Chapitre 11 : Le village caché de l'île d'Ithaque.

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L’an 726, Continent Ouest, île d’Ithaque, près d’un petit village reculé :

Alors que le jour se lève, les premiers rayons du soleil, passant à travers le ciel nuageux, viennent lui caresser la joue, lui procurant un peu de chaleur et de réconfort, tandis que la douce brise de la mort plane au-dessus de sa tête.

Les soldats disposés en cercle autour du prisonnier discutent de son sort, chacun y allant de son mot :

- Il l’a bien cherché, il le mérite.

- Quand même…Il n’est pas un peu jeune pour subir ça ?

- Qu’importe l’âge, un criminel reste un criminel !

- J’ai entendu dire que c’était un orphelin.

- Ça explique son acte irréfléchi, il n’a pas eu un père qui lui a appris à différencier le bien du mal.

- Hé ! Tu as quelque chose à dire pour ta défense petit ?

- Est-ce qu’il saisit la gravité de son geste ?

Au milieu de ce chahut se tient un jeune garçon âgé d’à peine douze ans, les mains liées, accroupi devant la lunette d’une guillotine et entouré de toute part. L’exécution approche, mais il semble encore nourrir l'espoir d'un lendemain :

- Héhéhé ! Je ne mourrais pas aujourd'hui ! lance-t-il d’un grand sourire plein d’assurance.

Quelques heures auparavant :

Un homme fait son apparition aux portes d'un village.

Quatre années se sont écoulées depuis le tristement célèbre incident de Cendria, surnommé depuis : La nuit aux larmes de cendres. Une soirée au cours de laquelle le roi Raal, la princesse Émi, tous les nobles et personnes éminentes ainsi que les cinq commandants périrent de façon mystérieuse aux yeux du monde, signant par la même occasion l’effondrement du royaume.

L'aventurier revenu d’entre les morts, Galahn, ancien premier chevalier du royaume de Cendria, seul rescapé de cette nuit, n'a cessé depuis lors de voyager à la recherche d'indices pour retrouver la princesse, l'homme à la marque de lune et ses acolytes.

Il avait légerement vieilli, mais sa musculature s'était accrue depuis la dernière fois, sans oublier les quelques cicatrices glanées, preuve que son périple n'avait pas été de tout repos ces dernière années.

Rentrant d'une mission sur l’île de Képhalonia pour le compte de la Guilde, Galahn décide de s'arreter sur le chemin du retour dans le petit village de Munt, pour y passer la nuit.

Situé au nord d’Ithaque, île voisine à Kephalonia, c’était un petit coin perdu entre plaines et forêts, avec pour seule grande voie de circulation une rue principale ensablée, entourée de petites maisons, ainsi que d’un lac à quelques mètres de là, dissimulé derrière le feuillage de la forêt. Munt semblait être l’un de ces petits villages paisibles à l’abri de l’agitation et du regard du monde.

L'aventurier n'avait pas prévu de passer par là. Lui qui n'avait même pas connaissance de l'existence de ce hameau, comptait camper dans la forêt de Sarendal en attendant le petit matin pour reprendre sa route. Mais, tant qu'à faire, il n'avait pas bu un bon verre ni déguster un repas normal depuis bien longtemps, alors autant y faire une halte.

Galahn arpente la grande rue vide, traversant la bourgade étonnement silencieuse, avant de tomber sur ce qu'il cherchait. Il entre dans l'unique taverne du village, un endroit un peu vieillot, rustique, et se dirige directement vers le comptoir. L'aventurier passe devant une table garnie de soldats thessaloniens en train de passer du bon temps en s'enivrant, reconnaissables au métal cuivré de leur armure. De l'autre côté, un enfant, couvert d'un foulard, passe silencieusement le balai non loin d'eux.

Le fait qu'il n'y est qu'une seule table occupée à une heure de pointe, dans l'unique taverne d'un petit village comme celui-ci attire encore plus son attention :

- Que font des soldats du royaume de Thessalia aussi loin de leur contrée, et surtout dans ce coin perdu ?

Il pose un dracmir*, sur le comptoir :

- Un repas et une chambre, garde la monnaie.

- Bien entendu Monsieur ! répond l'homme de la soixantaine au ventre bedonnant.

Il s’exécute et lui sert une chope puis une assiette en bois contenant un peu de purée à la texture gluante mélangée à des boulettes de viande.


Galahn vide d’une traite sa choppe :

- Ressert moi à boire, dit-il au tavernier qui lui remplit un deuxième verre.

Puis il attaque son repas immédiatement tandis que le tavernier s'adresse à lui :

- Eh ben, vous deviez mourir de faim pour engloutir ma nourriture avec tant d’ardeur ! dit-il sur un ton léger avant de se présenter : au fait, j’suis le bon vieux Binks, à votre service.

L’ex-chevalier, occupé à se remplir la panse, ne prête pas attention au paroles du tavernier.

- La chambre est au premier à gauche, poursuit ce dernier, avant de faire une remarque : Z'êtes pas du coin, vous venez de loin. Ça s'voit à votre arme, vous ne devez pas être un banal voyageur, l’écrin à votre ceinture est de trop bonne qualité.

Galahn ne répond toujours pas et continue de se nourrir.

- Qu'est-ce qu’vous amène ici ? Vous-êtes de passage ou en mission ?

L’aventurier prend une gorgée puis fixe son interlocuteur :

- Tu parles beaucoup tavernier, lance-t-il avant de reprendre son repas.

Mais le vieil homme ne s'avoue pas vaincu pour autant et revient à la charge :

- Vous savez, moyennant quelques… pièces, j’peux vous aider. Vous fournir des… informations si vous êtes en mission. J’connais tout le monde sur cette île et j’suis au courant de tout ce qui se fait dans le coin, garantit le bon vieux Binks.

L'ex-chevalier qui mâche la dernière bouchée de purée, répond à ce dernier :

- Pourqwa ches sholdas shontil ichi ? baragouine-t-il la bouche pleine.

Le bon vieux Binks fronce les sourcils, ses paupières se contractent, affichant un air perdu, avant qu'il ne finisse par s'esclaffer :

- Wahaha ! J’ne comprendrais rien si vous me parlez la bouche pleine m'sieur, rétorque-t-il.

Galahn s’empresse d’avaler et de reprendre une grosse gorgée, puis repose sa question :

- Que font des soldats thessaloniens aussi loin de chez eux ?

- Ah, oui...Euh…C’est une longue histoire sans importance, pas b’zoin de s’inquiéter, cafouille ce dernier.

- Hmm, si tu le dit, répond-t-il l’air non convaincu.

- Euh… Désirez-vous savoir autre chose ?

Il hésite un instant mais finit par lui demander :

- ... La marque de lune.

- Quoi ? s'exclame Binks.

L’ex-chevalier se disait qu’il ne tirerait peut-être aucunes informations viables dans un coin paumé comme celui-ci, mais sait-on jamais, il pose quand même la question :

- As-tu vu un homme portant une marque en forme de lune à la nuque dans les parages ?

- Une marque en forme de lune… Euh, se grattant la tête, il répond avec hésitation : Pt’être bien...

A peine a-t-il finit sa phrase que Galahn pose âprement une pièce d’un dracmille* sur le bar, une petite fortune :

- Parles ! exige-t-il.

- Oui ! Ils sont même au nombre de trois dans ce village mais...

Binks n’a pas le temps de finir sa phrase que l’ex chevalier se lève brusquement de son siège et l’empoigne par le col :

- Où sont-ils ? demande l’aventurier, en posant fougueusement un dracmille supplémentaire sur le comptoir. Le geste brusque attire l'attention de toute la salle, en particulier l'enfant.

- Je...Je..., il faut d’mander au chef du village… Calmez-vous ! implore-t-il.

- Et où se trouve-t-il ce chef ? Je ne lui ferai pas de mal, je veux juste des informations, précise-t-il avant de se répéter : parles !

Binks jette un coup d'oeil discret au dessus de l'épaule de l'aventurier, s'assurant que les soldats ne leur prêtaient déjà plus attention, puis murmure à ce dernier :

- E... Ecoutez, j’lui en parlerai et j’vous mettrai en contact. J’suis désolé mais j’vais pas envoyer n'importe qui importuner notre chef. Il a pas mal d’problèmes à régler actuellement. Essayez d’comprendre ma position, j’vous en prie, allez-vous reposer pour l’moment et comptez sur moi pour l’reste.

- Tu as intérêt à tenir parole ! profère-t-il en le relâchant.

Puis il se dirige au premier étage afin de regagner sa chambre, quand tout à coup quelqu’un l’interpelle :

- Pssst !

Galahn se retourne. L'enfant, qui passait le balai depuis tout à l'heure, lui faisait signe de venir.

Le visage de Binks pâlit tout à coup, ce dernier chuchotant de loin à l’enfant :

- Es-tu devenu fou ?

Le jeune garçon ignore les paroles du tavernier, dépose son balai et enlève le foulard à son front.

L’aventurier qui n'avait pas encore distingué parfaitement son visage tout à l'heure, note en l'observant de plus près un air d'inquiétude au travers de son regard.

Sans broncher, et au vu de la réaction du tavernier, il suit le gamin. Ce dernier se dirige vers la sortie et tourne directement dans la petite ruelle d'à côté à l'abris des regards puis se retourne et lui fait face :

- Qui es-tu et que nous veux-tu ? demande-t-il d’un ton sec.

- Quoi ? Qu’est-ce que tu…

Le gamin lui coupe la parole :

- Tu cherches une marque en forme de lune, dit-il en tirant le col de son haut, révélant sa nuque et par la même occasion la marque en question.

Elle était, à peu de choses près, identique à celle que recherchait l'ex-commandant, celle que portait celui qui l’avait vaincu, l'un des trois criminels ayant assassiné ses compagnons, son roi et enlevé sa princesse.




(un dracme* : unité de base sous forme de pièce de cuivre, servant de monnaie dans la plupart des domaines du monde civilisé.)

(un dracmir* : soit une pièce d'argent, l'équivalent de dix dracmes.)

( un dracmil* : soit une pièce d'or, l’équivalent de dix dracmirs soit cent dracmes )

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