18.1 - Cassandra et Misaki

5 minutes de lecture

Nash, Flint et Shayne étaient partis de la capitale une heure et demie après la dernière rencontre de la brigade. Les oreilles de Cassandra et de Misaki bourdonnaient encore à cause des cris de Gabriel qui les avait séparées un peu plus tôt. Elles s’étaient assises près de la grande fontaine. Il y avait encore quelques tables de festivités qui traînaient au quartier des marchands. Certains étals avaient disparu mais d’autres avaient été remplacés par la marchandise du quotidien. Ni la chasseuse, ni la guerrière n’osait s’adresser la parole. Cassandra était toujours vexée par le comportement de Misaki, alors que l’autre aimerait bien que sa partenaire de brigade lui fiche la paix.

Toutefois, les deux jeunes femmes avaient accepté de calmer leur rage pour le bien de leur brigade et aussi parce qu’elles ne voulaient pas se faire beugler dessus une deuxième fois par l’intimidant golem.

Cassandra n’avait plus tellement sommeil, maintenant que Gabriel l’avait bien réveillée et que sa frustration envers Misaki avait pompé un peu d’adrénaline en elle. Elle se souvint alors la raison pour laquelle elle avait décidée de rester à la capitale : les funérailles de Marcus Doyle et ce qu’elle devait dire à la famille. Elle réfléchissait aux mots qu’elle devrait utiliser lorsqu’elle irait leur rendre visite avec le coroner. Aussi fallait-il qu’elle aille chercher ce dernier avant d’aller chez eux.

Elle quitta donc la fontaine et se rendit à l’immeuble de celui avec qui elle avait passé une partie de la nuit afin d’analyser le cadavre. Misaki sur ses talons, l’archère demanda à cette dernière de cesser de la suivre.

— Je n’ai rien de mieux à faire… et je n’ai pas envie de croiser Gabriel après ce qu’il nous a fait subir dans les couloirs, dit la guerrière. On est mieux d’apprendre à se respecter sinon nous allons avoir à faire à lui…

— C’est comme tu veux, mais ne te mets pas dans mes pattes. J’ai d’importantes tâches à accomplir aujourd’hui.

— Dans ce cas, va. Je te suis…

Patience, Cassandra… Patience, se dit l’elfe qui poussa la porte d’entrée de l’immeuble où elles étaient arrivées.

C’était un petit bâtiment en briques rouges située derrière le quartier des marchands et près de l’église. Rien n’indiquait vraiment aux gens que c’était une boutique réservée à un coroner. En fait, Monsieur Fawkes pratiquait aussi le métier de croque-mort. Lui et son frère s’occupaient du bâtiment depuis plus d’une dizaine d’années maintenant, ainsi que les services funèbres de la ville.

En entrant au salon mortuaire, Misaki vit une pancarte au fond de la salle d’entrée. On pouvait y lire : « En mémoires de Marcus Doyle », son âge et aussi un petit proverbe tiré de la bible d’Athéna au-dessus d’une table où l’on avait posé quelques fleurs et une photo encadrée du conseiller. Si Marcus avait été vivant, il aurait détesté qu’on l’associe à une autre religion que la sienne. Même si elle avait eu cette réflexion, plus tôt, la pauvre Gretta Doyle n’était pas en état de disputer les croque-morts.

Je ne devrais même pas être là, se dit Misaki, mais vraiment pas du tout…

Cassandra s’approcha du bureau où elle rencontra le coroner, celui qui avait ouvert le corps de Doyle durant la nuit et qui avait analysé son sang. À la demande de la famille, on avait incinéré Marcus et on avait déposé les cendres dans une boite en bois qui reposait sur une table au fond de la grande pièce d’à côté. Il y avait déjà une bonne trentaine de personnes présentes. Gretta et ses enfants, des amis et des proches. Des gens entraient peu à peu. La chasseuse demanda à Monsieur Fawkes de lui parler en privé. Il l’emporta dans une petite pièce placé près de la salle d’accueil.

Misaki se retrouva seule avec les étrangers. Elle ne connaissait personne, sauf la famille Doyle. Elle se sentait dans un monde à part, comme si elle n’était pas à sa place. La mort, pour elle, c’était trop morbide, trop étrange. Elle trouvait curieux qu’une réception ait déjà lieu le lendemain du meurtre, mais peut-être était-ce mieux ainsi. Après tout, ce n’était que la première journée permise aux gens de venir faire leur deuil avec les personnes affectées par ce drame. Elle lut sur l’écriteau que l’enterrement aurait lieu le 31 octobre.

Donc demain, pensa Misaki. Déjà novembre dans deux jours… Et dire que je suis arrivée ici, il y a six semaines… Six semaines à étudier les gens de cette république, à me fondre dans la masse et enfin me faire recruter dans une brigade. Je n’arrive pas à croire que j’ai passé tout ce temps à Baldt… En fait, je me demande combien de temps j’ai voyagé avant de trouver mon chemin vers la capitale… Si on rajoute les quelques jours que ça m’a pris pour quitter les quartiers généraux de la rébellion et trouver la grande route… Deux mois se sont écoulés.

Cassandra, de son côté, venait de tout dire ce qu’elle savait au coroner, comme quoi le meurtrier faisait partit des rebelles et que ce crime avait été commis dans l’unique intention d’ébranler le Conseil. Monsieur Fawkes jugea qu’il valait mieux ne rien dévoiler à la famille avant leur départ du salon funéraire, cet après-midi. Pour le moment, il leur fallait faire leur deuil et accepter tout l’amour et la tendresse que les gens leur portaient. L’elfe avait accompli son devoir, maintenant elle pouvait s’en aller. Toutefois, elle décida de retourner vers Misaki.

La guerrière compta au moins une dizaine de nouveaux arrivés. Elle réalisa qu’elles étaient arrivées quelque temps après l’ouverture du salon. Cassandra remarqua le malaise de Misaki et se dit qu’il vaudrait mieux qu’elles ne restent pas ici.

— Cet homme est mort à cause de tu sais quoi, commenta l’elfe qui s’approcha de sa coéquipière. Je serais toi, je ne resterai pas ici une seconde de plus… Nous ne voulons pas éveiller des soupçons.

— Ils ne savent pas que je suis liée à ce groupe.

— Pas encore, mais d’ici ce soir, ils vont apprendre la nouvelle et si j’étais toi, je ne me présenterai même pas aux funérailles. Ils risquent de te haïr.

Misaki se sentit toute petite. Sans le vouloir, elle serait liée au meurtre de Marcus Doyle. Tout ça parce qu’elle faisait partie de la même organisation que l’assassin. Pour le moment, ils n’en savaient rien… mais un jour… ?

— Que veux-tu que je te dise, Cassie ? soupira la guerrière. J’ai échoué à ma vie royalement ? J’aurais pu faire mieux ?

Annotations

Vous aimez lire TeddieSage ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0