5.1 - Le camp

5 minutes de lecture

Flint était en tête du groupe avec son oncle. À dos de cheval, il avait gardé silence depuis leur départ. Ils avaient tous opté pour partir, sans souper, même si Gabriel n’aimait guère cette décision. Ils s’étaient tous préparés, chacun de leurs côtés, afin de partir rapidement. Ils avaient emporté avec eux le strict minimum et s’étaient habillés chaudement. Les journées d’automne commençaient à devenir très froides, surtout en fin de soirées. Cassandra, Gabriel, Misaki et Luna étaient à l’intérieur de leur voiture alors que Shayne leur servait de cocher, le tout tiré par deux étalons.

Nash et son neveu avaient leurs propres chevaux. Flint ne s’était pas attendu à ce qu’ils partent si vite, tout de suite après avoir été assignés à cette nouvelle brigade. Par contre, il trouvait agréable d’enfin quitter la ville et voir du pays. Au moins, ce soir il n’aurait pas besoin de patrouiller dans les rues – une tâche qu’il trouvait particulièrement ennuyeuse et peu excitante.

Nash connaissait le chemin pour se rendre à Kritz par cœur pour s’y être déplacé au moins une bonne dizaine de fois, durant ces dernières années. Les récoltes de taxes obligeaient les brigadiers à collecter des fonds pour le Conseil, une fois par an. C’était le genre de tâche qu’il détestait le plus. Il n’aimait pas forcer les gens à lui donner une somme de leur argent. Mais c’était la loi de leur république et ils avaient besoin de la coopération de tous, afin de financer certains projets gouvernementaux.

À l’intérieur de la voiture, Gabriel ronflait déjà, tandis que Misaki essayait de dormir. Cassandra et Luna discutaient à voix basse.

— Tu as vu comment Flint et Gab se regardent quand ils croient qu’on a le dos tourné ? fit Luna.

— Leur relation ne nous concerne pas, Luna. Ils sont libres de faire ce qu’ils veulent du moment qu’ils ne font de mal à personne.

— Oh… Je sais. Je trouvais tout simplement curieux de les voir agir ainsi.

— Curieux pour toi, mais c’est beaucoup plus commun que tu ne le penses. Aöryn, d’où je viens, a même un couple de vieilles dames qui vivent ensemble depuis plus de cinquante ans. Elles sont aussi les propriétaires de notre boulangerie locale.

— Ah bon ? C’est bizarre pour moi, mais je trouve ça mignon quand même.

Misaki, qui n’en pouvait plus de les entendre bavarder, se tourna sur le banc et s’enfonça le visage dans un trou, entre son corps et le mur de métal qui la séparait de l’extérieur. Elle avait ramené ses jambes à elle et les croisait tout comme ses bras.

— Eh bah… Je sens que le temps va se faire long avec ces deux-là, remarqua l’adolescente.

Elle agita légèrement sa tignasse mauve de l’index ; elle avait cette habitude lorsqu’elle réfléchissait. Elle tourna ensuite son attention dans son petit sac de voyage et en sortit un grimoire magique que lui avait confié son mentor, Artael. Autant apprendre de nouveaux sorts, s’ils allaient être sur la route, pour quelque temps.

À l’extérieur, Shayne examinait Nash et Flint. Tous deux ne s’étaient pas vraiment adressé la parole, depuis leur départ de la ville. À les voir ainsi, il se demandait s’ils n’étaient pas encore en froid. Peut-être qu’ils n’avaient rien à se dire, tout simplement. Leur relation lui rappelait beaucoup celle de certains de ses anciens compagnons de voyage… mais tout ça, c’était du passé.

Nash s’éloigna un peu et dépassa son neveu. Flint recula son cheval près de la calèche, car il voulait se mettre à niveau avec le mercenaire.

— Au fait, ça ne vous embête pas que Gabriel ait mis sa hache derrière vous ? demanda le grand blond. Il n’y avait pas assez de place à l’intérieur du compartiment…

— Pas vraiment, je suis habitué à voyager avec ce genre de tracas.

Flint hocha la tête, puis regarda droit devant lui, pendant un court instant. Le vampire observa celui qu’il devait protéger, brièvement. Il se demandait ce qui pouvait bien lui passer par la tête.

Il s’apprêta à lui poser une question, lorsque le blond lui dit :

— Sinon, Shayne… Il y a un autre détail qui me turlupine. Comment se fait-il qu’un vampire puisse se promener ainsi à la lueur du jour ? Pourquoi êtes-vous capable de survivre ainsi, sans disparaître en cendres ?

— J’ai oublié de le mentionner, en effet, répondit Shayne. Je ne suis qu’à moitié vampire. Cette malédiction m’a été transmise par ma mère, après s’être fait mordre. Normalement j’aurais dû mourir après sa transformation, mais il semblerait que les gènes de mes ancêtres aient fait de moi quelqu’un d’unique en son genre.

— Ah bon ? Voilà qui m’intrigue…

— Je ne me nourris que de sang animal depuis maintenant trois siècles.

— Et c’est suffisant pour vous ?

— C’est ainsi que je survis. Mon protecteur m’a appris à contrôler ma soif près des humains. Ça m’a pris du temps, mais aujourd’hui je n’ai plus à craindre de semer la panique chez votre espèce.

— Je vois... Je comprends.

D’après le jeune homme, il valait mieux ne pas trop se poser de questions en ce qui concerne l’évolution des espèces vivantes. Lui-même appartenait à une minorité. Athéna avait un plan, disait-on et il avait l’intention de laisser la déesse le guider à travers celui-ci.

Shayne était partiellement elfique et reptilien. La tribu anthropomorphique des lézards ne vivait plus sur les terres de Baldt depuis longtemps. Ils s’étaient tous déplacés en Lanartis, deux siècles plus tôt, quand la république était toujours un royaume.

— Avez-vous toujours de la famille, en fait ? demanda Flint qui voulait en connaître plus sur son nouveau partenaire de travail.

— Je l’ignore, pour être honnête. Tout ce que je sais, c’est que ma mère était une elfe et mon père était de la tribu des lézards. Je n’ai jamais eu de frère, ni de sœur. Je ne sais même pas si j’avais des cousins ou des cousines. S’ils ont de la descendance, peut-être qu’un jour je songerai à aller les rencontrer.

— Ouf… Je n’aimerais pas me sentir comme le seul survivant de ma famille, se dit Flint. Ça a dû être difficile pour vous… non ?

Shayne hocha la tête, avant de poursuivre.

— Mouais… Ma mère a été transformée par le chef de mon clan de vampires alors que je n’avais que quelques mois dans son ventre. C’est lui qui m’a élevé, car mon père est mort bien avant ma naissance… Je n’ai pas connu celle qui m’a mis au monde, on l’a tuée à son accouchement…

— Hein ? Pourquoi donc ? demanda son interlocuteur.

— D’après mon mentor, ce n’était pas beau à voir. Elle avait complètement perdu la raison, alors que la malédiction s’est propagée en elle. On devait la forcer à boire afin qu’elle me garde en vie dans son ventre.

Flint avait affiché une expression horrifiée, lorsqu’il avait entendu les dernières paroles de son collègue de travail. Jamais il ne se serait imaginé une telle histoire.

— Pardonnez-moi… dit le blond qui réalisait qu’il venait peut-être de faire du mal à son coéquipier. Je ne voulais pas vous rappeler ces horribles souvenirs.

Annotations

Vous aimez lire TeddieSage ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0