Chapitre 1.4: L'Affront Diplomatique

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Atlas Eumélos:

Je me trouvais à l'Hôtel de Marigny, ce palais que la France réserve à ses invités de marque. Tout autour de moi, l'opulence régnait : des piliers en marbre blanc, finement taillés, soutenaient un plafond orné de dorures éclatantes. Les lustres, jadis allumés à la bougie, scintillaient maintenant grâce à des ampoules électriques discrètes, mais la lumière du jour, filtrée à travers de grandes baies vitrées recouvertes de feuilles d'or, illuminait déjà suffisamment l'espace. Le tout évoquait une époque révolue, celle d’une grandeur que la France cherchait peut-être encore à faire revivre.

Je prenais mon petit-déjeuner, typiquement français, avec des viennoiseries croustillantes et des confitures raffinées. Un artisan de renom avait probablement préparé chaque pot, mais les portions étaient exagérées. À ce rythme, il m'aurait fallu une semaine pour en venir à bout, même avec l'aide de mes gardes.

Alors que l’heure de la réunion approchait, je consultai un message sur mon téléphone. "Nous avons résolu l'affaire en cours", m'annonça l'écran, me confirmant que la mission de Natali s'était déroulée sans accroc. Une bonne nouvelle, certes, mais maintenant, je devais me concentrer sur une autre affaire tout aussi délicate.

Un coup discret à la porte interrompit ma lecture. L'un des gardes alla ouvrir.

« Monsieur, le Président vous attend. »

Enfin. Le moment était venu.

Après avoir traversé le hall, nous rejoignîmes la limousine, et en quelques minutes, nous étions devant le Palais de l’Élysée. La foule de journalistes nous attendait déjà, rassemblée autour du tapis rouge déroulé pour mon arrivée. Ce théâtre médiatique ne me surprenait pas : tout ici n'était qu'apparence, et je savais que le moindre de mes gestes serait décortiqué par ces caméras.

Lorsque je sortis du véhicule, le président français m'attendait, droit et souriant, malgré la tension qui pesait sur nos retrouvailles. Je le dépassais d’une tête, et ma carrure imposante contrastait avec sa silhouette plus fine, presque fragile. Pourtant, dans cette arène politique, l'apparence de force physique comptait bien peu.

« J’espère que votre voyage s’est bien déroulé, » me dit-il d'une voix polie, presque neutre.

« Oui, tout s'est bien passé. Je vous remercie de votre hospitalité, » répondis-je avec le sourire calculé qui convenait à ce genre de rencontre. Je savais que chaque mot, chaque expression, serait analysé. Il fallait jouer le jeu.

Après la traditionnelle séance photo où nous échangeâmes une poignée de main sous une salve de flashs, le président m’invita à gravir le tapis rouge et à entrer dans le Palais. Deux autres figures nous attendaient à l’intérieur : Elitable, le Premier ministre, et Garmie, le ministre des Armées. Ils m’accueillirent à leur tour avec un salut protocolaire.

« Monsieur le Premier ministre. »

« Monsieur le Président. »

Nous échangeâmes les politesses d’usage, mais l’atmosphère était déjà lourde. Ils voulaient tous récupérer Jérémy Chapi, ce citoyen français que je retenais sur le sol d’Atlantide. Mais ce n’était pas aussi simple. Jérémy détenait un savoir que nous ne pouvions pas laisser partir aussi facilement. Chapi n’était pas qu’un simple citoyen. Il représentait une puissance technologique dont les implications allaient bien au-delà de nos intérêts nationaux.

« Nous avons beaucoup à discuter, » dit Elitable d’une voix posée, mais ferme.

« En effet, » répondis-je, mesurant chaque mot. La tension montait déjà, avant même que nous soyons entrés dans la salle de réunion.

Nous longions les longs couloirs, aussi richement décorés que l’hôtel où je me trouvais. Un tableau devant la porte d’un ascenseur attira mon attention. Il représentait un homme dévoré par ses propres chevaux à l'époque romaine. L’œuvre, bien qu'exécutée avec un certain talent, était un peu trop macabre à mon goût.

Nous entrâmes enfin dans la salle de réunion du Palais de l'Élysée, une pièce sobrement élégante, ornée de tableaux historiques. Le Président Macrin s’assit à l'extrémité de la table, suivi du Premier Ministre Elitable et du Ministre des Armées Garmie. Le silence lourd qui s’installa en disait long sur l’importance de cette rencontre.

Après quelques échanges de politesses, Macrin prit la parole.

« Monsieur Eumélos, nous pouvons entamer notre discussion. Comme vous le savez, un citoyen français, Monsieur Jeremy Chapi, réside actuellement sur votre territoire. Nous souhaitons qu'il soit rapatrié en France. Lors de la dernière Assemblée générale des Nations Unies, il a été reconnu coupable d’avoir violé l’espace aérien de plusieurs pays sans autorisation. Il doit donc être jugé sur le sol français. »

Son sourire était aussi calculé que froid. Je pouvais sentir l'ironie cachée derrière ses mots.

Je répondis calmement, mais fermement.

« Monsieur le Président, je comprends votre position, mais Monsieur Chapi a formellement demandé l’asile politique en Atlantide. Je ne suis pas contraint, par aucun traité international, de le renvoyer, étant donné que nous ne faisons pas partie de l’Union européenne. »

Elitable, le Premier Ministre, intervint avec un air de suffisance : « Ce n’est ni à vous ni à lui de décider de cela. C’est à la justice française de trancher. »

J'inclinais légèrement la tête, tout en sortant de mon dossier quelques notes que Jeremy m’avait fournies avant notre réunion.

« En effet, la justice est importante, mais selon nos rapports, Monsieur Chapi ne souhaite pas revenir en France, en raison d’une… disons, altercation familiale impliquant un de vos membres influents. »

Garmie, le Ministre des Armées, ne put se retenir plus longtemps. Son ton tranchant brisa l’atmosphère glaciale : « Ne tournons pas autour du pot, Atlas. Vous voulez simplement garder sa technologie pour l'Atlantide. »

Je restai impassible face à cette accusation directe.

« Ce n'est pas à moi que vous devez vous en prendre, Monsieur Garmie. Monsieur Chapi a fait une demande d’asile que je ne peux ignorer. De plus, son vaisseau a subi de lourds dégâts lors de son arrivée en Atlantide. Si cela vous intéresse, je peux vous envoyer la carcasse restante, » répondis-je, avec une pointe de provocation.

Macrin tenta de calmer les esprits : « S’il vous plaît, évitons les accusations non fondées. Nous sommes ici pour discuter dans l’intérêt de toutes les parties. »

Je savais que la véritable raison de leur insistance n'était pas tant la violation des frontières aériennes, mais bien l’accès à la technologie révolutionnaire que Jeremy avait développée. Ils n'avaient pas encore compris que je n’étais pas du genre à me laisser manipuler par des jeux de pouvoir.

Le président Macrin fixa un moment la table devant lui, comme s’il pesait chaque mot qu’il allait prononcer. Puis il reprit, plus diplomatique cette fois.

« Monsieur Eumélos, permettez-moi de rappeler que les relations entre la France et l’Atlantide sont des plus cordiales. Il serait dommage que ce simple incident se transforme en source de tension. Nous espérons sincèrement trouver un terrain d’entente à l’amiable. »

Je pouvais lire entre les lignes : un avertissement voilé. La France souhaitait éviter tout conflit ouvert, mais ils étaient prêts à utiliser la pression diplomatique. Une manière subtile de me rappeler que l’Atlantide, bien que technologiquement avancée, ne pouvait pas se permettre d’ignorer une nation aussi influente que la France.

Je répondis avec le même ton mesuré.

« La relation entre nos deux nations est, en effet, précieuse. Mais permettez-moi de poser une question, Monsieur le Président. Supposons que nous renvoyons Jeremy Chapi en France. Comment comptez-vous garantir sa sécurité et ses droits, étant donné les circonstances particulières entourant son dossier ? »

Macrin haussa les sourcils, surpris par ma question directe. Le Premier Ministre Elitable, toujours aussi rigide, intervint avant que le Président n’ait eu le temps de répondre.

« Nous vous assurons qu’il sera traité avec tout le respect dû à un citoyen français. Mais, Monsieur Eumélos, comprenez que nous ne pouvons permettre qu'un homme ayant transgressé nos lois reste impuni. Nous sommes un État de droit. »

« Un État de droit… » répétai-je lentement, fixant le président Macrin d’un regard intense. « Pourtant, cet État qui se dit exemplaire n’hésite pas à user de manœuvres douteuses quand il s'agit de ses propres intérêts. »

Je laissai planer un silence, pour lui faire sentir la portée de mes mots.

« Parlons franchement, » repris-je, ma voix se durcissant. « Vous me parlez de justice, mais que dire des multiples scandales étouffés ? De l'argent public détourné, des médias corrompus qui vendent votre propagande, de ces chaînes de télévision qui bourrent le crâne de vos citoyens avec des fausses informations et des distractions pour masquer vos propres méfaits ? »

Je fis une pause pour jauger leurs réactions, leur sourire politique désormais crispé.

« Et vous avez l'audace de venir ici, m'accuser de vouloir garder Jérémy Chapi par intérêt ? » Mon ton devint plus tranchant. « Alors que, dans votre propre pays, vos citoyens sont aveuglés, manipulés, contraints de suivre des mensonges savamment orchestrés par ceux-là même qui détiennent le pouvoir. »

Le ministre des armées, Garmie, serra les mâchoires. « Vous insinuez quoi, exactement ? Que nous n'avons aucune légitimité ? »

« Je n’insinue rien, je constate. Vous savez aussi bien que moi que les citoyens ne voient qu’une version bien édulcorée de la réalité. Et à présent, vous voulez me faire croire que votre principal souci est de rendre justice ? À Jérémy Chapi, vraiment ? » Je laissai un léger sourire ironique étirer mes lèvres. « Ou est-ce simplement l’appât du gain, cette technologie que vous convoitez tant, qui vous fait agir ? »

Garmie rétorqua sèchement : « Vous ignorez de quoi vous parlez, monsieur le Président. La France reste un État souverain, et vous ne pourrez pas vous abriter derrière des accusations infondées pour éviter de rendre des comptes. »

Je m’appuyai légèrement en arrière, observant avec un calme froid. « Si vous croyez que je vais livrer un homme qui a sollicité l'asile pour être jugé par un système qui ne vise qu’à le réduire au silence et à exploiter son savoir, vous vous trompez lourdement. »

Le président français, piqué au vif, se pencha légèrement en avant, adoucissant son ton, mais ajoutant une froideur calculée.

« Ne vous méprenez pas, Président Atlas. Ce citoyen français, M. Chapi, détient une technologie d’importance capitale pour notre pays. Si vous persistez à lui accorder asile et à ignorer notre demande, des mesures diplomatiques et économiques pourraient être envisagées. La France ne peut se permettre d’être ignorée dans cette affaire. »

Garmie, le ministre des armées, ajouta d’une voix ferme : « Nos intérêts sont clairs, et les répercussions pourraient aller au-delà de simples sanctions économiques. »

Je les regardai en silence, un sourire presque imperceptible sur mes lèvres, tandis que j’évaluais la situation. Un instant de calme s’installa dans la pièce, chacun attendant ma réponse.

« Mesures diplomatiques ? Sanctions économiques ? » répliquai-je doucement, avant de lever légèrement les sourcils, comme si tout cela me semblait d’un autre monde. « Messieurs, vous sous-estimez peut-être l’Atlantide. Vous parlez de répercussions comme si elles pouvaient m’effrayer ou faire plier mon pays. »

Je fis une pause, jouant avec l’air suffisant qui semblait imprégner leurs menaces.

« Mais soit, si vous tenez tant à résoudre ce malentendu… Je vous invite personnellement à venir en Atlantide rencontrer M. Jérémy Chapi. Allez donc lui demander s’il souhaite revenir en France pour y être jugé. Je suis certain qu’il appréciera la délicatesse de votre proposition, après… tout ce qu’il a traversé. »

Mon ton restait cordial, presque amusé, mais l’ironie de la situation était palpable. « Je vous assure, l'Atlantide vous accueillera avec hospitalité. Après tout, il n’est question que d’un simple citoyen, n’est-ce pas ? »

Un silence lourd tomba sur la pièce, les politiciens français me dévisageaient, perplexes. Je savais qu’ils n’allaient pas accepter mon offre, mais c'était un moyen de clore la conversation sans leur accorder ce qu’ils désiraient. Je me levai lentement, rassemblant mes affaires.

« Sur ce, messieurs, je crois que nous n’avons plus rien à dire. Je vous souhaite une bonne journée. »

Je quittai la salle de réunion avec un goût amer dans la bouche, bien que cela n’ait été qu’un exercice diplomatique. Je savais pertinemment que la situation ne pouvait que s’envenimer. En quittant le Palais de l'Élysée, je sentais les regards des journalistes se poser sur moi, mais aucune parole ne traversa mes lèvres.

« La discussion a été un peu mouvementée. Pourrais-tu garder un œil sur notre homme, s'il te plaît ? »

Je raccrochai, puis refermai les yeux, prêt à repartir pour l’Atlantide. Un poids pesait sur mes épaules, mais j’avais la certitude que la véritable bataille ne faisait que commencer.

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