dès que j’entrai dans la chambre. Son regard parcourut mon corps, avec un air désireux qui ne détrompait pas. Je déposai mes affaires dans l’armoire, sentant ses yeux brûler mon dos. Alors je grimpai sur le lit jusqu’à l’atteindre, jusqu’à ce qu’il glisse ses mains sous le tissu. Il aimait faire ça. Et j’aimais sa peau sur la mienne. C’était quelque chose de doux, d'agréable. Il pencha la tête sur le côté pour mordiller la peau de mon cou.

— J’ai envie de t’entendre crier mon nom, souffla-t-il. Je veux te sentir cambrer sous moi. Camille…

Je l’embrassai pour le faire taire. Il aurait tout ça. Il le savait pertinemment. D’une des nombreuses choses qui m’avaient surprises en sortant avec lui, c’était le fait qu’il demande l’autorisation. La première fois qu’il m’avait touché, il avait demandé avant “je peux ?”. Si seulement on m’avait posé cette question à chaque fois. Combien de “non” aurais-je prononcé ?

Il retira mon tee-shirt et je me retrouvai nue. La lumière de la chambre était encore allumée, mais il préférait comme ça. Il voulait me voir. Observer était sa spécialité. Je défis moi-même sa chemise, mais il se chargea de sa ceinture. La boucle teinta et une vague d’anxiété me traversa. Je détestais ce bruit. Heureusement, ce détail lui échappa. Il laissa tomber son pantalon au sol. Son membre durci se pressa contre mon entrejambe. Je m’allongeai sur le lit, le laissant occuper la place qu’il préférait. Au-dessus. Il attrapa un de mes poignets, puis l’autre, y basculant tout son poids pour me bloquer contre lui. Ses lèvres touchèrent ma clavicule qu’il lécha. Lentement. Millimètre par millimètre. Autant de proximité, de sensations subtiles me firent tourner la tête. Mon entrejambe se mit à brûler. J’écartai les cuisses pour le laisser s’installer.

Je levai les yeux et fixai le plafond.

Il suffisait de se perdre. De ne plus penser à rien, fermer les yeux et juste répondre à son corps, à ses désirs. Mais parfois, je m’en sentais incapable. Je le laissais s’enfoncer sans le suivre dans son mouvement, sans aucune réaction. Mon corps avait appris à réagir sur la défensive. Immobile. Morte. Comme ces animaux qui faisaient semblant d’agoniser pour tromper leur ennemi. Donna disait que ce n’était qu’un mauvais moment à passer. Qu’au final, le temps passait vite quand on le voulait.

Je fermais les paupières, m’obligeant à capter la moindre sensation. Il ne m’avait pas encore pénétré. Sa langue continuait de goûter ma peau, languissante. Je ne devais pas penser à cette fille qui m’avait reconnu. Ni à la brûlure qu’avait subi ma langue quand j’avais prononcé le prénom d’Alessio. Reprendre cette vie parfaite. Se détacher de l’autre. Une existence poubelle qui n’avait rien à m’apporter de plus. Seul Gary comptait. Gary, Gary, Gary.

Il enfonça un doigt dans ma partie sensible. Mais sa peau s’accrocha avec la mienne et je gémis de douleur. Il se redressa, les sourcils froncés.

— Qu’est-ce qui ne va pas ?

Je mis quelques temps à comprendre sa question. Je ne voyais pas le problème. S’il me voulait autant, qu’attendait-il ?

Il lâcha mes poignets et s’éloigna. Le froid recouvrit ma poitrine. Je me redressai aussi, cherchant une réponse sur son expression. Il se massait la mâchoire, m’observant d’un air concerné.

— Je t’aime tu sais, déclara-t-il brusquement. Mais parfois, je te trouve bizarre.

Je le regardais sans rien dire. Un étrange silence prit place.

— Dis quelque chose bon sang, souffla-t-il, presque par désespoir. Si tu ne veux pas le faire, il suffit de me le dire. Mais je ne comprends pas…. je ne comprends pas que tu fasses semblant.

— Je ne fais pas semblant, rétorquai-je.

— Vraiment ?

Il prononça ce mot d’un air ironique. Toute cette situation m’échappait. Et j’en éprouvai presque de l’agacement, la manière dont chacun de mes mouvements pouvaient empêcher quelque chose. Parfois, j’aimais la douceur d’une relation comme celle-ci. D’autre fois, je la trouvait trop compliquée. Si c’était ça, la normalité, alors j’avais besoin que l’on m’explique son fonctionnement.

Au lieu de parler, je fis ce que je savais faire de mieux. Je touchai sa jambe et l’embrassai à nouveau, plongeant ma langue dans sa bouche. Il plaqua ses mains contre ma taille. J’ondulai mes hanches contre lui, bloquant la moindre de mes pensées, me noyant dans les sensations. Je l’aimais lui. Et à ce moment même, j’en étais persuadée. Plus rien n’existait à part cette chambre et ses lèvres, ses doigts, son corps.

— Prends-moi, le suppliai-je à son oreille. Maintenant.

Il me poussa vers le matelas et me retourna sur le ventre. Le désir venait d’ôter toutes ses questions de son esprit. Son âme instinctive se déchaîna contre moi, et je trouvai dans ces gestes un peu plus brusques de la familiarité. Quelque chose que je connaissais, et que je pouvais affronter.

Un cri remonta du fond de ma gorge.

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