Chapitre 5 et fin

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Elle avança à travers les salles restantes, épuisant son mana à anéantir les ennemis qui barraient sa route mais puisant sa force dans une rage sans limite. La Source Zéro se trouvait maintenant dans une salle immense qu'elle apercevait depuis le couloir. Au centre de cette salle dans laquelle pouvait tenir une cathédrale, un monstre gigantesque grouillant, pulsant et bougeant comme s'il était habité par la vermine. Une aura pestilentielle s'en échappait. Il changeait sans cesse d'apparence. Seule une fumée vert vif, dense et lourde, exsudait des interstices entre ses écailles qui aspiraient la lumière. La brume épaisse cachait le sol et bougeait comme si elle était vivante, comme si elle était un appendice du monstre grotesque.

La jeune fille eut soudain envie de fuir. Faire demi-tour. Il lui fallait partir. Elle devait partir. Jamais personne ne pourrait vaincre une telle horreur. Comment tuer une créature plus grosse qu'une maison ? Elle se redressa et avança d'un pas dans la salle qui hébergeait la Source.

— Je suis Annah, l'Élue ! Je viens pour te tuer ! Ta folie ne m'atteindra pas !

La créature se figea soudain, comme si elle la contemplait. Annah sentit les tentacules de la maladie s'enrouler autour d'elle, tenter de la corrompre, de la séparer de son âme.

— Je suis déjà loin de mon âme, je ne suis déjà plus moi-même, grogna-t-elle entre ses dents aussi bien pour elle que pour la Source.

Le monstre sembla comprendre l'idée et se transforma une fois de plus pour prendre la forme d'un immense cloporte recouvert de poils épars. Juchés sur deux cônes de chairs mobiles, deux yeux à facettes aux reflets carmin la fixaient. Au niveau de sa bouche, deux énormes pinces, chacune longues comme un attelage de chevaux. La fumée s'assombrissait et s'illuminait par à-coups. Un vrombissement métallique s'élevait des parois de la pièce, sans origine précise.

Annah tendit brutalement le bras. Un puissant éclair violet en jaillit. Il ricocha sur la carapace. Elle comprit que cette magie ne pourrait rien contre lui. Il fallait des armes physiques pour le détruire. Elle saisit sa dague d'argent et se rua vers la Source Zéro en hurlant sa rage et sa terreur. Les pinces bougèrent, elles s'ouvrirent en grand sur une gueule bordée de cercles de dents. Une langue visqueuse d'un rose répugnant en sortit et fut projetée dans sa direction. Annah n'eut pas le temps de l'éviter. La chair se colla sur son plastron d'armure dans un affreux bruit de succion. Le choc lui coupa le souffle. Ses pieds se décollèrent du sol. La langue revenait à sa place, l'emportant comme une brindille. Sa main valide poignardait la chair visqueuse. Elle n'arrivait pas à la décoller.

— Nooooooooooon !

Elle voyait les crocs approcher. La druidesse contracta ses muscles, plaça ses pieds des deux côtés de la gueule, résistant tant bien que mal à la traction de la langue. Soudain, elle glissa, la bouche se referma sur ses mollets, lui transperça la chair et lui broyant les os. Son cri noya les bruits d'écrasement et de succion de la bouillie. Les pinces la poussèrent un peu plus dans la gueule. Son sang maculait la carapace chitineuse. Ses joues étaient noyées de larmes de douleur. Elle ne sentait que trop lentement la vie la quitter. La créature jouait avec elle, prenait un malin plaisir à la dévorer le plus lentement possible, arrachant avec délicatesse chaque lambeau de sa chair, passant sa langue maintenant râpeuse sur les pointes de ses os, provoquant de nouvelles vagues de martyr. Sournoisement, la vapeur verte s'écarta pour laisser apercevoir la dague tombée au sol. Dans un geste désespéré, elle se pencha, tirant sur ses blessures, touchant l'argent du bout des doigts sans pouvoir la ramasser. Ses larmes noyaient sa voix.

— Pourquoi ? Je ne voulais pas venir. Pourquoi ai-je été entrainée ici ? Je ne voulais pas.

Elle n'avait plus le courage de tenter de trouver une solution. La mort la berçait de ses bras. Son cœur battait de plus en plus lentement, le froid l'envahissait. Dans un dernier instant de conscience, elle entendit résonner dans la pièce une voix inconnue et familière. Il lui semblait l'entendre pour la millième et la première fois :

— Game over ! Voulez-vous reprendre au dernier point de sauvegarde ?

Elle sentit alors dans son ventre la sphère de lumière verte s'activer. Elle se retrouva vivante et indemne à l'entrée de la forteresse. La scène avait disparu de sa mémoire. Elle déboucha une bouteille d'eau de vie. Peut-être que cela ferait partir son sentiment de déjà-vu et le mauvais pressentiment qui l'accompagnait ?

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