Pour la fée Crochette
Tu es le brin phosphorescent qui brille dans l'encre noire.
La flamme d’une bougie tout en haut du gâteau
Qu’on éteint d’un coup sec au milieu des vivats.
Tu es le coup de tonnerre, l'éclair au chocolat.
La mini goutte des sens qui brave les interdits et met le feu aux barils.
Celle qui fonce et recule, s'encastre dans le mur et puis le reconstruit.
Tu es tous les débuts.
Tu volettes derrière moi, me préviens des dangers.
Toujours sur mon épaule, toujours à mes côtés.
Mais, parfois, sans que je sache pourquoi, un jour, tu disparais.
Fini les étincelles.
Fini l’effervescence dans le verre à côté, l’aspirine est infecte sans ses airs de champagne.
Il n’y a que le néon, avec ses grésillements et sa lumière saumâtre qui donne une lueur. Il fait froid, il fait moche et plus rien n’a d’odeur.
Alors je vais chercher ma vieille peau déchirée.
Je l’enfile d'un mouvement leste, presque chorégraphié, sachant parfaitement par où passer mes bras et comment la draper. Lovée à l'intérieur comme un oisillon dans son nid duveteux, j’accroche sur mon visage un air souffreteux qui indique aux passants :
ours dans sa tanière, passez votre chemin.
Puis soudain, sans fracas, un bruissement d’ailes tout près de mon oreille.
Le néon s’est éteint.
Tu es là, je revis.
Tu me dis en riant :
« Je continue à ne pas mourir.
Et toi, qu'est-ce que tu fais ?
Tu viens avec moi ? »
Tu es la fée Crochette et tu vis dans ma tête.
Je continue à ne pas mourir.
Phrase extraite de Yoga, d'Emmanuel Carrère
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