Chapitre 29 : Chaudrons 2.0

11 minutes de lecture

Des fées adolescentes avaient tenté divers enchantements pour créer des feux d'artifices. Le résultat aurait pu s'avérer magnifique, si ces jeunes avaient suréaliser ces enchantements. Après cet incident qui faillit -comme par hasard- coûter le bras de Liséa, la fête reprit joyeusement. Une vieille dame s’accrocha à Loënia comme un coquillage à son rocher. Apparemment en grande amie d’Ambatine, elle apprécia infantiliser Loënia que Raison, Amare, Braken et même Rashnoé avait abandonnée.

Une fois débarrassée du bigorneau, Loënia put aller danser avec Rashnoé dans une partie occupée par des jeunes plus ou moins reliés à la famille royale. Elle fut peinée de voir sa petite-sœur passer devant elle en l’ignorant. Rashnoé, en remarquant ce qui s’était passé, lui sourit et l'implora de lui laisser du temps.

Loënia ramena Rashnoé chez lui. Il lui rappela de faire bien attention en conduisant avant de l’embrasser une dernière fois.

La jeune femme se sentait plus adulte que jamais. Le manoir certes ancien possédait des écuries qui avaient été rénovées pour en faire des garages. Trois portes électriques se suivaient et l’une d’elle était toujours ouverte. Elle gara la voiture, s’éloigna et entendit l’automobile lui indiquer qu’elle s’était bien fermée à clef.

Il était quatre heures du matin quand Loënia entra dans la demeure. Elle s’appuya de son dos pour fermer la porte et bailla bruyamment. Adrien ne dormait pas. Elle en avait la certitude parce qu’elle lui avait envoyé un SMS avant de quitter le palais pour lui indiquer qu’elle ne tarderait pas et il lui avait répondu dans la minute.

Elle croisa quelques vampires dans le salon. Ils regardaient un film en noir et blanc qui semblaient beaucoup les faire rire.

-Le bal était comment ? La questionna une vampiresse qui avait l’air d’avoir soixante ans.

-Formidable, si on enlève les discussions embarrassantes, lui sourit Loënia.

Nouvel éclat de rire, dont elle ne sut s'il était de sa faute ou de celle du film.

Elle se dirigea vers le bureau d’Adrien. Des flonflons de voix lui provenaient de derrière la porte. Elle lorgna la chaise mais se retint de s’asseoir. Elle s’endormirait sur le coup. Elle resta debout, bailla, chancela, mais resta debout.

Pourquoi voulait-elle lui parler ? Braken. Braken voulait qu’elle discute avec lui… Au sujet des vampires qui assassinaient des êtres vivants. Elle se sentit coupable d’avoir oublié un tel fait. Est-ce que cette discussion ne pouvait-elle pas attendre demain ? Peut-être… Elle regarda le couloir puis se secoua la tête. Non. Hors de question. Elle avait déjà assez traîné comme cela.

Loënia sursauta quand la porte s’ouvrit sur Malo. Elle s’était endormie debout.

-Tu veux lui parler ?

La question lui sembla idiote mais elle hocha la tête. Bien sûr que si elle était ici, à presque quatre heures et demie du matin, elle voulait parler à Adrien. Elle n’allait pas dormir par plaisir sur le sol de ce couloir gelé !

-Tu devrais éviter, il n’est pas d’humeur, mais libre à toi, bien sûr.

Malo, habituellement si souriant, avait les sourcils froncés. Loënia l’entendit murmurer “Bon courage !” alors qu’elle pénétrait dans le bureau du meneur. Peut-être était-ce le bruissement de sa robe qui l’avait trompée.

Adrien était assis à son bureau. Il lisait des feuilles éparpillées sur son bureau. A la vue de Loënia, il les remit en un seul tas et posa ses doigts liés dessus.

-Tout va bien ? Le questionna-t-elle.

Adrien lui sourit et hocha la tête.

-La soirée était-elle belle ?

-Tu réponds par une question par une autre, c’est grossier. Mais oui, la soirée a été bonne. Personne n’est mort, contrairement à d’autres.

Adrien comprit le sous-entendu et leva les yeux au ciel. Loënia ne manquait jamais l'occasion de lui rappeler les meurtres qu'il commanditait.

-Ah, toi aussi tu fais ça ! Bref, Horod réitère son invitation. Il tient vraiment à discuter avec toi.

-Loënia. Il n’est pas question que j’aille le voir. Ce serait faire montre de faiblesse et je ne suis pas faible.

-Adrien.

Loënia approcha et posa ses mains sur le bureau.

-Comme mon cousin me l’a rappelé très gentiment : tu ne peux pas laisser tes vampires tuer impunément des gens car des conséquences vont arriver. Horod est cool pour le moment, vraiment cool, mais si cette situation continue, il va lancer les fées à vos trousses. Pense aux chasses menées contre les vampires. Et si elles reprenaient ?

Adrien éclata de rire, ce qui eut pour effet de déstabiliser Loënia. Elle le regardait, interloquée.

-Que les fées viennent. Qu’elles viennent ! Je n’attends qu’elles. Elles m’ont rejeté auparavant, j’attends de voir comment elles viendront.

-C’était il y a deux siècles et ce ne sont même pas des mêmes fées dont on parle ! S’offusqua Loënia.

-Tu sais quel est le vrai problème, dans tout cela ?

La jeune femme en robe resta de marbre.

-Si Horod lance les fées à mes trousses, c’est toi qui devra choisir un camp. Ce sera moi… ou eux.

Encore une fois, comme avec son cousin, elle avait perdu la parole. Loënia considéra son aïeul. Son cerveau fonctionnait à toute vitesse mais aucune des réponses qui lui venaient ne semblaient convenir.

-Il n’est pas ton oncle.

-Il m’a toujours considéré comme sa nièce, que je sois adoptée ou non, alors le fait que ma mère adoptive soit une meurtrière ne change rien de son point de vue. Il me l’a dit de lui-même alors n’essaye même pas de le discréditer à mes yeux.

Adrien haussa les sourcils, insensible aux arguments donnés par la jeune femme.

-Réfléchis-y, relança-t-elle. Horod te propose une solution de facilité. Je vais aller dormir.

Loënia était trop réveillée maintenant pour espérer tout de suite s’endormir mais elle n’en dit rien. Quand elle sortit de la pièce, cette fois, elle entendit très distinctement Adrien lui indiquer de “réfléchir également”.

-Il a vraiment un caractère de merde, commenta Rubis en tirant la porte de Lent-Sorceler.

-Qui ça ? L’interrogea Matze qui arrivaient vers Loënia et Rubis.

-Mon oncle, répondit la fée.

Rubis avait prétexté avoir quelque chose à acheter à Lent-Sorceler alors qu’elle et Loënia sortaient d’une exposition qui ne leur avait pas plues. Soudainement requinquées, elles ne mirent que dix minutes à rejoindre l’échoppe du sorcier. Sans surprise, Loënia avait compris, en entrant dans la boutique, que l’achat de Rubis avait un but caché puisqu’elle sauta presque dans les bras de Matze dès qu’elle le vit.

Loënia retira son sac de son épaule et le déposa près du comptoir. Après s’être hissée sur la pointe des pieds pour observer par-dessus les rayonnages, se dirigea vers la réserve de l’échoppe. Rashnoé, en t-shirt et en bermuda, essayait d’extraire un carton rempli d’une étagère.

-Besoin d’aide ?

Il tourna la tête, surpris de trouver sa petite-amie au pied de sa porte, et acquiesça.

-Si tu pouvais monter sur une chaise pour débloquer cette boîte avant qu’elle ne s’écrase sur mes orteils ?

Loënia tendit le bras et fit racler les pieds de la chaise sur le sol avant de sauter dessus. La boîte était coincée entre deux autres qui étaient elles-mêmes pleines à craquer. Elle en tira une avec ses doigts mais se résolut à user de ses pouvoirs magiques et, en un tour de main, le carton de Rashnoé était au sol.

-Qu’est-ce qu’il contient ?

Rashnoé n’attendit pas sa question pour l’ouvrir.

Une multitude de boules de cristal de toutes les tailles séjournaient dans la boîte. Leurs socles en bois semblaient indiquer qu’elles avaient une vingtaine d’années. Malgré ce que pensaient les acheteurs compulsifs, les boules de cristal, à partir du moment où elles étaient bien entretenues et respectées, pouvaient indiquer le futur ou montrer le passé pendant des dizaines de décennies sans aucun problème.

Des paillettes constituées de pierres d’ambre ou d’opales avaient été coulées dans le cristal encore chaud. C’était, selon les on-dit, pour les rendre plus efficaces et plus précises dans leurs prédictions. Est-ce que cela fonctionnait vraiment ? Les boules indiquaient-elles mieux si quelles notes les bacheliers auront-ils au baccalauréat ? Peut-être.

-Si cette boîte était tombée… Murmura Rashnoé en passant sa main dans ses cheveux. J’ignorais qu’elles étaient là. Mon père a dû les déposer ici un jour où je ne travaillais pas. C’est tout à fait son genre.

-Je n’ai jamais aimé la divination, commenta Loënia en poussant ses cheveux de son épaule.

Elle échangea un regard complice avec Rashnoé.

-Tu te rappelles des cours de ta mère dans le salon ?

Rashnoé, les yeux dans le vague, hocha la tête. Ambatine, quinze ans plus jeunes, avaient des idées beaucoup moins radicales sur les non-fées. Elle laissait alors ses enfants fréquenter des sorciers ou des loups. Mélusine, la mère du sorcier, adorait garder Loënia les mercredis après-midi. S’ils en exprimaient l’envie, elle leur apprenait un enchantement. Cette dernière était passionnée par la divination. Elle possédait une splendide collection de boules de cristal qui étaient très fièrement exposée dans le couloir attenant aux chambres. Un jour, elle promit aux enfants de leur apprendre les bases en matière de divination. Rashnoé et Loënia, alors âgés de 8 ans, exaltaient de joie. Rashnoé, bon élève, réussit à deviner ce que son père allait préparer à manger pour Noël prochain. En revanche, Loënia malgré ses belles facultés magiques, ne devina pas ce que sa mère allait porter comme vêtement pour le lundi d’après. La boule de cristal chauffa, chauffa, et explosa entre ses mains, pour se planter -et par chance !- tout droit dans le plafond.

-Je crois qu’il reste encore un ou deux éclats dans mon salon…

Loënia et Rashnoé sursautèrent au moment où une exposition retentit dans la boutique. En effet, un peu plus loin, sous les fleurs séchées, Rubis et Matze venaient de faire exploser quelque chose. Le chaudron qui était installé sous la cheminée de la boutique, fumait comme s’ils avaient essayé de préparer une potion.

-Désolé, fit Matze avant de baisser de nouveau la voix pour s'exprimer à Rubis. Je crois que je n'ai pas mis assez de camomille... ou alors, trop de sel marin.

Loënia et Rashnoé échangèrent un regard amusé avant qu'une vilaine odeur de flatulence ne se répande dans le magasin.

-Ah ça non, fit le propriétaire en courant pour ouvrir la porte de la boutique. Rubis, tu dois savoir quelque chose si tu veux sortir avec Matze. Il a déjà raté un sortilège dans mon appartement et l'odeur est restée pendant trois semaines. Prépare-toi bien.

Loënia expira par la bouche pour chasser la mauvaise odeur qui s’était insinuée jusqu’au plus profond de ses narines. Les mains sur les hanches, elle se tourna vers Rashnoé. Ce dernier, à l’aide d’un magazine, battait l’air par la porte pour chasser la puanteur.

-Vide-moi ce chaudron avant que je ne vomisse et que ma boutique n’ait l’odeur d’un charnier !

Matze lança un regard à Rubis, qui signifiait clairement : “Mon pote m’agace mais comme c’est ma bêtise, je vais le faire”. Rubis s’écarta assez longtemps pour que Matze se saisisse du chaudron posé dans la cheminée et qu’il sorte de la boutique. Loënia supposa qu’il allait laisser s'écouler sa préparation dans les égouts de la ville.

-Qu’est-ce que vous prépariez ? Demanda Rashnoé, toujours occupé à chasser l’air impur de la pièce.

-Un sortilège pour éloigner les mauvais esprits. Matze avait commencé avant que Lo’ et moi n’arrivions.

Rashnoé se contenta de répondre d’un mouvement du menton. Quelques secondes après, Matze revint avec le chaudron et le reposa dans l’âtre de la cheminée.

Loënia, postée entre le rayon pierres et herbes sèches, posa ses mains sur ses hanches avant de prendre une grande inspiration. Elle se tourna vers son petit-ami.

-Est-ce que tu as parlé de l’idée de Braken à Matze ?

-Comme c’est l’idée de ton cousin et que je ne peux particulièrement pas le voir, ma réponse est : non.

Matze et Rubis tournèrent la tête vers la fée, la curiosité peignait leur visage.

-Au bal de l’été, samedi dernier, Braken est venu nous rejoindre; Raison, Amare, Rash et moi. Il a eu une idée… pour améliorer les relations entre les créatures magiques de Bretagne et pour diminuer les tensions.

Matze haussa les sourcils.

-Continue, fit Rubis, d’une voix indulgente.

-Il a eu l’idée de créer un conventicule. Ce groupe serait composé de toutes les créatures magiques qui existent. Je trouve l’idée bonne même si Braken est loin d'imaginer la quantité de travail qu’une telle innovation pourrait apporter.

Loënia regarda un instant Rashnoé avant de continuer.

-J’ai envie de tenter cette aventure. Cependant, pour cela, j’ai besoin de vous et de beaucoup d’autres personnes.

-Je te suis, répondit aussitôt Rubis en s’approchant de Loënia.

Matze, prêt du chaudron, observait Rashnoé. Tous les deux semblaient avoir une discussion silencieuse.

-Braken, Ô le grand prince et futur roi de Bretagne, veut réunir toutes les espèces magiques ? Il se prend pour Mère Thérésa ?

-Matze, le reprit Rubis.

-Non, attends. Sérieusement. Les sorciers sont considérés comme une engeance démoniaque depuis des siècles à cause de l’image que les fées nous ont donnée, les loups ont dûs quittés leurs terres natales et maintenant que les vampires se révoltent, on veut bien mettre en place une paix provisoire qui ne satisfera que quelques uns ? Je ne dis pas ça pour toi, Loënia, tu le sais bien. Mais Braken… Bon sang. Il était le premier à nous harceler. Tu sais très bien ce qu’il faisait vivre à Rash.

Loënia hocha la tête, tout de même envahie par la culpabilité de ce que ses ancêtres avaient pu faire ou non.

-Laissez-lui une chance, s’il-vous-plaît. Je sais bien que mon cousin peut parfois être… est un connard de première mais je crois qu’il a compris quelque chose. Tous les meurtres qui se déroulent actuellement, c’est le résultat de tous ces siècles sous un régime inégale. Et je suis tout à fait d’accord avec toi, Matze, les fées ont leur part de responsabilité, peut-être plus que les autres. Seulement, maintenant il faut que nous évoluions ensemble.

-Que pense de ça Adrien ?

Loënia se tourna vers Rashnoé.

-Eh bien… C’est très compliqué pour l’instant mais au bout d’un moment nous parviendrons à un accord.

Matze leva les bras en l’air, accablé.

Loënia, observant ses mains, reprit :

-Je le connais depuis seulement quelques mois mais ça va venir. Il va réaliser que ce qu’il laisse faire à son clan n’est pas acceptable.

Rashnoé ne réagissait pas. Il maintenait le regard de Loënia.

-Je sais que je vous en demande beaucoup, surtout après tout ce que mon cousin à pu vous faire.

Matze hocha la tête tout en observant les rayonnages autour de lui.

-Autre chose ? Demanda Matze.

Rubis ne pensait sûrement pas discuter aussi sérieusement, quand elle avait eu l’idée de venir à Lent-Sorceler pour voir Matze. Loënia se sentit coupable de lui infliger ça mais, en voyant l’air encourageant dans les prunelles bleues de son amie, elle se sentit tout de suite plus légère.

-Eh bien… Braken m’a envoyé un SMS au petit-déjeuner. Vendredi matin, il nous propose de nous réunir chez lui pour discuter de ce projet.

Rashnoé et Matze échangèrent un nouveau regard.

Au bout d’un moment, l’un des deux répondit.

-Je fermerai la boutique pour deux heures mais pas une de plus.

Loënia approcha de son petit-ami et lui saisit les mains.

-Merci beaucoup. Merci énormément de lui donner une chance.

Rashnoé hocha la tête, l’air désabusé.

-Je n’y crois pas. C’est à lui de me convaincre.

Il saisit son set de clé et son sac à dos en cuir.

-Je vais à mon cours de théâtre.

Ils s’embrassèrent rapidement.

Dans leur coin, Rubis et Matze se regardaient de près.

Heyyyyyyyyyyyyyyyyyy

Plot twist de qualité

Enfin j'espère

Personnellement, j'aime beaucoup.

Bonne journée !

Jane Anne

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Jane Anne ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0