18.3 - Cassandra et Misaki

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Gabriel était installé au réfectoire depuis maintenant quelques minutes et attendait patiemment l’heure du repas. Il commençait à trouver le temps long et pénible. Ses fameux rugissements avaient alerté les bureaux administratifs et Artael, était venu à sa rencontre pour lui demander ce qui n’allait pas. Le golem s’était contenté d’expliquer à son futur beau-père qu’il venait de mettre fin à une dispute entre deux de ses camarades de brigade. Étonné, le conseiller l’avait remercié, mais l’avait quand même averti qu’à l’avenir, il serait mieux d’éviter de crier dans les couloirs.

— Au fait, Gabriel, avait formulé Artael, tout bas. Je vais avoir besoin de toi pour m’escorter. Je compte partir un peu plus tard dans la journée et je vais devoir emporter quelques soldats et probablement Misaki. Tu es au courant des procédures en cours, n’est-ce pas ? Ton aide me sera utile.

Le colosse avait accepté d’un hochement de tête. Puis Artael lui avait chuchoté qu’il attendait des réponses de la part de ses informateurs afin de localiser le chef de la rébellion. Plus tôt ils auraient trouvé le campement de celui-ci, plus tôt le conseiller pourrait partir à sa rencontre. Il avait même déjà préparé une lettre officielle signée avec le sceau du Conseil, qui demandait à Daichi de lui accorder une audience. Il ignorait toutefois si ce dernier allait accepter de le rencontrer, sur ses propres termes. Il priait Athéna en silence pour que cela se produise.

Lorsqu’il eut terminé sa conversation avec Gabriel, il était retourné à son bureau après s’être servi une tasse de café bouillante.

Le golem était maintenant seul dans un coin de la pièce, éclairé par les reflets du soleil qui traversaient les carreaux. Flint était parti, un quart d’heure plus tôt, et lui s’emmerdait à ne rien faire. Il aurait passé du temps à la bibliothèque si elle n’était pas fermée ou bien aurait rendu quelques services aux gens du palais. Cependant, personne n’avait besoin de lui. Même qu’il pensait que tout le monde avait peur de lui, désormais. Après tout, les gens avaient vite été mis au courant qu’il était capable d’intimider ceux et celles qui l’énerveraient. Il espérait que son geste, plutôt, avait permis à Cassandra et Misaki de faire la paix, sinon il s’en voudrait d’avoir perturbé l’étage au complet. Il commençait à avoir honte.

Ce fut à cet instant que l’albinos et l’elfe arrivèrent dans la salle, pile au moment où le dîner allait commencer. Elles saluèrent leur collègue ensemble et se dirigèrent au comptoir afin d’aller passer leur commande. Gabriel fit de même et s’arrangea quelques assiettes. Ensuite, il s’installa au même coin de la pièce et mangea son repas en silence. Il avait l’habitude de s’asseoir seul quand Flint n’était pas là, ou bien que les autres membres de la famille Markios n’étaient pas dans les parages. À vrai dire, il ne se sentait pas à son aise avec la plupart des gens qui ne le comprenaient pas. Plusieurs personnes n’arrêtaient pas de commenter sur son appétit féroce ou bien son tour de taille et cela l’importunait. Il préférait quand on le laissait manger en paix.

Étant lui-même une espèce d’humain fabriqué par magie, il avait parfois eu du mal à s’adapter au début de son existence, mais on l’avait rapidement aidé à apprendre les coutumes humaines. Ce n’était que plusieurs années plus tard qu’il avait compris que Flint et lui étaient destinés à devenir les meilleurs amis du monde et beaucoup plus. Plusieurs au palais s’étaient posés des questions sur leur étrange relation, mais en fait ce fut le quadruplé qui avait commencé à lui faire des avances alors même qu’il n’avait que seize ans.

Ils n’avaient pas consumé leur amour avant que Flint ait atteint sa maturité, toutefois, car ils voulaient prouver à tous les membres de la famille qu’ils étaient responsables. Ils ne voulaient choquer personne avec leur attirance réciproque. Gabriel était au courant des rumeurs qui circulaient à son égard, certaines femmes de la ville l’avaient traité de pédophile pendant des années alors que ce n’était pas du tout le cas. Cela avait pris au moins une dizaine d’années à la famille Markios pour taire ces rumeurs. Certains de ces ragots avaient profondément blessé le golem, dont les blessures mentales étaient déjà profondes à cause de l’abandon de son créateur. Il n’avait pas mérité une telle cruauté.

Encore aujourd’hui, certaines de ces commères avaient vieilli et remarqué que le golem n’avait pas vieilli d’un poil, elles le traitaient toujours comme un paria. C’était de bonnes mères de familles qui s’étaient inquiétées pour leurs petits à l’époque et plus encore. Gabriel savait qu’il ne pourrait jamais les convaincre, alors il avait appris à les ignorer, bien que par moments certaines de leurs paroles l’irritaient tellement qu’il aurait pu défoncer quelques murs pour se défouler.

— Salut Bouboule, fit une voix derrière lui. Mais qu’est-ce que tu fais encore assis tout seul ? Ta timidité te perdra, mon pauvre…

Gabriel reconnut une voix similaire à celle de son fiancé, mais savait déjà reconnaître les différences entre Flint et Kyran. L’apprenti conseiller passait son temps à l’appeler Bouboule affectueusement parce qu’il le considérait comme une grosse boule d’amour et que c’était aussi une plaisanterie qu’il partageait par complicité avec son jumeau.

Le jeune homme portait une tenue décontractée, sa chevelure toujours attachée en queue de cheval et ses lunettes pendaient au bout de son nez. Il n’y avait pas de doute, c’était bel et bien le frère de son fiancé et non le contraire.

— Et toi, tu as toujours ce franc parlé comme ton frère, dit Gabriel en ricanant.

— Il le faut bien, c’est de famille et c’est aussi pourquoi mon père m’a engagé.

— Heureusement pour moi que je sais vous reconnaître Flint et toi, sinon je ne m’aurais pas laissé prier pour t’embrasser.

— J’apprécie la pensée, mon ami, mais je ne joue pas dans ces eaux-là. Au fait, mon frère est parti depuis combien de temps, maintenant ?

— Pas si longtemps que ça, mais trop longtemps pour moi, répliqua le golem, attristé. J’aurais aimé l’accompagner.

— Dis-toi que ce n’est que pour une journée. Lorsqu’il reviendra, vous pourrez continuer à faire vos trucs habituels…

Kyran regardait en l’air et secoua la tête. Il valait mieux pour lui de ne pas les encourager. Flint et Gabriel avaient la fâcheuse habitude de se bécoter et se câliner un peu partout au palais, pour ensuite aller faire leurs trucs en privés dans leurs chambres, durant leurs « meilleurs jours » de la semaine. Bien qu’il ait dû avouer qu’il était heureux pour leur bonheur mutuel, il devait cependant leur rappeler occasionnellement que les couloirs ne devaient pas servir pour leurs rituels amoureux. Même que cela s’appliquait pour tout le monde, c’était les règles du palais. Flint s’en fichait éperdument. Son fiancé essayait quand même de ne provoquer personne avec ses désirs.

— Et s’il ne revenait pas… couina Gabriel qui relâcha dramatiquement sa fourchette dans son assiette, ce qui éclaboussa de la purée sur son chandail. Que vais-je devenir sans lui ? Il est toute ma vie…

Les yeux larmoyants, le colosse se mit à pleurer en silence. Kyran le trouvait un peu trop irrationnel, mais devait admettre que son côté romantique lui donnait un certain charme. Il lui tendit un mouchoir avant d’aller se chercher à manger.

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