Crépusculaire
Un soir, sur la sublime plage de la Pointe Marin en Martinique, le ciel s’assombrit doucement. Le firmament, épuisé par l’accomplissement d’une œuvre lumineuse, se métamorphosait. Des teintes contrastées s’unirent brièvement en une symphonie fugace avant que la voûte céleste ne s’enveloppe d’un voile sombre, dressant son trône ténébreux.
D’ordinaire, cette révérence du ciel me distrait à peine. Mais ce jour-là, pour une raison mystérieuse, elle me troubla.
Je marchai un peu sur le sable, guidé simplement par le clapotis régulier des vagues. La plage, déserte, m’éloignait du tumulte du monde. Je m’arrêtai, immobile, comme en attente. À première vue, rien d’extraordinaire. Et pourtant, je compris plus tard que ce tableau cosmique me murmurait un message.
Le crépuscule, projeté à l’échelle humaine, m’apparut comme ce moment fragile où tout peut basculer — vers l’ombre ou la lumière, le pire ou le meilleur. Nous connaissons tous ces instants suspendus où se décident nos grandes bifurcations : fuir ou affronter, mentir ou assumer, croire ou douter, pardonner ou condamner.
Ces choix naissent de nos dispositions intérieures, façonnées par le hasard, les blessures, les rencontres, les silences. Ils reflètent nos contrastes : certitudes et doutes, forces et failles, convictions et contradictions. L’ambivalence de nos consciences assiégées.
C’est dans ce lieu intérieur, sur l’autel de la pensée, que se livrent des batailles muettes, mais farouches. Parfois, à notre insu, s’y décide la trajectoire d’une vie entière.
Ce soir-là, face au ciel, j’ai compris que certaines âmes humaines vivaient, elles aussi, leur propre crépuscule, des fragments de vie, d’ombre et de lumière.
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