Chapitre 19 : Infiltration à Stharvos.

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Au pied du palais d’Odyseus, le capitaine Geros finit de distribuer les affectations à ses troupes.

Les officiers supérieurs et leurs divisions ne tardent pas à se mettre en route. La tâche accomplie, il s’en retourne vers son chef, au sein du palais. Il pénètre dans la grande salle et apperçoit, au loin, son superieur siégeant sur le trône du roi Odysseus. Une image qui semble l'agacer un court instant. Il efffectue un salut protocolaire puis prend la parole :

- Polémarque* Laetos, je viens de disperser nos troupes aux quatre coins de l’île pour accueillir les délégations. Mais j’ai reçu un rapport intriguant concernant la cité de Stharvos…

- Qu’il y a-t-il donc ? Parles, mon cher Geros.

- Eh bien, son altesse Junon de Pheres, y a établi son campement. On m’a signalé que deux navires composés essentiellement de plusieurs troupes de soldats thessaloniens avaient débarqué au port de Déras, à Stharvos, dans le courant de la journée.

- Que veux-tu insinuer ? reprend le polémarque sereinement.

- Si comme indiqué dans leur missive, les thessaloniens sont venus en paix pour discuter d’accords commerciaux, ils n’ont pas besoin d’un aussi gros contingent de soldats ! Je trouve cela suspect. De plus, l’archonte* Longius de Stharvos n’a plus donné signe de vie. Peut-être lui est-il arrivé quelque chose de regrettable…ou peut-être sont-ils en train de fomenter un complot ?!

À ces paroles, Laetos esquisse un léger sourire :

- Tu débordes d’imagination mon cher Geros. Il n’y a aucun problème. Etant dans l’incapacité de le recevoir maintenant, j’ai personnellement contacté Longius afin qu’il accueille le prince chez lui. La cité de Stharvos est l'une, si ce n'est la ville la plus imprenable de l'île. De plus, compte tenu de la puissance de la Thessalonie, il est tout à fait normal de déployer ce genre de force armée pour la sécurité de leur futur roi. C'est dans notre intêret aussi. Si un malheur arrivait au prince nous serions la cible de la vengeance d'un état puissant et nos espoirs de négociations tomberaient alors dans l'oubli, explique-t-il.

- Je comprend cela, mais permettez-moi d’insister ! rétorque Geros. Accordez-moi, au moins, l’autorisation de dévier la délégation de Képhalonia qui a prévu de s’amarrer au port de Déras et de prévenir les autres arrivants ! Certains états veulent s’émanciper de l’autorité économique thessalonniene, ils pourraient se faire de mauvaises interprétations à notre sujet en voyant une armée hostile siègeant dans l'une de nos cités.

Face à sa demande pleine de conviction, Laetos prend quelques secondes de réflexion puis se prononce :

- Soit ! Contacte le polémarque Markios de Képhalonia en le priant d’accoster au port de Dexia à Vathis, et prévient les convois de Kyraphos et de Panaxos de faire voile à l’ouest, vers la baie des nymphes de Khanaara. Je te laisse inventer une excuse valable.

- Je vous en remercie ! s’exclame-t-il en exécutant un salut protocolaire.

- Concernant Longius, inutile de s'inquiéter. Il doit avoir fort à faire avec son altesse Junon, je suis sûre qu'il nous contactera très bientôt, complète le polémarque.

Pendant ce temps, sur le long de la rivière Kartheron, Binks pagaye silencieusement. Ses mouvements parfaitement synchrones rendent le bruit de la rame qui plonge dans l’eau presque naturel. Les premiers remparts de la cité sont sur le point d’être passés. De hauts murs en granites blancs qui paraissent infranchissables. Il s’engouffre dans une sorte de grotte étroite, à l’extrémité de la ville. Un passage secret dont il est l’un des rares à connaitre. Quelques mètres, puis il ressort, les voilà dans le nouveau quartier à Stharvos.

De nombreuses villas et bâtiments jonchaient les trottoirs. Les rues pavées donnaient une impression de modernité par rapport à Munt et sa seule route sablée. Tout le côté Est de la cité était juxtaposé au mont Panargias, une barrière naturelle infranchissable pour quiconque arrivant de l’extérieur, et pourtant c’était par-là, qu’ils avaient pu s’infiltrer.

- Vous deux ! Ecoutez bien, si je tape à la rame une fois, aucun danger. Si je tape deux fois, la mission a échouée, vous décampez. C'est clair ?

- Compris ! rétorque Shizza depuis le fond du tonneau.

- Nous arrivons au point d’passage. Tenez-vous prêt, chuchote Binks.

Il s’approche d’un tunnel étroit, encadré de murs en briques blanches, sous un petit pont de pierre. Un coin un peu sombre où sont stationnés deux gardes thessaloniens, de part et d’autre du chemin, chacun munit d’une lance :

- Halte-là ! En vue de la visite de son altesse Junon de Pheres, prince du royaume de Thessalia, et pour assurer sa sécurité, l’archonte a ordonné l’application de la loi martiale ainsi qu’un couvre-feu immédiat au sein de l’ancien quartier ! prévient le premier.

- Vieil homme, que fait tu dehors ? Que transportes-tu là ? enchaîne le second.

Binks garde son sang-froid, il était habitué à ce genre de situation au vu de son passif :

- J’dois livrer du rhum à la caserne pour les soldats, on m’a demandé d’faire la livraison pour cette nuit mais personne ne m’a dit qu’il y avait un couvre-feu !

- Bizarre, on nous aurait signaler cela ! Qui t’as demandé de faire cette livraison ?

- Hé bien... C'est des soldats qui sont stationnés à Munt. Ils se sont arrêtés pour boire dans ma taverne et ils ont tellement apprécié mon rhum qu’ils m’ont d’mandé d’en livrer ici !

Le second garde répond d’un ton hésitant : Je ne sais pas trop… On a ordre de ne laisser passer personne sans autorisations.

Son compagnon reprend la parole : Depuis qu’on est arrivé on n’a pas eu le temps de se relâcher, hmm, on va dire que tu as effectué ta livraison, laisse ta marchandise ici, rétorque-t-il d’un léger sourire.

D’un rictus à l’air de se confondre en excuse, Binks rétorque :

- Impossible ! J’dois m’assurer qu’la livraison est bien arrivée. C’est que j’aurais des problèmes avec vos amis-moi si je leur mens... tout en faisant un pas en arrière vers les tonneaux il entend un léger bruit de ronflements. Ce n'est pas vrai comment a-t-il fait pour s'endormir aussi vite et dans une telle situation ?! panique-t-il.

- Rui espèce d'idiot ! s'indigne Shizza du fond de son baril. j'étais tellement concentré sur leurs échanges que je ne l'ai pas remarqué.... pourvu qu'on ne se fasse pas prendre !

Le vieil homme reprend vite ses esprits. Il ne doit pas laisser les gardes s'approcher au risque qu'ils entendent le bruit suspitieux. Mais avant de pouvoir en placer une, il est invectivé par ses interlocuteurs :

- Espèce de... Tu insinues qu’un garde de l’armée thessaloniene volerait ta marchandise ?! s'emporte le premier.

- On ne peut pas laisser passer cette insulte ! ajoute le secondd d'un ton plus grave.

En un instant, les deux gardes pointent leur lance vers le vieil homme. L’un d’eux lui fait signe de la tête de rapprocher la barque du sol.

Binks sert immédiatement la rame, prêt à envoyer le signal, avant de tenter une dernière fois de les raisonner :

- J’suis désolé, un vieux comme moi ne fait pas attention à ses paroles ! Et si j’vous offrez un tonneau pour m’excuser ? Je m’arrangerais ensuite avec vos amis.

À ces mots, les deux gardes se jettent un regard complice. Ils redressent leur lance, provoquant toutes les deux un tapement léger sur le sol. Binks souffle de soulagement. L’un des soldats lui répond avec le sourire :

- Pourquoi pas ?! Bien, si c’est comme cela on veut bien…

Il n'a pas le temps de finir sa phrase qu’un fracas les fait tous sursauter. Le bruit du couvercle d’un des tonneaux vole en éclat. Un jeune homme sort violemment du baril, les bras en avant.

La surprise est telle qu’elle provoque une frayeur aux gardes, ainsi qu’au vieil homme, frappé d'incompréhension :

- Rui !!! Qu’est-ce que... ?! s’exclame-t-il, déconcerté .

(*Polémarque : L’une des fonctions les plus hautes dans l’armée, il est l’équivalent d’un commandant de nation mais à la différence de ce dernier, sa fonction est plus politisée.)

(*Archonte : dirigeant politique d’une citée. Il est l’équivalent d’un seigneur féodal ou d’un maire.)

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