Chapitre 2.2 : Entre tensions et espoirs

10 minutes de lecture

Jérémy Chapi :

Le débat se poursuivait avec une intensité toujours croissante. Les dirigeants des différents pays continuaient de poser des questions, souvent pointues et parfois empreintes de méfiance. L'idée de la principauté semblait avoir été généralement acceptée par l'assemblée, mais plusieurs leaders exigeaient un contrôle partiel, voire total, sur l'énergie fournie par les anneaux célestes.

Cette exigence était, pour moi, non négociable.

Je m’efforçais de rester ferme, expliquant à plusieurs reprises que la neutralité et l’indépendance de Riveria étaient des conditions sine qua non pour garantir une utilisation équitable et pacifique de cette technologie. Les heures défilaient, et je sentais mon cerveau s’alourdir peu à peu sous le poids des discussions et des arguments à répétition. Heureusement, Iris, toujours connectée à ma tablette, continuait de m’encourager et de m'aider à structurer mes réponses, son regard déterminé et ses conseils précis m’apportant un soutien indispensable.

Le débat prit une tournure plus agressive lorsque certains dirigeants commencèrent à pointer du doigt Atlantide, insinuant qu’ils me manipulaient dans l’ombre pour leurs propres intérêts. Ces accusations, bien que prévisibles, me touchèrent profondément. Je savais que la présence constante de Natali à mes côtés alimentait ces suspicions. Mais depuis que le président Atlas m'avait confié connaître personnellement Séléné, la déesse elle-même, ma confiance en lui et en son gouvernement n'avait fait que croître.

Malgré ces échanges houleux, une courte pause fut finalement annoncée, permettant aux dirigeants de débattre en privé entre eux. De mon côté, on me raccompagna dans la salle d’attente où j’avais été conduit à mon arrivée. L’anneau céleste, toujours recouvert d’une bâche noire, fut ramené dans la pièce par les gardes qui continuaient de le surveiller étroitement. Natali et moi fûmes laissés seuls une fois les gardes partis.

Je m’effondrai dans un fauteuil, exhalant un long soupir pour évacuer la tension accumulée. Le silence de la salle, après le tumulte de l’assemblée, était à la fois apaisant et oppressant. Je sentais mon esprit encore encombré par les arguments et les critiques, mais je savais qu’il fallait me recentrer avant de retourner au front.

« Vous ne vous êtes pas trop mal débrouillé dans l’ensemble, pour une première fois, » déclara Natali d’un ton neutre, tout en me tendant un verre d’eau.

Je pris le verre qu’elle me tendait, mes doigts frôlant brièvement les siens. « Je vous remercie. Après tout, c’est grâce à vous, » répondis-je, ajoutant une pointe de sincérité. Malgré ses méthodes parfois sévères, son soutien m’avait été précieux.

Un sourire discret, presque imperceptible, effleura ses lèvres. « Je n’en doute pas une seule seconde, » rétorqua-t-elle avec un ton légèrement moqueur. Je crus entendre un gloussement étouffé avant qu’elle ne reprenne son masque d’impassibilité. Elle s’installa tranquillement dans le fauteuil en face de moi, croisant les jambes avec une élégance naturelle.

Je la regardai un instant, cherchant mes mots. « Comment faites-vous ça ? » demandai-je finalement, intrigué.

Elle releva un sourcil, feignant l’ignorance. « Faire quoi ? » répondit-elle, son ton légèrement distant.

« Rester aussi calme et impassible. Personnellement, devoir argumenter et défendre ma cause devant toute cette assemblée m’a vidé. Je crois que ça m’a fatigué autant que mon voyage sur Mars, » admis-je, passant une main sur mon visage où la fatigue devait être visible.

Elle me fixa un instant, un éclat presque amusé dans ses yeux. « Tout cela n’est qu’une question d’habitude, » répondit-elle finalement, avec une assurance désarmante. Puis, elle ajouta, un sourire énigmatique aux lèvres : « Et honnêtement, je trouve cette assemblée plutôt paisible, comparée à la fois où vous avez littéralement fendu le ciel avec votre vaisseau. »

Son regard confiant et son ton détendu me prirent au dépourvu. Malgré ma fatigue, je ne pus retenir un léger sourire. « Vous avez vraiment un talent pour relativiser, Natali. »

Le temps d’attente se révéla plus long que je ne l’avais imaginé. Profitant de cette pause, je organisai une discussion avec ma fille et Seraphina, restées à Atlantide pour superviser la création de la machine destinée à produire les anneaux célestes de taille Titan. À travers la tablette, je leur fis un résumé de la réunion qui venait de se dérouler, partageant les moments clés et les tensions encore palpables dans l’assemblée. Comme toujours, Iris m’encouragea avec ses mots simples mais efficaces, et Seraphina, bien que discrète, ajouta quelques conseils pratiques.

De son côté, Natali m’avait laissé seul, probablement pour rejoindre le président Atlas. Je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir. Elle suivait ses ordres, et je savais qu’elle était ici avant tout pour servir son pays. Une pensée fugace s’installa dans mon esprit : après tout, qu’est-ce qui garantissait qu’elle ne m’espionnait pas elle aussi ?

Je laissai échapper un soupir, sentant un poids familier peser sur ma poitrine. Dans ce tourbillon de politiques et de stratégies, la liste des personnes en qui je pouvais réellement avoir confiance me semblait bien courte. Mais ce lien, aussi fragile soit-il, me suffisait pour avancer.

Je laissai échapper un soupir, sentant un poids familier peser sur ma poitrine. Dans ce tourbillon de politiques et de stratégies, la liste des personnes en qui je pouvais réellement avoir confiance me semblait bien courte. Mais ce lien, aussi fragile soit-il, me suffisait pour avancer.

Tandis que ma discussion avec Seraphina et ma fille se poursuivait, Natali entra dans la pièce, son visage aussi impassible que d’habitude. « Nous reprenons, » m’annonça-t-elle simplement, me tirant de mes pensées.

Je me levai, ajustant ma cravate d’un geste nerveux, et me dirigeai une nouvelle fois vers la salle des débats. Cette fois, cependant, l’atmosphère était différente. Dès mon entrée, je sentis les regards pesants des dirigeants posés sur moi. Ce n’était plus la curiosité initiale ni l’expectative du début. Non, ce que je voyais maintenant était une froide méfiance, parfois même teintée de mépris. C’était comme si je me trouvais non pas devant une assemblée, mais devant un tribunal, prêt à être jugé.

Je pris ma place au pupitre, inspirant profondément pour contenir le mélange de frustration et d’appréhension qui montait en moi. Après un instant de silence tendu, le président de l’Union Européenne se leva, prenant la parole d’une voix calme mais ferme, son ton trahissant une certaine condescendance.

« Monsieur Chapi, après une analyse approfondie de vos propositions et discussions avec nos membres, plusieurs points posent problème. Tout d’abord, certaines nations sont fermement opposées à vos exigences telles qu’elles ont été présentées. » Il marqua une pause, laissant son regard glisser sur l’assemblée avant de continuer. « Notamment, la question de la souveraineté de votre principauté et de son indépendance totale est vivement contestée. »

Je restai immobile, mais je pouvais sentir ma colère monter lentement.

« De plus, » poursuivit-il, « plusieurs nations insistent pour que les plans de votre générateur d’énergie soient rendus publics. Elles estiment que cela éviterait tout monopole, qu’il soit de votre part ou du pays d’Atlantide, qui, rappelons-le, vous a accordé l’asile. Enfin, il est également proposé que vous travailliez sous l’égide d’une unité technologique de l’ONU, afin de garantir une régulation internationale et équitable. »

Un silence pesant suivit ses mots, laissant la salle baignée dans une tension palpable.

Je serrai les poings sous le pupitre, sentant l’amertume et la frustration s’accumuler en moi. Ces propositions, déguisées en compromis, n’étaient rien de moins qu’une tentative de me lier les mains, de me mettre une muselière pour s’assurer que je ne puisse agir librement. Mon projet, ma vision, réduite à un simple outil sous leur contrôle.

Je laissai passer quelques instants, m’imposant un calme apparent, bien que la colère grondât en moi comme une tempête. Mon regard passa sur les visages des dirigeants : certains semblaient attendre une réponse docile, d’autres, comme le président français, affichaient une hostilité à peine voilée.

Je pris enfin la parole, d’une voix mesurée mais ferme :

« Mesdames et Messieurs, je vous remercie pour vos retours, aussi divergents soient-ils. Toutefois, permettez-moi de clarifier certains points. »

Je posai mes mains sur le pupitre, laissant mon regard s’attarder quelques instants sur le président français, qui me fixait avec froideur.

« Concernant la souveraineté de la Principauté de Riveria, je serai catégorique : c’est une condition non négociable. Riveria doit être indépendante pour garantir une neutralité totale et éviter toute influence extérieure, tout en permettant une certaine liberté. C’est précisément pour cette raison que je refuse de travailler sous l’égide d’une unité technologique de l’ONU. Une innovation de cette ampleur ne peut se permettre d’être entravée par des jeux politiques. »

Un murmure parcourut la salle. Certains dirigeants hochèrent la tête en signe d’approbation, tandis que d’autres échangeaient des regards sceptiques.

Le président français ne se priva pas de réagir, son ton chargé de mépris :

« Monsieur Chapi, ce que vous proposez est une absurdité. Vous réclamez un territoire français, mais vous refusez de vous plier aux exigences légitimes de la communauté internationale. Pensez-vous vraiment que nous allons accepter cela sans conditions ? »

Je ne cillai pas, répondant avec calme mais fermeté :

« Monsieur le Président, je ne réclame pas. Je propose un accord mutuellement bénéfique. Riveria serait un partenaire pour tous les pays souhaitant travailler avec elle. Cependant, je me dois aussi, à mon tour, de m’opposer à certaines conditions qui me sont demandées. »

Son visage se durcit davantage, mais je continuai sans lui laisser le temps de rétorquer :

« En ce qui concerne l’Anneau Céleste et vos demandes de divulgation des plans, permettez-moi d’être direct : même avec les schémas complets, il vous serait impossible de le reproduire. Sa conception dépasse l’état actuel des connaissances humaines. Donner ces plans ne ferait que créer des conflits autour d’une technologie que vous ne pourriez pas exploiter, sans parler du gaspillage de ressources nécessaire à sa création après de multiples échecs. »

Un éclat de colère traversa les rangs de l’assemblée. Le président russe esquissa un sourire amusé, tandis que le président chinois hocha légèrement la tête, semblant analyser mes mots.

« Alors quoi ? » lança le président français, le ton glacé. « Vous vous placez au-dessus des nations, des lois internationales, et vous nous demandez de vous faire confiance ? »

Je pris une inspiration, laissant un bref silence s’installer avant de répondre :

« Je ne me place au-dessus de personne. Mon objectif est de fournir une solution pacifique et universelle à une crise énergétique mondiale. Je propose un partenariat équitable, sous des conditions claires. Et si cela implique de prendre des décisions difficiles pour préserver cette vision, alors je les prendrai. »

La salle entière sembla retenir son souffle. Le président français, furieux, tourna brièvement la tête vers le président Atlas, assis calmement, les mains jointes, le regard impassible. Son silence était presque plus écrasant que ses mots auraient pu l’être.

Je fis un dernier tour d’horizon, cherchant à rallier les esprits ouverts :

« Mesdames et Messieurs, mon projet est une opportunité unique. Mais je ne ferai pas de compromis sur la neutralité et l’intégrité de Riveria. Cette principauté n’est pas un caprice ; elle est la clé pour garantir que cette technologie reste un bien pour tous, et non une arme ou un outil de domination. Maintenant, je vous laisse le soin de réfléchir. La porte reste ouverte à toute discussion constructive. Par ailleurs, je présenterai prochainement une nouvelle découverte médicale à l’Association Médicale Mondiale. Je vous laisse réfléchir à la suite de l’avenir que vous souhaitez pour ce monde et reste ouvert à d’autres propositions. »

Je me redressai, terminant sur un ton calme mais inflexible. Le silence dans la salle était assourdissant. Le président français avait le visage fermé, mais d’autres dirigeants, bien que méfiants, semblaient intrigués. Le président Atlas, quant à lui, ne bougea pas d’un millimètre, mais un léger sourire énigmatique joua sur ses lèvres, comme s’il avait prévu ce dénouement depuis le début.

On me fit encore une fois sortir de la salle pour me ramener à la salle d’attente.Je laissai échapper un soupir à mon retour dans la salle d’attente, le poids de la confrontation toujours présent dans ma poitrine. Natali, fidèle à son habitude, m’accompagna jusqu’à la porte, mais me laissa seul en m’indiquant qu’elle avait une autre mission à accomplir. Je ne posai pas de questions. À vrai dire, cela me convenait. Je pouvais enfin souffler un peu.

La tablette s’activa, et le visage d’Iris apparut, son expression calme et réfléchie. Elle brisa le silence d’une voix douce mais directe :

« Les choses semblent plus compliquées que prévu. »

Je laissai un léger sourire se dessiner sur mes lèvres. « Tu as tout à fait raison, ma fille. Mais ce n’est pas une surprise. Ces dirigeants protègent leurs intérêts, comme je protège ma vision. »

Elle posa sa main virtuelle sous son menton, imitant un geste de réflexion. « Pourtant, tu savais qu’ils réagiraient ainsi pour les plans des Anneaux Célestes et la souveraineté de Riveria. Qu’est-ce qui te dérange le plus ? »

Je passai une main fatiguée sur mon visage. « C’est cette hypocrisie constante… Ils parlent de collaboration, mais ce qu’ils veulent vraiment, c’est le contrôle. »

Iris hocha lentement la tête, ses yeux brillant d’intelligence. « Ce n’est pas nouveau. Tu savais que défendre Riveria serait un combat. Tu es prêt à tenir tête, non ? »

Je pris une profonde inspiration avant de répondre, mon ton plus grave :

« Bien sûr que je suis prêt. Mais c’est frustrant. Chaque minute passée à débattre ici est une minute de perdue pour des avancées concrètes. Et toi ? Qu’as-tu pensé de l’ambiance ? »

Un léger sourire amusé apparut sur son visage. « Le président français est… disons, fidèle à sa réputation. Il était clairement en croisade. Mais je pense que certains dirigeants écoutent vraiment ce que tu as à dire. Pas tous, mais il suffit de convaincre les bons. »

Je hochai la tête, appréciant sa perspicacité. « C’est vrai. Nous n’avons pas besoin que tout le monde soit d’accord, seulement qu’un noyau de nations soutienne le projet. Et toi, comment ça se passe à Atlantide avec Seraphina ? »

Elle haussa les épaules avec un petit rire. « Disons que superviser Daniel et ses idées farfelues sur les Anneaux Titan n’est pas de tout repos. Mais nous avançons. La machine principale est presque prête. »

Je sentis une vague de soulagement. Cette lueur d’espoir me rappela pourquoi je me battais. « Continuez comme ça. Ce que vous faites là-bas est la clé de tout. »

Un coup à la porte interrompit notre conversation. Un garde entra, le visage neutre mais formel. « Monsieur Chapi, l’assemblée souhaite vous voir à nouveau. »

Je déglutis légèrement, le poids du moment revenant à la charge. Je fixai la tablette une dernière fois. « Iris, reste en ligne. J’aurai peut-être besoin de tes conseils en temps réel. »

Elle me fit un clin d’œil complice. « Toujours prête, papa. Vas-y, montre-leur pourquoi tu es là. »

Je me levai, le regard déterminé, prêt à retourner dans l’arène. Les enjeux étaient plus clairs que jamais : défendre la vision de Riveria, affronter les critiques, et prouver à ces nations que mon projet n’était pas seulement un rêve, mais une réalité qui pourrait redéfinir l’avenir.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Jérémy Chapi ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0