Chapitre 10 : Test d'entrée

11 minutes de lecture

Le bâtiment était plus imposant que tous les buildings aux alentours. Entièrement vitré du rez-de-chaussée jusqu’au sommet, c’était une tour ronde et pointue comme un crayon à la hauteur démesurée, entouré d’un parc et d’un autre bâtiment tout en longueur qui encerclait le tout comme un rempart.

Avant d’arriver devant la porte d’entrée, Galata avait traversé un grand hall dans le bâtiment circulaire puis une longue allée de terre, finement ratissée et encadrée de deux grandes rangées d’arbustes pointus à leur sommet, qui menait à la tour de verre. La jeune fille n’avait jamais été dans cette partie d’Energy City et se sentait complètement perdue. La grandeur des lieux lui donnait même le vertige.

Dans le parc autour, il y avait quelques personnes civiles qui profitaient du soleil et de la douceur de la pelouse verdoyante ainsi que des Rangers qui patrouillaient. Certains parcouraient la longue allée entre le hall et la tour à bord de véhicules motorisés, leur permettant de se déplacer plus vite.

En les voyant passer à toute vitesse, Galata se demanda pourquoi elle et Maître Rayzen n’en avait pas pris un. Cela aurait pu leur éviter de devoir marcher autant. Elle préféra ne pas lui en parler car elle savait déjà sa réponse : marcher fait partie constante de l'entraînement.

Sauf qu’en ce jour, elle ne l’avait pas suivi pour s'entraîner. Elle se rendait au poste central des Space Rangers pour intégrer les rangs des protecteurs de la galaxie. Son rêve se réalisait enfin !

Elle s’était levée très tôt ce matin-là afin d’être prête pour partir à l’heure. Elle était d’une telle excitation qu’on aurait pu la comparer à une puce sautillant de partout, malgré une nuit d’insomnie.

Mama avait tenté de lui faire mettre une tenue élégante comme s’il s’agissait d’une rentrée scolaire dans une prestigieuse école. Après s’être débattue toutes les deux, Mama avait fini par céder et sa petite protégée avait enfilé une jupe noire qui descendait au-dessus des genoux, un simple débardeur blanc et une paire de chaussures qui aurait parfaitement fait l’affaire pour une randonnée.

— La mode des jeunes d’aujourd’hui est incompréhensible, avait décrété Mama en la voyant partir ainsi accoutrée. Il va falloir que je remédie à cela…

Et pour couronner le tout, Galata avait sorti une paire de mitaines qu’elle utilisait pour les entraînements de boxe, mais elle ne les avait enfilés qu’une fois sortie de la maison. Elle trouvait que cela lui donnait une certaine classe, d’être dans le coup.

Maître Rayzen n’avait rien dit sur sa tenue. Rien dans le règlement des Space Rangers n’exigeait une quelconque tenue vestimentaire lors de la présentation des aspirants au test d’entrée. En revanche, ceux qui étaient ensuite reçus se devaient de mettre l’uniforme et l'équipement exigé lors de leur temps de service.

Galata avait hâte d'enfiler le sien et de partir en mission avec, se voyant défendre les opprimés contre l'invasion des sans-lumières.

Arrivé devant la double porte de la tour, Rayzen s'arrêta et regarda son élève en la fixant droit dans les yeux.

— Es-tu toujours prête à entrer ? lui demanda-t-il.

— Pourquoi cette question ? Bien sûr que oui !

— Mama aimerait que tu choisisses une autre voie.

— Je sais, soupira Galata. Elle me le répète assez souvent. Mais je n'ai pas changé d'avis. Je veux rejoindre les Space Rangers !

— Très bien.

Le vieux maître poussa le battant de la porte vitrée. Le hall d'entrée était très lumineux, le sol brillait comme du cristal, à tel point que Galata y voyait son reflet. Au centre se trouvait un bureau circulaire avec plusieurs hôtesses d'accueil. Des Rangers allaient et venaient dans toutes les directions, certains discutaient entre eux, d'autres étaient assis dans des fauteuils contre les murs.

Au fond de la salle étaient disposés plusieurs gros tubes transparents. Lorsqu'une plateforme descendit de l'un d'eux avec des personnes dessus, Galata comprit qu'il s'agissait d'ascenseurs.

— Ici, c'est l'accueil, expliqua Rayzen. Si tu as la moindre question, n'hésite pas à t'adresser aux personnes au centre là-bas. Tu as différentes bornes comme celle-là… - Il montra du doigt un écran posé sur une sorte de pupitre - … qui peuvent te guider dans tous les bâtiments avec le plan affiché. Elles te seront très utiles pour te repérer au début.

— Bien.

— Allons directement à l'étage qui te concerne.

— Je vous suis, maître.

Ils entrèrent dans l'un des tubes ascenseurs et montèrent plusieurs étages rapidement. L'ascension était cependant si souple que la jeune fille n'en ressentit aucun fourmillement au ventre. L’excitation continuait de monter également. Elle n’arrêtait pas de bouger nerveusement, comme si elle se préparait à un combat.

— Cesse de bouger ainsi, lui reprocha Rayzen. Tu n’as donc aucun contrôle sur ton tes nerfs ?

— C’est plus fort que moi, maître. J’attends ça depuis des années…

— Garde ton calme, nous arrivons.

L'étage pour le recrutement était le septième. Le décor était le même que pour l'accueil, brillant du sol jusqu'au plafond. Rayzen se dirigea vers un bureau sur la droite où travaillait un homme au crâne à moitié dégarni portant des lunettes en demi-lune.

— Commandeur Rayzen, s'exclama-t-il en levant les yeux vers lui. Je vous attendais.

— Bonjour, Elber. Les inscriptions ont-elles commencées ?

— Vous êtes pile à l'heure, répondit celui-ci. C'est donc votre élève ?

Son regard s'attarda sur Galata comme s'il l'évaluait.

— B… bonjour, salua-t-elle timidement. Je m'appelle Galata.

— Bonjour à toi, jeune Galata. Tiens, prend cette fiche d'inscription avec toi et remplie-la minutieusement. Les aspirants sont réunis dans la petite salle au fond. On vous appellera au moment venu.

Il lui remit une feuille d'inscription. Maître Rayzen la prit ensuite par l'épaule et la conduisit vers la salle désignée.

— Je ne peux pas t'accompagner plus loin, Galy. Il n'y aura rien que tu ne puisses surmonter une fois que tu seras entrée.

— Vous dites ça comme si j'allais affronter une armée de sans-lumière…

— Non, il n'y a aucune épreuve à vous soumettre si ce n'est une évaluation du potentiel de lumière en chacun des aspirants. Beaucoup ne sont pas admis car ils n'ont pas de capacité à utiliser le pouvoir de la lumière. En ton cas, je n'ai pas de soucis à me faire.

— Alors pourquoi semblez-vous inquiet, maître ?

— Je ne suis pas inquiet. Ne fais juste aucun débordement.

— Débordement ? Mais…

— Il est l'heure, vas-y.

Il ouvrit la porte et la poussa à l'intérieur d'une petite pièce où attendait une dizaine de jeunes aspirants comme elle, leur papier à la main. Sans rien dire, il referma la porte derrière elle.

Il me laisse comme çaJ'y crois pas !

Il y avait neuf garçons et deux filles, mais Galata n'en connaissait aucun. Chacun était assis dans un fauteuil, la dévisageant du regard. La jeune fille sentit son visage rougir de gêne et, après un bref "bonjour", alla s'asseoir dans le fauteuil qui restait. Elle prit un des stylos posés sur une table basse au centre de la pièce et commença à remplir sa feuille d'inscription en s’appliquant du mieux possible, n’ayant aucun support pour écrire.

Après quelques minutes d'attente, un officier entra à son tour dans la pièce. Les jeunes se levèrent alors, imités par Galata avec un temps de retard.

— Bonjour, jeunes gens, salua-t-il. Je suis le capitaine Meifesto et je suis chargé de l’évaluation d’aujourd'hui. Dans un premier temps, je vais prendre vos feuilles d'inscription et, si vous voulez bien me suivre, nous allons commencer.

Après la remise des fiches, il les emmena dans un long couloir qui longeait le bord du bâtiment. Les fenêtres à leur gauche donnaient sur l'autre côté du parc. De l'étage où ils se trouvaient, les jeunes avaient une vue imprenable sur tout Energy City. A l'autre bout du couloir, une porte donnait sur une pièce beaucoup plus grande que la précédente.

Tout était entièrement blanc immaculé du sol au plafond. Dans le fond de la salle, il y avait un escalier qui montait à une mezzanine gardée par des barrières. Au centre, un fauteuil trônait, seul, devant un appareil étrange à la forme d'un canon laser.

On dirait une tourelle de défense des jeux vidéo de Mayt, pensa Galata en observant l'étrange machine.

— C'est ici que l'évaluation va se dérouler, expliqua le capitaine. Chacun votre tour, vous vous assiérez sur ce siège afin de subir les différents flashs de lumière venant des spots au plafonds qui serviront à faire réagir votre potentiel lumineux en vous. La machine si intrigante que voici…

Il désigna l'appareil en face du siège.

— … va alors évaluer ce potentiel. Je vous rassure, c'est sans danger pour vous. Vous ne sentirez rien, mise à part une chaleur dans votre corps à la suite de la réaction de votre lumière énergétique interne. Bien, commençons.

Le premier était un garçon du nom de Dike. Ce dernier s'assit sur le siège et attendit pendant que le reste du groupe monta sur la mezzanine, guidé par le capitaine Meifesto.

Il y avait tout un arsenal d'appareil électronique sur la plateforme. Un homme en blouse blanche, plus petit que Galata, s'affairait sur chacune d'entre elle alternativement.

— Voici le professeur Prisma, présenta le capitaine. Il est l'un des plus grands chercheurs de la planète en matière d'énergie lumière. Il a, entre autres, conçu ce formidable équipement qui sert à détecter le potentiel lumineux dans chaque être humain.

Le professeur ne jeta pas un regard au groupe, marmonnant un simple "bonjour" à peine audible.

— Professeur, nous pouvons commencer.

Prisma tira un levier sur une console de commande et une grande baie aux vitres teintés s'abaissa pour recouvrir entièrement la mezzanine.

— Nous sommes trop près des lumières des spots, expliqua Meifesto. Ces vitres teintées nous protégerons les yeux de l'intensité de la lumière émise. Notre camarade en bas étant suffisamment éloigné et n'ayant pas le regard tourné vers le plafond, il ne risque rien.

Le professeur appuya sur quelques boutons et les spots suspendus commencèrent à émettre une forte lumière dans toute la pièce, suivit d'un bourdonnement intense. S'ensuivit alors un bombardement de flashs plus intenses que celui d'un appareil photo. Le test dura plusieurs secondes, puis le professeur Prisma stoppa les machines. La verrière teintée se releva ensuite.

— Vous pouvez nous rejoindre, appela Meifesto au garçon sur le siège. Maintenant, c'est mademoiselle Eylsa Bonfort de prendre place.

Dike monta les escaliers tandis qu'Eylsa, une jeune fille élancée aux cheveux verts coupés courts prenait sa place.

— Comment vous sentez-vous, jeune homme ? demanda le capitaine Ranger.

— Je… j'ai l'impression d'avoir reçu un coup de soleil sur la peau, répondit-il.

— Ah… je vois, marmonna Meifesto.

— Quelque chose ne va pas ? demanda Dike, inquiet.

— Non, non, tout va bien, s'empressa d'ajouter le Ranger.

Galata vit cependant le professeur Prisma secouer la tête d'un air légèrement dédaigneux.

C'est comme ça qu'on évalue la lumière cachée chez un être humain ? Maître Rayzen aurait pu me le dire…

Le test se poursuivit avec Eylsa de la même manière. Une fois encore, le vieux professeur et le capitaine ne furent pas emballés par les résultats qu’eux seuls voyaient sur les moniteurs.

Vint ensuite le tour de Galata. Lorsque Meifesto prononça son nom, elle prit une grande inspiration et descendit les escaliers pour prendre place à son tour sur le siège. Devant elle, l'appareil servant à mesurer la lumière était pointé droit sur son visage.

Lorsque les lumières commencèrent à s'allumer, Galata comprit que c'était cette machine qui émettait le bourdonnement sourd. C'est alors qu'elle commença à ressentir dans son corps comme un frémissement qui parcourait chacun de ses muscles. Elle pensa d'abord au fait que c'était le bourdonnement qui résonnait en elle, mais la sensation se fit plus intense avec les flashs, suivit d'une forte chaleur venue du fond de ses entrailles.

Elle commençait à se sentir étrange, comme si elle allait s'écrouler mais sans tomber dans le malaise. La chaleur devenait très forte en elle, comme si elle prenait de la fièvre. Le frémissement était devenu un vrai tremblement dans ses muscles, rendant ses mouvements difficilement contrôlables. La lumière émise par les spots se mêla avec la blancheur des murs, la rendant presque aveugle.

Ce genre de sensation lui était pourtant familière. Bien que très brefs, elle avait déjà senti cette chaleur et ces frémissements lorsqu'elle avait usé de son pouvoir de lumière non-intentionnellement. Mais cette fois-ci, ces sensations étaient beaucoup plus intenses et surtout beaucoup plus longues.

Galata avait du mal à rester sur sa chaise. Les tremblements devenaient si fort qu'ils lui faisaient faire des gestes nerveux incontrôlables. Puis soudain, tout devint blanc autour d'elle, sans contour des murs et des objets présents. Un blanc infini à perte de vue…

— Tu lui as vraiment dit ça ? s'étonna une femme élégante, accoudée au comptoir d’un bar et habillée d’une tenue de Ranger.

— Tout à fait, répondit Rayzen, de son habituelle placide attitude.

— Mais pourquoi lui avoir menti ? Ça n'avait pas de sens !

— Il lui fallait quelque chose pour la motiver. En sachant cela, elle a pu avoir assez de cran pour remporter la finale du tournoi. Même s'il ne s'est pas terminé de manière conventionnelle, je pense qu'elle avait sa chance de gagner…

— Tout de même ! Tu n'as pas été honnête avec ton élève.

— Je sais ce qu'il lui faut pour qu'elle aille au bout de ses ambitions. Je ne fais que la guider.

— Drôle de méthode, quand même…

Rayzen était accoudé au comptoir d'un bar proche du quartier général des Space Rangers. Il était en compagnie d'une femme d'une grande beauté, aux courbes élégantes et aux cheveux châtains longs et bouclés, en tenue de Ranger.

Syreene Sanders était entrée comme Space Ranger il y avait maintenant vingt ans. Ayant été formée par le maître de Galata pendant deux ans puis régulièrement assignée dans son équipe, les deux Rangers se connaissaient très bien et avaient établit une relation de confiance mutuelle. Chacun pouvait compter sur l'autre dans la moindre situation.

Beaucoup de gens qui les côtoyaient se laissaient dire qu'ils entretenaient une relation plus que professionnelle depuis longtemps. Or, tous deux avaient démenti ce genre de rumeurs avec vérité, n'étant que des collègues de travail qui savaient travailler en parfait harmonie, bien que Syreene avait espéré le contraire à maintes reprises.

— Tu sais que j'ai rencontré ta petite protégée l'autre jour, lui dit-elle. Lors de l'intrusion chez elle.

Rayzen posa son verre et s'alluma une cigarette.

— Ah ouais ?

— J'étais de garde cette nuit-là avec Jerbert. Elle est vraiment mignonne cette petite. Si elle est acceptée, je demanderais à la prendre sous mon aile avec le jeune Trekker. Si tu l'as aussi bien formé que tu le prétends, elle deviendra un des meilleurs éléments dans nos rangs.

— Elle sera accepté, c'est une certitude.

— Qu'est-ce qui te donne une telle assurance ?

— Je sais des choses que tu ne dois pas savoir.

Syreene eut un rire bref.

— Que je ne dois pas savoir ? Rayzen, enfin… Tu dis ça comme si c'était un secret d'état.

— Ce n'est pas officiel mais tu n'en es pas loin.

— Vraiment ? Mais qu'est-ce que tu caches avec cette enfant ? Elle est si exceptionnelle ?

Le vieux maître prit une gorgée de son verre de whisky.

— À un point que tu ne peux imaginer…

Syreene resta perplexe.

— Ne me dit pas que…

Elle fut interrompue par un bip sonore à son bras. C'était son bracelet électronique qui permettait à chaque Ranger d'être relié au quartier général pour être contacté.

— Ici Sanders, j'écoute !

— Mademoiselle Sanders, nous avons besoin de vous au quartier général. Une alarme s'est déclenchée au septième étage où se déroulent les tests des nouvelles recrues.

— Bon sang ! siffla Rayzen entre ses dents. Galata…

Il s'élança dehors en courant.

— Très bien, j'arrive. Le commandant Rayzen est avec moi.

Elle coupa la communication, demanda au barman de mettre leur consommation sur sa note et parti sur les pas de Rayzen en direction du quartier général.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire L.A. Traumer ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0