R'yline marchait d'un pas raide, un masque impassible posé sur son visage à l'encontre de la colère qui bouillonait en elle. Comment avait-il osé ? Depuis qu'elle avait épousé ce métier, personne n'avait jamais refuser sa couche. Certes, elle ne l'avait pas ouvertement invitée mais les signaux envoyés criaient la montée du désir.

Arrivée dans sa chambre, la danseuse s'assit avec rudesse sur sa couche. Son pied battait la mesure de son mécontentement, ses doigts pianotaient en écho sur ses bras croisés. Elle avait presqu'envie d'être prise là, dans l'instant, par le roi. Pourtant, d'ordinaire la nymphe faisait tout ce qu'elle pouvait pour éloigner ou retarder ce moment. Les gestes empressés du souverain l'écœuraient. Il s'apparentait plus au prédateur, les griffes enserrant sa proie, les pattes posées lourdement en signe de domination. De toute façon, elle s'était assurée qu'il était encore accaparé par les O'rocs afin de pouvoir approcher le prince en toute sécurité.

Comment ce dernier avait-il pu lui faire pareil affront ?

La jeune femme repensa aux regards de concupiscence du roi à son égard. R'yline frissonna d'une joie tintée de désir.

Que lui arrivait-il ? Elle ne se reconnaissait pas.

La nymphe prit de grandes inspirations et positionna ses doigts afin de former un cercle avec ses mains. Une volute cristalline tourbillonna vers le plafond. Plus l'eau s'élevait, plus le calme la recouvrait de sa cape bienfaisante. Elle était le joyau, elle était la favorite et elle ferait succomber le prince. R'yline prit une inspiration plus profonde, puis expira tout en relâchant ses épaules. L'eau retomba sur sa peau, la caresse humide la lava définitivement du feu de la colère. Elle changea rapidement les gouttelettes en vapeur d'eau qui se dissipèrent aussitôt. Elle ne devait laisser aucune trace. R'yline voulait éviter à tout prix le bûcher, mais les vertus tranquillisantes de son pouvoir la poussaient parfois à puiser dans son essence vitale pour dompter la part de feu, certainement apportée par ces solemnums à côtoyer les Eflammes.

Sa pensée de nouveau rationnelle, la danseuse élaborait déjà une nouvelle approche pour séduire le jeune héritier. Le carillon du beffroi raisonna de sa mélodie caverneuse. Il n'était plus temps de s'attarder sur ses plans d'avenir, elle devait rejoindre les loges pour passer entre les mains de ses sœurs. Elles étaient les seules capables de mettre en valeur comme il se devait ses traits raffinés et sa silhouette plantureuse. Sans parler de sa chevelure, elle n''avait jamais eu la patience de la peigner avec suffisamment de soin et de l'orner de toutes ses parures. Cela lui permettait de marquer son statut, la nymphe y gagnait sur tous les plans.

La jeune femme pressa le pas. Lui parvenait du bout du couloir les voix des autres nymphes déjà installées devant leur coiffeuse.