Le cas Susannah Cahalan
Elle s'appelle Susannah Cahalan, est américaine et n'a que vingt-quatre ans au moment des faits. L'histoire terrifiante que je vais vous raconter est son histoire, celle d'une miraculée de la vie. Elle en fait un livre « Brain on fire » publié en 2012, dédié à toutes celles et ceux qui n'ont pas eu la chance d'être diagnostiqués et qui ont été placés en asile psychiatrique, vraisemblablement pour le restant de leurs jours.
Lorsque vous vous réveillez un matin, persuadée de voir deux points rouges sur votre avant-bras, même s'il ne s'agit que de piqûres de punaises de lit car New-York en est infesté, vous n'imaginez pas une seule seconde que votre vie va basculer dans l'horreur. Quand par la suite, vous faites appel à un désinsectiseur et qu'il ne trouve pas la moindre bestiole dans votre appartement, même après une inspection minutieuse... Vous ne pensez pas avoir rêvé et être folle pour autant !
Seulement, l'obsession des punaises ou de la parasitose, peut-être un symptôme de psychose, qui a un nom : le syndrome d'Ekbom. Comme la personne concernée prend plus facilement rendez-vous avec un spécialiste de la désinsectisation, voire de la peau, qu'avec un expert en santé mentale, elle ne sera diagnostiquée que tardivement, voire pas du tout !
Cependant, le problème de Susannah ne va pas s'arrêter là. Très rapidement, en plus de voir des choses qui n'existent pas, la jeune fille va ressentir des douleurs physiques, perdre le sommeil et l'appétit, se mettre à entendre des bruits et des voix pour enfin développer une paranoïa. Elle se tait pourtant et n'en parle à personne. Lorsque ses bras et ses mains commencent à s'engourdir, que ses maux de tête s'accentuent, elle pense aussitôt à une mauvaise grippe et ne s'alarme pas. Ne lui dit-on pas depuis l'enfance qu'elle a une santé de fer... C'est sa crise d'épilepsie qui va être le déclencheur de sa première consultation. Grâce à son petit ami Stephen, qui est présent ce jour-là et qui l'emmène aussitôt à l'hôpital.
Après de nombreuses prises de sang et toutes sortes d'examens très coûteux, dont un IRM, les résultats tombent. Ils sont tous négatifs. On demande alors aux parents si leur fille est une fêtarde, capable d'ingurgiter de grosses quantités d'alcool, si elle se drogue etc. Mais ce n'est pas le cas. Alors, ils en viennent à évoquer un surmenage dans son travail. Susannah est journaliste au New York Post, un métier reconnu pour être stressant, où l'on ne compte plus ses heures. Et la jeune fille doit bien admettre, que depuis quelque temps, elle ne parvient plus à se concentrer ni à faire le travail demandé avec le même sérieux. Sans parler des bouffées d'excitation et d'abattement, qui arrivent sans prévenir et laissent ses collègues effrayés et perplexes. Ils ne la reconnaissent plus.
Les médecins ne savent pas de quoi elle souffre et rares sont ceux à le reconnaître. Alors, ils lui disent de rentrer chez elle, de bien prendre son traitement contre l'épilepsie, de se reposer et que tout rentrera dans l'ordre. Le père et la mère, inquiets, ne sont pas convaincus par la simplicité du verdict et décident malgré tout de l'héberger à tour de rôle, afin de mieux la surveiller, ils sont divorcés.
Il ne faut pas longtemps avant qu'une deuxième puis une troisième crise ne viennent s'ajouter à la précédente. Effrayés par son état et ne sachant comment l'aider, ils insistent pour la faire hospitaliser malgré la désapprobation du corps médical. Elle reste alors de longues semaines en observation jour et nuit, sans résultat, entravée sur un lit d'hôpital. Ses crises sont violentes, considérées comme psychotiques, on l'abrutie de médicaments.
Bientôt sa santé s'aggrave encore davantage, elle ne parle plus, ne bouge plus, ne répond plus aux stimuli. Pour le corps médical, aucun doute, elle est entrée en phase de catatonie, syndrome caractéristique de la schizophrénie. Ils le tiennent enfin leur diagnostic, du moins en sont-ils persuadés. Et lorsqu'ils l'annoncent aux parents de Susannah et à Stephen, abasourdis et dévastés par la nouvelle, ils n'oublient pas de spécifier que l'établissement ne possède pas le matériel adéquat pour soigner leur fille et qu'ils doivent la diriger rapidement vers un établissement spécialisé où elle sera mieux prise en charge... Autrement dit, un asile.
Sauf que Monsieur et Madame Cahalan, n'envisagent pas une seule seconde d'abandonner Susannah, ni de la laisser dépérir dans ce genre d'endroit. Ils sentent que leur petite fille est encore là, quelque part, enfermée dans son propre corps et refusent de la condamner à cet enfer.
Après un mois de calvaire, c'est un nouveau médecin, que le sort de la jeune fille ne laisse pas indifférent, qui établira un autre diagnostic et lui sauvera la vie. Cette maladie a un nom : L’encéphalite à anticorps antirécepteurs NMDA* ou quand les propres anticorps produits par le système immunitaire d'une personne, s’attaquent aux récepteurs de son propre cerveau.
Susannah a dû réapprendre à vivre, à parler, à marcher, à se reconstruire... Aujourd'hui elle a même repris son travail au journal et sa vie avec Stephen. Elle sait qu'elle ne serait jamais parvenue à ce résultat sans le soutien indéfectible des médecins, de sa famille et de ses amis qui l'ont aidée dans cette épreuve. Son livre est un bel exemple de ténacité dans l'adversité. Il a été adapté au cinéma.
*Les récepteurs NMDA sont des protéines qui gèrent les impulsions électriques du cerveau, et leur fonction est essentielle pour le jugement, la perception de la réalité, l’interaction humaine, l’encodage et l’extraction de la mémoire et la gestion des activités inconscientes (comme respirer, avaler, etc.), appelées les fonctions autonomiques.
Susannah Cahalan a été la 217ème personne à être diagnostiquée. On recense régulièrement de nouveaux cas...
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