3.3 - Flint et Gabriel

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Kyran salua son oncle avant de se diriger vers les bureaux administratifs de l’étage. Normalement, ce jour-là, Nash aurait quartier libre jusqu’au soir, où il pourrait rencontrer son frère Artael au réfectoire. C’était à cette période de la semaine qu’ils cuisinaient ensemble et bavardaient à propos de leurs récentes activités. C’était aussi l’un des rares moments où ils arrivaient encore à passer du temps entre frères. Ils étaient tous deux très occupés à leurs tâches respectives.

Nash se retrouva donc seul pendant un moment.

Quitte à ne rien faire, il décida de se promener un peu en ville. Le palais se situait à quelques mètres du secteur commercial, ce qui facilitait les échanges commerciaux entre les gens du Conseil et du peuple.

Quand il ne travaillait pas, Nash aimait bien se rendre à la taverne locale et boire quelques boissons non alcoolisées. Il y partageait des rumeurs et des histoires avec le barman. Il y trouvait souvent des anecdotes intéressantes qui circulaient dans la région. C’était aussi de cette façon qu’il recevait des nouvelles de son autre frère, qu’il n’aimait pas vraiment.

Troyd, le jumeau d’Artael, était le capitaine de la Première Brigade et aussi le général de leur armée. Ladite armée n’avait pas tellement servi à la nation depuis au moins soixante-dix ans. La dernière fois que la république était partie en guerre avait été pour empêcher les terres royales de Lanartis de s’approprier leurs biens. On avait signé par la suite un traité de paix, précisant que la petite nation avait été déclarée indépendante et alliée du royaume, en cas de prochaines guerres. En échange, Baldt ne pouvait plus avoir de monarchie. Les conflits avaient cessé et les gens de Baldt n’avaient plus eu de problèmes durant les dernières décennies.

Nash ne s’entendait pas très bien avec son autre frère. Voilà pourquoi il ne le considérait même pas comme l’un des leurs. Troyd était sans scrupule, impoli et macho. Il prenait les femmes comme ses catins. Il couchait avec n’importe quelle dame qui lui passait sous la main. Non seulement était-il sexiste, mais il était violent et sanguinaire. Il n’y avait, pour cette raison, aucune femme dans sa brigade. Rien que des hommes. Son équipe avait donc une sale réputation qui partait de lui.

Troyd était le fils chouchou du président ; personne ne savait pourquoi. Déjà tout jeune, il avait obtenu tout ce qu’il désirait de son père adoptif. Il l’avait trop gâté. Résultat : après de nombreuses années à toujours gagner, il s’était comporté comme une ordure et les membres de sa famille avaient pris leurs distances avec lui.

Nash espérait que Flint ne deviendrait jamais comme son oncle ivrogne. Mais tout bien réfléchi, le simple fait que son neveu ne soit pas intéressé par la gent féminine le rassurait déjà, même s’il ne comprenait jamais pourquoi Troyd était si répugnant envers elles. Toutes ces histoires de famille lui donnaient le tournis.

Le capitaine décida donc d’aller rendre visite à sa nièce Sarah qui vivait à l’église de la ville. Celle-ci avait un immense talent pour soigner les blessés et les malades. Elle était née avec ces pouvoirs et pour cette raison, était devenue l’apprentie des religieux à l’église d’Athéna.

On transmettait l’art de la guérison et de la magie divine aux églises, depuis déjà plusieurs générations. On avait appris quelques années plus tard que la demoiselle était l’une des plus puissantes soigneuses à avoir rejoint leurs rangs. À l’âge adulte, Sarah avait commencé à porter le voile et fait le serment de consacrer le reste de ses jours à la déesse.

La jeune femme prêchait la bonne parole lorsqu’on le lui demandait et partait souvent en pèlerinage, afin de venir en aide aux plus démunis. Elle était un exemple à suivre, selon les dires de tout le monde.

Sarah était toujours en contact avec sa famille, mais ses affectations religieuses et de guérisseuse professionnelle faisaient en sorte qu’elle passait beaucoup de temps à l’église, ainsi que sur la route. Nash l’adorait et la traitait comme une petite princesse, chaque fois qu’il la voyait. D’ailleurs, elle l’avait toujours considéré comme son deuxième père, puisque l’absence d’une mère l’avait grandement affectée.

Nash entra donc à l’église, en fin d’après-midi, espérant y voir sa nièce ou peut-être même le prêtre. Le Père Shalom venait de finir ses préparatifs pour la prochaine messe et lui relata qu’elle était partie en pèlerinage, au nord de la province, avec ses frères et sœurs religieux. Déçu, Nash lui demanda quand elle reviendrait, celui-ci ne le savait pas. Pour toute réponse, il invita le capitaine à venir prendre le thé avec lui.

— Voilà une très bonne idée, répondit le capitaine. Il y a longtemps que je ne suis pas venu discuter avec vous, Père.

— Très bien. Vous pourrez peut-être me dire ce qu’il se passe au palais, il y a un bail que je n’y ai pas mis les pieds. Vous n’avez pas trop de soucis, je l’espère ?

— À vrai dire, répliqua Nash, c’est la pagaille avec la formation des nouvelles brigades. En plus, il y a le festival agricole qui s’en vient à grands pas.

— Que notre Mère, la Sainte Athéna bénisse nos récoltes ! Il me tarde de préparer de la marmelade aux potirons et à l’orange ! Nos réserves de confiture à la framboise sont épuisées depuis longtemps et je crois que mes collègues commencent à s’impatienter. De la compote de pomme, c’est bien… Mais on aime aussi varier, vous comprenez ?

Nash hocha la tête. Shalom avait beau vivre modestement, il arrivait toujours à préparer de succulentes confitures qu’il vendait à travers la ville.

— J’espère bien que nous aurons suffisamment de quoi survivre cet hiver, dit-il. Madame Doyle et ses enfants ont beaucoup travaillé pour nous.

Le festival agricole était annuel. On le célébrait toujours à la fin du mois d’octobre et il y avait des emplacements un peu partout, au quartier marchand. On y dansait et on y chantait sur les pistes de danse, lorsque venait la fin de soirée. On y organisait aussi des feux d’artifice pour les enfants de la ville. Lorsque la fête se terminait, chaque habitant apportait chez lui un panier rempli de récoltes offert par les fermiers. L’église de la ville recevait plusieurs de ces paniers en cadeau, afin de venir en aide à ses habitants et aux sans-abris.

Avec le temps, la demeure divine des religieux avait été rénovée et était devenue un orphelinat pour la région. Les moines et les nonnes veillaient sur les enfants abandonnés qui n’avaient plus de familles. Chaque jour, ils essayaient de leur en trouver de nouvelles. Sarah faisait partie des sœurs qui avaient sous leur responsabilité un groupe de gamins. Elle les enseignait et les chérissait.

Puisque la capitale n’avait pas d’école officielle pour instruire les enfants de la ville, on avait offert des pupitres, des tableaux et des craies, ainsi que de vieux livres aux religieux de cet établissement. Ils éduquaient ainsi, la jeunesse de Baldt. Ils savaient tous lire et écrire. Les plus rebelles des gamins étaient disciplinés par les religieux, mais rien de violent. La violence envers les mineurs était illégale sur ces terres.

Cette église était désordonnée, mais cela lui donnait du charme. Les gens de la capitale y mettaient souvent les pieds pour aider les religieux dans leurs tâches. Nash faisait partie du lot. Il espérait tôt ou tard que tous ces enfants trouveraient chacun une famille et que les choses se calmeraient pour tout le monde.

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