6.2 - Le mystère de Kritz

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Le capitaine avait remarqué le malaise dans la voix de Luna, alors il se contenta de jouer le jeu et de l’aider à sa façon. Cette dernière lui prononça le mot merci de ses lèvres, en le regardant discrètement.

— Nous, on ne sait pas d’où elle vient, dit la femme de l’aubergiste, qui s’en venait avec quelques plats dans un chariot. Quand on l’a trouvé qui dormait à l’étable, on a décidé de l’héberger et d’en faire notre petite-fille. C’est dommage qu’elle soit partie !

La femme de l’aubergiste donna la deuxième assiette à Gabriel qui la remercia. Elle se pencha ensuite pour embrasser la joue droite de l’adolescente. Luna essuya son visage, embarrassée. Elle aimait bien cette dame, mais tout comme la plupart des adolescents, se sentait gênée lorsque quelqu’un leur démontrait le moindre geste d’affection en public.

— Katja, pas devant mes amis, supplia Luna, en essayant de cacher son embarras.

— Ah, ma petite perle est timide. C’est trognon !

— S’il vous plaît…

La femme de l’aubergiste comprit que sa petite protégée avait besoin d’espace, alors elle lui fit un câlin et retourna de l’autre côté du comptoir, où elle servit un autre client. Son mari, quant à lui, ramassait les assiettes sales, laissées par ceux qui venaient tout juste de sortir. Deux lampes à huile avaient été allumées pour éclairer la pièce, même en plein jour. Le feu du poêle, où Katja faisait cuire les repas de tout le monde, était si chaud que les gens devaient ouvrir les fenêtres afin de laisser sortir la chaleur.

— C’est agréable comme endroit, remarqua Flint qui piochait des morceaux de son omelette. Ça me rappelle notre propre taverne à Baldt.

— Oui, mais là-bas, c’est beaucoup plus grand et on a de l’électricité, marmonna Gabriel à son oreille.

— Il vaudrait mieux ne pas trop en parler, on risquerait d’offenser quelqu’un…

La vie rustique était très différente de celle de la capitale. Il était rare de voir des villages où les panneaux de courant électrique arrivaient à les rejoindre. Depuis quelques mois, le Conseil était en négociations pour l’expansion de leur compagnie d’électricité, afin de faciliter la vie des gens de la république. Un tel phénomène serait révolutionnaire à travers leur continent. Un village comme Kritz en bénéficierait largement et cela rendrait sûrement les hivers moins difficiles.

Shayne semblait de plus en plus troublé. Il s’excusa au reste du groupe, finit son assiette de viandes rouges crues qu’il avait commandées, puis sortit de l’auberge avec ses armes. Nash décida qu’il valait mieux ne pas le contrarier. Sûrement avait-il ses raisons d’être aussi agité. Luna remarqua qu’il avait commencé à agir bizarrement après que l’aubergiste leur avait parlé de fantômes.

— Croyez-vous qu’il en sait plus que nous de ce qui se passe à l’église ? demanda Cassandra, entre deux bouchées de salades.

Nash haussa des épaules, incertain. Selon lui, il se pourrait que leur camarade ait des secrets qu’il ne soit pas prêt à partager, tout comme Luna.

— Peu importe ce qu’il peut ressentir, nous devons remplir notre mission, dit-il. Après le déjeuner, mon groupe ira à l’église, comme prévu. Gabriel, Misaki et Cassandra, vous devrez vous contenter de faire le tour du village, sans lui.

— D’accord, ça me va, dit le colosse.

— Il faut dire que Shayne n’a pas l’air de trop nous apprécier, rajouta la brunette.

Elle semblait déçue par la tournure des événements.

Ce fut au tour de Flint de s’excuser. Il demanda à s’absenter pour aller au petit coin. Mais Gabriel comprit que son fiancé avait une autre idée derrière la tête.

— Tâche de revenir avant que l’on parte, dit simplement Nash.

Le châtain prit alors une gorgée de son thé et plissa des yeux alors qu’il observait son neveu se lever. Il se demandait ce que ce dernier planifiait.

— Pas de problème mon oncle, répondit Flint.

— Et si tu croises Shayne, dis-lui de venir nous rejoindre.

— J’y compte bien…

Flint sortit de l’auberge. Il passa devant la fenêtre qui se trouvait près de leur table.

— Est-il au courant que les toilettes sont de l’autre côté ? murmura Luna à l’oreille de Cassandra.

L’elfe haussa des épaules.

Le capitaine comprit que son neveu n’avait pas l’intention d’aller faire ses besoins du tout, mais qu’il était intrigué par l’absence du mercenaire.

Il va me causer des cheveux blancs, celui-là, se dit-il, la tête baissée.

C’était souvent dans les habitudes de Flint de s’éloigner des autres, parce qu’il avait quelque chose en tête ou qu’il semblait curieux à propos de certains détails.

D’aussi loin qu’il s’en souvienne, Nash avait souvent été témoin de la grande curiosité de son neveu. Tout jeune, déjà, le garçon avait souhaité comprendre pourquoi les humains ne pouvaient pas voler dans les airs, comme les oiseaux. Il s’était attaché des ailes en cartons au bout de ses bras et s’était élancé dans les airs, du haut d’un arbre pour essayer de planer. Le pauvre Gabriel avait eu pour seule tâche de servir d’attrapeur officiel ; cela avait impliqué que Flint lui tombe dessus, se servant de lui comme un trampoline, avant de retourner en haut des arbres et tenter à plusieurs reprises de voltiger… Toutes sortes d’accessoires y étaient passés.

Il y avait aussi cette époque où Flint avait appris à cuisiner parce qu’il avait voulu impressionner sa famille. Il avait essayé de préparer plusieurs recettes de gâteaux, les avait brûlées à la tonne, sauf la dernière tentative… Tout avait semblé parfait jusqu’au moment de la dégustation. Hélas, les proches du grand blond avaient tous appris que Gwen, l’une de ses sœurs, avait jeté une poignée de vers de terre dans le mélange pour jouer un sale tour à son cadet.

L’adolescent qu’il était à cette époque avait été indigné, et n’avait plus jamais tenté de leur cuisiner quoi que ce soit. Nash avait retenu cette scène facilement pour y avoir assisté. Il se sentit rougir, puis sourit en se remémorant ces souvenirs familiaux.

Il remarqua ensuite l’inquiétude de Gabriel, qui regardait par la fenêtre depuis maintenant un moment. Il n’avait pas touché à sa deuxième assiette, après le départ de son fiancé, comme un chien attendant désespérément le retour de son maître.

— Gabriel, va le rejoindre, dit Nash.

Le colosse hocha la tête, puis sortit en courant à son tour. Le capitaine savait que leur ami imposant ne se sentait jamais très à l’aise lorsque Flint s’éloignait de lui. Cela provoquait souvent des crises d’anxiété pour le gros bonhomme, qui avait peur qu’il arrive quelque chose au blondinet de son cœur.

— Il ne reste donc plus que nous quatre, dit Nash, en regardant les demoiselles qui l’accompagnait.

— Voilà qui change tous nos plans, remarqua Misaki.

Nash décida de lui répondre de façon familière.

— Je crois que je vais me rendre à l’église avec Luna, expliqua-t-il. Cassandra et toi, pourriez-vous vous occuper de la récolte d’informations ?

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