Chapitre 13 : Sanguinaire

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Loënia se retrouvait punie dans sa chambre, à l’âge de 21 ans.

Elle regardait la journée se dérouler derrière la fenêtre de sa chambre. Le soleil s’adonnait à ses bons plaisirs. Aujourd’hui était la première journée chaude de l’année et Loënia regrettait encore davantage de la gâcher à l’intérieur. Elle aurait au moins pu nourrir Bickie ou aller se promener dans le quartier.

Elle avait tout le temps du monde pour lire, mais ne lut pas. Elle souhaita aller manger quelque chose, mais elle préféra attendre que sa mère ne se décide à la laisser sortir. La porte n’était pas fermée à clef ni scellée par un enchantement mais l’effet était identique. Loënia se sentait coincée dans sa propre maison, pire dans le lieu qu’elle aimait le plus.

Sa mère avait régulièrement recours à ses punitions, quand les filles étaient enfants. Aujourd’hui adulte, ou au moins adolescente pour Liséa, cette punition n’avait pas été ressortie depuis bien longtemps.

Alors pourquoi Loënia se retrouvait-elle dans sa chambre ? Elle avait commis l’impardonnable : elle avait parlé de ses parents biologiques. Elle avait révélé à sa mère qu’elle avait osé reprendre des recherches pour savoir pourquoi ils l’avaient abandonné. Elle n’avait pas parlé de l’aide de Rashnoé, qui aurait aggravé son cas, ni de Adrien de Val, ce qui aurait été encore pire.

Le sommet, outre le refus de même entendre ce qu’avait à dire sa fille, étaient les paroles d’Ambatine. Elle avait lâché un “Je suis ta mère, tu me fais de la peine” à sa fille qui l’avait désarmée. Loënia avait perdu toute contenance. Elle s’était sentie bête. Elle culpabilisait même d’avoir voulu parler de ses parents biologiques à sa mère adoptive, qui était, à ses yeux, sa véritable mère.

Alors, dans un effort pour raisonner sa fille, Ambatine la priva de sortie et la confina dans sa chambre. Néanmoins, un peu avant que Liséa et Raison ne rentrent des cours, Loënia eut le droit de descendre, à condition qu’elle reste dans la maison. Elle n’avait le droit de sortir que pour ses cours et elle devrait rentrer aussitôt.

Ce soir-là, Loënia ne parla que quand elle n’avait pas le choix de faire autrement. Ses sœurs ne semblèrent rien remarquer à son comportement, ce qui l'attrista encore davantage. Elle ressentait une immense solitude. Elle ne comprenait pas la colère de sa mère. Elle se disait que peut-être qu’elle changerait d’avis au bout d’un moment, ou accepterait d’en discuter un peu, avec un peu de chance.

Elle se consola en discutant par messages avec Noé, qui ne sut rien de sa journée. Il avait aidé ses parents à choisir la peinture pour la cuisine de leur maison. Ils devaient la repeindre dans quelques semaines, quand tout le matériel serait acheté et qu’ils auraient un week-end de libre. Loënia se rappelait que la cuisine était petite et très ancienne, avec des meubles en bois brun. Le côté rustique et authentique de la cuisine lui avait tout de suite plu, ça lui avait rappelé sa propre cuisine quand elle était enfant.

Le lendemain, Loënia eut cours. Exaspérée, impatiente et énervée d’avoir été punie comme une enfant, elle décida de faire quelques magasins avec Rubis. Elle avait expliqué la situation à son amie qui l’avait tout de suite encouragée à se rebeller. Sa mère ne connaissait pas les horaires de sa fille qui changeaient chaque semaine. Le risque de se faire prendre était nul.

Loënia n’acheta rien pour ne pas griller sa couverture. Elle et Rubis passèrent un agréable moment à marcher dans Cryset. Elles croisèrent beaucoup d’étudiants, passèrent à travers une manifestation pour les droits des artistes peintres et s’arrêtèrent sur un banc.

Tout était splendide et calme jusqu’à ce que quelqu’un ne saisisse Loënia par l’épaule. Elle pensa aussitôt à un voleur, jeune et dégingandé ou alors vieux et effrayant, mais en se retournant, elle vit sa mère folle de colère au sens propre.

- Que fais-tu en ville alors que je te l’ai interdis ?

Loënia, interdite, perdit l’usage de sa langue. Ambatine Oppralin jeta un mauvais regard à Rubis.

-Que fais-tu ici avec une louve ?

Elle cracha le dernier mot comme si cela était du poison. Le bras de la fée commençait à lui faire mal.

-Nous rentrons à la maison immédiatement !

-Vous ne pouvez pas la priver de liberté, s’exclama Rubis en se levant du banc.

-Oh, et c’est toi, sale chienne, qui me dira que faire ?

Rubis rageait intérieurement. Si elle se retenait, cela était uniquement pour sauver le peu de liberté que Loënia pouvait encore espérer avoir.

Loënia n’eut pas d’autres choix que de suivre sa mère par le bras, comme une enfant qu’on réprimande après avoir disparu pendant quelques minutes. Des regards curieux les suivaient, si bien qu’Ambatine, jugeant que sa fille n’allait pas se mettre à courir, relâcha un peu la pression.

Elles rentrèrent en train puis marchèrent pendant quelques minutes jusqu’à la maison. Ambatine ne dit rien, ce qui était peut-être pire que tout, aux yeux de Loënia.

Une fois dans le hall, les manteaux et les chaussures retirées, Ambatine posa un lourd regard sur sa fille.

-Tu m’as désobéi de ton plein gré.

-Je ne suis plus…

-Tais-toi ! Aucun argument ne me fera changer d’avis ! Pourquoi tout est toujours compliqué avec toi ? Pourquoi faut-il que tu désobéisses autant ? Pourquoi ne pouvais-tu pas être comme Raison ?

La comparaison avec sa sœur lui faisait mal. Elle adorait sa grande-soeur mais elle n’appréciait pas du tout être comparée à elle. Elle aimait être différente, comme tout un chacun, sans doute.

-Pose ton téléphone portable, ordonna Ambatine.

Loënia regarda sa mère, les sourcils froncés.

-Je ne vais pas te le prendre, je veux que tu le déposes sur le meuble.

La plus jeune fée déposa son téléphone portable sur le bahut en bois du couloir. Aujourd’hui, dans ce corridor si lumineux où elle avait passé son enfance, elle ne se sentait pas en sécurité.

Ambatine leva alors la main et Loënia sut tout de suite ce que sa mère avait en tête. D’abord, elle ne comprit pas pourquoi sa tempe lui faisait mal, elle ne voulut pas accepter pourquoi son bras la brûlait. C’est en remontant la manche de son pull et en voyant la brûlure fraîche et purulente qu’elle comprit réellement.

Elle tourna son visage vers sa mère. Son air déconfit la fit sourire d’un air fier. Cette dernière regarda dans le miroir accroché dans le couloir et vit du sang sur sa tempe, comme si elle était tombée de vélo.

-Tu m’obéiras, maintenant ?

Le chignon de sa mère était impeccable, comme sa tenue.

-Tu n’as pas le droit de me faire ça ! Gémit Loënia avant de se prendre une claque.

En plus de la douleur à son crâne, elle sentait maintenant sa joue la piquer. Ce n’était rien, bien sûr, comparativement à la douleur qu’elle ressentait à son bras.

Déconcertée, elle prit son téléphone portable et le fourra dans la poche de son jean, prête à fuir ce conflit au plus vite. Mais avant qu’elle n’ait même fait un pas vers l’escalier qui menait à l’étage supérieur, Loënia se retrouva au sol avec une douleur lancinante dans le dos. Elle venait de se cogner à l’encadrement de la porte qui menait à la cuisine à cause d’un enchantement de sa mère.

Elle ne put étouffer un gémissement.

-Tu es punie. Va dans ta chambre immédiatement.

L’immédiateté fut toute relative car Loënia mit quelques secondes avant de se relever. Elle fut alors surprise de voir Liséa en plein milieu du couloir, les jambes couvertes de boue. Cette dernière revenait sûrement de sa promenade en vélo.

-Ça va ? Demanda la fée aux longs cheveux de jais.

-Parfait, mentit bêtement Loënia avant de boiter jusqu’à l’escalier.

Tout en montant les marches une à une à cause de la douleur dans son dos, Loënia espérait que sa mère ne ferait jamais subir le même traitement à sa petite sœur. La mâchoire serrée par la douleur, elle priait également pour que Liséa ait l’intelligence de ne pas demander à sa mère ce qu’il s’était passé. Tout ce que Loënia voulait était que personne ne s’en mêle. Elle souhaitait avoir la paix et dormir. Elle culpabilisait et se disait qu’elle n’aurait jamais dû désobéir à sa mère en sortant après les cours avec Rubis. C’était si bête pour un plaisir si temporaire et ça lui avait tant coûté.

Elle entra dans sa chambre et ferma sa porte à clef d’un simple enchantement. Elle s’assit lourdement sur son lit et se mit à pleurer à chaudes larmes. La jeune fée posa sa main sur sa bouche pour ne pas faire de bruit.

Si on lui posait des questions, elle pourrait toujours dire qu’elle était tombée en ville, ça arrivait, surtout avec le temps humide d’avril. Loënia s’essuya les yeux avec les manches de son pull. Elle avait si mal qu’elle grimaça. Son bras la lançait fortement mais ce qui la faisait souffrir plus que tout était le comportement de sa mère. Elle n’aurait jamais songé que sa propre maman aurait pu lever la main sur elle, avec un enchantement ou non.

Ce soir-là, Loënia ne dîna pas. Elle assura à Rubis que sa mère n’était plus en colère et à Noé que sa journée de cours s’était très bien passée.

La réalité était bien sûr différente. Loënia avait le désir ardent de fuir cette maison. Maintenant qu’il était vingt-trois heures, elle pouvait fuguer facilement puisque tout le monde pourrait penser que le manque de bruit était dû au fait qu'elle dormait. Elle enfila la seule paire de chaussures qu’elle avait dans sa chambre, des espadrilles jaunes, et une veste en jean. Elle mit son téléphone portable dans la poche arrière de son jean, ses écouteurs dans sa veste et son pendule, qu’elle amenait partout comme un porte-bonheur, dans l’autre poche.

Loënia ouvrit la fenêtre de sa chambre. Aussitôt, l’air frais s’engouffra et frappa le visage de la fée. Non loin d’être rafraîchie, elle passa une jambe par la fenêtre et murmura les paroles d’un enchantement qui la fit voleter près des murs de la maison. Elle referma la fenêtre de sa chambre comme elle put et se laissa flotter. Avec l'incantation, elle avait le poids d’une plume. La gravité la rattrapa comme prévu dès qu’elle posa un pied sur l’herbe du jardin.

C’est à ce moment-là qu’il se mit à pleuvoir et que la douleur sur son corps revint. Elle grogna, vérifia par une fenêtre que personne ne l'avait remarqué -elle ne vit que Liséa qui regardait la télévision depuis le canapé- et partit en marchant vers la rue.

Elle évita les coins illuminés par les lampadaires. Il était inutile que ses voisins, friands de ragots, la voient. Elle avança à pas décidé, peut-être qu’elle irait se promener dans le centre ville. Après tout, qui pourrait l’effrayer, maintenant ?

Sa pensée fut aussitôt détrompée. Elle vit au loin un groupe de jeunes hommes et changea de rue. A présent, elle ne savait plus où elle était. Les bruits de pas semblaient la suivre, mais pas aussi rapidement que le vent qui se répandait par ses jambes et son cou. La fée, dans sa précipitation, marcha dans une flaque. Elle jura. La pluie était maintenant plus faible. Elle releva le regard et sursauta en voyant un homme, debout, au beau milieu de la route. Il était illuminé par un des lampadaires de la ville.

Plus elle marchait, car elle ne pouvait pas faire demi-tour, plus elle voyait ses contours se dessiner. Oui, il la regardait et pire, il avançait vers elle.

Il était grand, bien plus grand que Loënia. Il portait un costume, ce qui lui rappela quelque chose. Elle dévia vers les voitures, une main prête à jeter un enchantement mais on l’appela.

-Loënia, attends !

La fée tourna la tête vers l’inconnu qui venait de l’appeler. Elle connaissait cette voix douce et froide à la fois. Elle resta sur place, indécise mais pas assez idiote pour ne pas se préparer à lancer un sort.

Heyyy !

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