Chapitre 27

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 On n’entend plus un seul bruit maintenant : à la fureur du tonnerre, aux éclairs qui ont déchiré le ciel, aux trombes d’eau qui se sont déversées sur la ville pendant une bonne heure, aux ébats ardents des uns et des autres dans l’immeuble, a succédé un calme presque hiératique. De la fenêtre ouverte s’échappe l’odeur enivrante de l’ozone, cette odeur si caractéristique qui ne se sent qu’après un orage.

 Jamil ouvre les yeux, fixe le plafonnier un moment, avant de scanner l’ensemble de la pièce. À son visage hagard, je comprends qu’il ne sait pas très bien où il se trouve : cette chambre est trop meublée pour être la sienne, voilà ce qu’il semble se dire, mais son esprit est encore trop engourdi pour remonter le fil du temps et démêler l’enchaînement des événements qui l’ont amené là. En se tournant sur le côté, il s’aperçoit qu’il n’est pas seul. Il se tourne de l’autre côté : il n’est pas seul du tout. Un sourire s’esquisse sur ses lèvres, la mémoire lui est revenue. Il se redresse un peu, retire lentement le bras posé sur son torse, la jambe mêlée à la sienne. Une fois son corps libéré des membres qui l’entravaient, il parvient, à l’aide d’adroites contorsions, à s’extirper du lit sans déranger ni Myriam ni Thomas. Mais son parcours du combattant ne fait que commencer, il lui faut à présent rassembler ses vêtements. La tâche est ardue, seule une faible lueur lunaire, à travers les rideaux entrouverts, éclaire la pièce. Nu, à genoux, Jamil tâtonne. Il brandit un bout de tissu, l’observe, le remet par terre : c’est la chemise de Thomas. Le deuxième vêtement qu’il trouve, un jean, suscite un sourire victorieux : il est à lui. Il poursuit ses recherches, s’aventure dans les coins de la chambre. On entend les bruissements des habits exhibés les uns après les autres. Jamil prend soin de faire le moins de bruit possible, ses gestes sont délicats, il ne veut réveiller personne. Mais la délicatesse ne suffit pas toujours :

 — Tu sais, tu peux rester dormir avec nous cette nuit, si tu veux. J’ai l’impression que tu as un peu de mal à retrouver tes petits.

 C’est la voix de Thomas. Myriam se retourne dans un soupir et ouvre les yeux à son tour.

 — Oui, reste ici, remets-toi entre nous deux, dit-elle en s’écartant pour lui faire de la place.

 Jamil s’excuse de les avoir réveillés, reste un moment à genoux, son jean à la main, indécis quant à ce qu’il convient de faire. Finalement, il décide de se recoucher.

 Le silence est vite rompu par Thomas :

 — Jamil ?

 — Oui ?

 — Je peux te demander quelque chose d’indiscret ?

 — Dans la situation où on est, il me semble qu’on n’a plus grand-chose à se cacher.

 — Tu préfères les hommes ou les femmes, en général ?

 Jamil ne répond pas tout de suite. Il semble réfléchir. Puis il lâche :

 — Tu veux dire sexuellement ?

 Thomas et Myriam s’esclaffent en même temps. Les voilà tous trois bien réveillés, à présent.

 — Évidemment, sexuellement, reprend Thomas. On est nus dans un lit et on vient de prendre un pied d’enfer, c’était encore mieux qu’avant-hier. Tu ne crois quand même pas que je te demande de te lancer dans des jugements sur la psychologie générale des femmes par rapport à celle des hommes, ou dans une réflexion philosophique pour savoir si ces différences sont de l’ordre de l’inné ou de l’acquis. Ça pourrait être intéressant, mais peut-être dans une situation plus… conventionnelle.

 Jamil a manifestement assez d’autodérision pour rire à son tour. Mais Thomas tient à avoir une réponse à sa question :

 — Alors, hommes ou femmes, au final ? Si tu veux, je commence : je sais depuis longtemps que je suis hétéro à, disons, soixante-dix pour cent. Depuis toujours, mon regard se porte en priorité sur les femmes. Mais les quelques fois où j’ai eu un partenaire masculin, j’ai éprouvé un plaisir différent. Voilà, tu sais tout, maintenant. À toi. Myriam, ne m’en veux pas si je ne te pose pas la question, mais te concernant, je crois que les choses sont claires.

 — Mais qu’en sais-tu ? intervient Myriam, mutine. C’est vrai que je n’ai jamais tenté l’expérience avec une femme, mais après tout, ça pourrait me plaire, une fois lancée. En tout cas, je suis ouverte à tout, tu le sais.

 — Bien, ce sera notre prochaine expérience, alors. Jamil, cette fois-ci, tu n’y couperas pas. Alors ?

 Jamil pose tour à tour son regard sur le corps de ses deux partenaires, comme pour y trouver une réponse adéquate. Finalement, il déclare :

 — Je n’en sais rien.

 — Comment ça ? s’exclame Myriam. Tu dois bien savoir ce qui provoque ton désir le plus souvent, quand même ? Par exemple, quand tu fantasmes, quand tu te… enfin, tu vois ce que je veux dire, tu penses à des hommes ou à des femmes ?

 — Ça dépend. Je pense avant tout à des gens précis. Parfois ce sont des femmes, et parfois des hommes. Je crois que mon désir se porte avant tout sur des personnes. Peu importe leur sexe, au final. Par exemple, je peux te l’avouer maintenant, Myriam : j’ai souvent fantasmé sur toi. Mais ce n’est pas forcément parce que tu es une femme. Tu me plaisais, c’est tout.

 — Et pour moi, tu n’éprouvais pas de désir ? demande Thomas.

 Jamil hésite, il ne veut pas blesser Thomas. Mais ce dernier a l’air plus amusé qu’autre chose. Alors Jamil décide de jouer la carte de la sincérité :

 — Avant, non, pas spécialement. Ou plutôt, disons que je ne m’étais pas posé la question. Il faut dire que tu attires l’œil, Myriam.

 — Tu vois, je te le dis tout le temps que tu me fais de l’ombre, ajoute Thomas. À cause de toi, je passe complètement inaperçu ! Tu es beaucoup trop sexy.

 Flattée, Myriam dépose un baiser sur les lèvres de son compagnon, puis sur celles de Jamil. Thomas pose une main sur le torse de Jamil, le caresse légèrement. Myriam fait bientôt de même, tout en écartant un peu les cuisses. Bientôt, les mains se font plus téméraires et ne tardent pas à parvenir jusqu’au membre de Jamil, qui commence à se raidir. Myriam fixe Thomas, il accuse réception de son regard, tous deux portent leur bouche au niveau du sexe de leur voisin, le titillent avec leur langue, voilà qu’ils l’engloutissent tour à tour. Le souffle de Jamil s’accélère. Lorsqu’une onomatopée lui échappe, ils murmurent en même temps :

 — Et maintenant, qui désires-tu le plus ?

 — Vous deux, a le temps de gémir Jamil entre deux soupirs, tout en caressant la chevelure de ses deux partenaires.

 Et il ne tarde pas à le leur montrer.

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